La rencontre

27.7.09

Je venais juste de reprendre mes études. A la suite d’une première expérience professionnelle hasardeuse, je me retrouvai à nouveau sur les bancs d’école parmi une cohorte d'adolescents attardés pour certains encore pré-pubères. Gonflé à bloc par l’envie de réussir, je fis pendant quelques mois figure d’élève sérieux et appliqué. Ce temps là ne dura pas. Après avoir connu les méandres de la vie professionnelle, je me délectai de ce retour parmi les étudiants. Le grand misanthrope, que je suis parfois, se transforma peu à peu en meneur de troupe, épicurien et loquace. J’étais en classe de première et il me restait deux ans à tirer jusqu’au baccalauréat. Ce n’était pas gagné. Mes premiers temps d’élève consciencieux ayant porté leurs fruits, l'année fut bouclée sans trop de soucis et je m’en tirai avec les honneurs de mes professeurs.

En septembre de l’année suivante, tout allait changer. J’avais remarqué une fille très alerte, enjouée et charmante qui s’arrogeait l’ensemble des regards masculins. Excessivement courtisée, elle jouait très bien de ses attraits. Son sourire, à la fois mutin et narquois, faisait chavirer nombreux de nos cœurs. Et je ne dérogeai pas à sa puissance de feu. J’étais confondu par son charme. J’avais bien imaginé pour l’aborder quelques plans hautement romantiques mais, cette armée de prétendants m’avait conduit à renoncer. Pourtant…

C’était donc le jour de la rentrée des classes et comme d’habitude, nous étions tous très beaux, très propres et tout habillés de neuf. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque j’appris que j’étais dans sa classe ? Dés l’annonce de cette nouvelle, je sentis virer mon sang . Il bouillonna, fit plusieurs tours et accéléra comme excité par une piqûre intraveineuse. Ma tempe vacillante pouvait en témoigner. Elle allait être à ma merci. J’étais bien décidé à défier la belle. J'examinais ma tenue, inspectais les revers de ma veste afin qu'elle ne trouve à ma présentation aucune imperfection réfractaire.

Je l’aperçus d’abord dans le miroir du hall qui jouxte la porte d’entrée. J’étais de dos par rapport à elle et ma position me permit de l’observer sans qu’elle ne me voie pendant quelques secondes. Sous ses cheveux noirs ondulés, apparaissait un visage rond et halé, traversé par une bouche pulpeuse. Elle avançait vers moi, son déhanché aérien accompagnait son corps souple et bien proportionné. Sa poitrine n’était maintenant qu’à quelques mètres de mon dos quand, d’un seul coup, je sentis ses mains me bander les yeux. Une respiration plus tard, j’entendis une voix claire et souriante retentir dans la cage d’escalier : « Devine qui c’est ? ». J’étais liquéfié, « amélie-poulinisé ! ».

Ma scolarité fut, à partir de ce moment là, bouleversée. Je réussis toutefois à obtenir mon bac mais mon plus beau succès, à n’en pas douter, fut « elle » et les trois enfants qu’elle me donna neuf ans plus tard.

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