L'oscilloscope

7.9.09

C’est le corps endolori et la tête vidée que je retourne ce matin au boulot. Un début septembre sous les meilleurs auspices et une vitalité au beau fixe me permettent d’envisager demain avec sérénité. Pourtant, ces instants de béatitude sont autant de perfides retours de boomerang pour les mois à venir. Je le sens. Je le sais. Je le vis en conscience.

Si, dés ma naissance, on m’avait connecté un oscilloscope au cerveau et au cœur, ma courbe serait certainement accidentée. N’en serait-il pas la même chose pour tout le monde ? Des pics et des plongées abyssales apparaîtraient de façon continue. Des « up and down » incessants qui, même s’ils sont difficiles à négocier, prouveraient que je suis bien fait de matières organiques réagissant aux émotions. Mes états d’âmes seraient analysés par mes suiveurs, soignants ou pas. Ils pourraient alors détecter d’un seul coup d’œil si je me trouve en haut de la courbe ou aux tréfonds de celle-ci. Les plus intéressés s’adonneraient peut être même à des statistiques saisonnières pour ainsi détecter les périodes à forts potentiels de secousses.

Bien entendu, les techniques auraient évolué du tracé sur papier millimétré vers des courbes de couleurs disponibles en ligne. Je pourrais ainsi twitter mes humeurs intérieures avec allégresse et mesurer avec les autres « oscilloscopés » mes états psychiques et émotionnels quotidiens. Quelques malins recenseraient alors l’ensemble des tracés disponibles et établiraient des classements d’une pertinence douteuse.
Plus de mots pour éluder mes tourments ou pour afficher mes jubilations, j’offrirais gratuitement mon miroir interne à la masse avide voire même à la vindicte populaire.

Mais je ne suis pas connecté à une machine aussi démente. Je suis encore maître de mes émotions. Je peux les faire varier, les exciter, les plonger dans des sauces diverses. Je suis apte à nuancer, cacher, dévoiler, et mes courbes varient comme bon leur semble dans un secret absolu.

Alors, même s’il y a des jours où je souhaiterais connaître la constance ou la perfidie de mes états, je me réjouis d’avoir le pouvoir de maîtriser et d’appliquer ainsi une certaine idée de ma personnalité.

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