Lost in turlupinade

28.9.09

Je me baladais sur l’avenue le cœur ouvert à l’inconnu. Je fredonnais cette chanson depuis quelques heures. Les fredonnements intempestifs malgré leurs atours plaisants ne présagent jamais de mon bon moral. Au contraire, ils sont souvent signes avant coureurs de quelque chose qui me turlupine.

Aux Champs-Élysées ! Aux Champs-Élysées ! palalalala ! Il faut absolument que je me débarrasse de cet air pourri pour percevoir ce qui se trame derrière. Qu’est ce qui me turlupine aujourd’hui ? Je m’exerce alors, étendu sur mon lit et détendu de l’immobile, à refaire la journée afin d’y déceler les anomalies. Anomalies qui m’amèneront à comprendre pourquoi je suis tombé brutalement dans les rythmes discos du regretté chanteur au strabisme ostentatoire. En pensant à Jojo, je me souviens soudain de ma propre coquille à l’œil gauche. Plus jeune, elle avait fait l’objet des plus vils sarcasmes. Je passe sur les lunettes hideuses aux verres en forme de tessons de bouteilles et sur les séances chez l’optalmo. provoquant myxomatose et larmes glissantes sur le coin de l’œil. Et si avec cette association d’idées « champs-élysées-dassin-strabisme-souffrance », je tenais ma turlupinade du jour !

Au soleil, sous la pluie, à midi ou à minuit ! J’avais maintenant tous les éléments pour justifier mon état. Sans m’en apercevoir, j’avais remonté le fil d’un traumatisme enfantin pour atterrir sur la plus grande avenue du Monde en compagnie d’un chanteur mort. J’étais satisfait de mon auto-psy de comptoir. Je me relevais le cœur léger, fier ma découverte post-freudienne. J’allais enfin pouvoir arrêter de turlupiner, au moins jusqu’à demain.

N’importe qui, et ce fut toi ! Je t’ai dit n’importe quoi ! Et oui, lecteur, lectrice, je t’ai dit n’importe quoi car Jo Dassin aurait pu être n’importe qui d’autre. J’aurais très bien pu fredonner un autre air d’un interprète célèbre dépourvu de strabisme. C’est vrai, j’aurais pu aussi chantonner du Dalida. Salma ya salama rohna we guina
ya salama. Mais à part ces deux légendes de la variété française, point d’autre résolution de turlupinades à base de loucherie ambiguë.

Tu as suivi ? Tu me suis toujours ? Décontracte-toi, tu es presque au bout du texte. Regarde-moi bien dans les yeux ? Dans les yeux, je te dis ! Mon dieu, mais toi aussi, tu louches !

Ce texte est proposé pour le challenge #jolimot sur 17ruedesarts.fr
Photo : Lost in translation

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