Il marche

9.6.10

enmarcheIl marche dans la rue, foule la ville sinistre. Elle apparaît comme un immuable dédale. Un asphalte noir abîmé couvre de grandes allées bordées de platanes aux têtes maigres et dégarnis. Au bout de chaque artère grêle, dominent de longs et vieux immeubles cendrés au pied desquels, de leurs portes battantes rafistolées de ferrailles de quincaillerie, se dévoilent les accès violés par le temps. Aucune envie d’entrer, il marche, tourne raide sur les arêtes des carrefours. Linéaire, perpendiculaire, parallèle, autant de bifurcations, de ruptures vives qui contraignent la ville à la rigidité de l’ennui. Et le soleil pâle ne parvient pas à transpercer la brume opaque qui coiffe la cité.

Il marche, invariable flâneur à la recherche d’une lueur. A chaque angle, la même allée, les mêmes arbres, la même envie de tourner au prochain carrefour pour oublier le précédent virage. Et le gris permanent survole la ville. Le décor, l'atmosphère reste uniforme, tendue et froide. Alors il ferme les yeux, aveugle urbain, et le soleil grandissant sous ses paupières, il réinvente l’espace. L’immensité de la ville se réduit sous le vernis des portes des bâtiments qu’il repeint de couleurs rassurantes, de l’orange chaud protecteur au vert de la confiance. Les avenues se resserrent autour de bosquets généreux et d’une ellipse, il brosse les murs d’un apprêt bordeaux chaleureux puis en arrondit les angles pour adoucir la rue. Plus haut, il garnit les platanes de feuilles persistantes, têtes cheveux aux vents pour recouvrir son souffle. Il chemine et sous ses pas, couvre le bitume d’une terre ocre onctueuse. Cette terre sur laquelle désormais il peut enfin déposer des traces comme les preuves de son existence.

Sa vision de la ville ainsi redorée le conserve en vie, lui rend l’espérance. Maintenant, il marche les yeux fermés.

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