La boussole

30.6.10

Nouveau jeu d’écriture proposé par Frédérique Martin sur son billet Dix petits négres. Il s’agit comme les quatre mots de Samir de placer des mots imposés dans un court texte. Mais ici, ce n’est pas n’importe quels mots puisque ce sont dix titres de nouvelles, textes finalistes du concours 2005 de la nouvelle francophone éditée. Les dix titres imposés sont donc :
  • Intérieur Nord
  • Trouvé dans une poche
  • L’entracte
  • L’écharde du silence
  • Un clown s’est échappé du cirque
  • Carbowaterstoemp et autres spécialités (coriace, celui là !)
  • Les citées perdues
  • Le bleu des voix
  • L’angoisse des premières phrases.
  • La neige gelée ne permettait que de tous petits pas

image Très étonné, je roulais dans mes doigts une boussole trouvée dans une poche. Sur sa tranche, était inscrit la mention « Carbowaterstoemp et autres spécialités », objet publicitaire d’un restaurant flamand, me disais-je. Je ne suis jamais allé dans un tel établissement, ce qui renforçait fortement mon effarement. Je continuais à la rouler dans ma paume cherchant dans ma mémoire une odeur de carbonates belges. Plus je vrillais plus son aiguille tournait, à une vitesse vertigineuse, ne se posant sur aucun des pôles. J’arrêtais, elle continuait. Déclinatoire de mon intérieur nord, sud, est ou ouest : elle aurait été placée là pour guider mes errements intimes. Géographie imprécise, s’il en est. J’en oubliais la recherche de sa provenance. Mes yeux, pupilles dilatés, suivaient ses mouvements frénétiques tandis que la rotation de l’aiguille provoquait un aliénant murmure strident. Plusieurs tours vers la droite puis vers la gauche, je tournais la tête comme un clown qui s’est échappé d’un cirque.
Elle s’arrêta brusquement entre deux marques, entre l’ouest et le sud. J’étais happé par son magnétisme et sous l’écharde du silence, je me frayai un chemin imaginaire à la faveur de l’entracte qu’elle voulut bien m’accorder. Comme pour l’angoisse des premières phrases ou celle des premières fois, j’étais pétrifié mais je sentais que de cette direction, allaient s’ouvrir pour moi le champ des possibles, une carte nouvelle me permettant une réorientation, hors de toutes les citées perdues que j’avais tant parcourues. L’aiguille m’indiquait simplement le sens de la vie, de ma vie hors de toute notation scientifique cartésienne. La neige gelée ne permettait que de tous petits pas, avec cette indication, elle réchauffait ma route et me permettait des enjambées de géant. J’étais excité par cette découverte et même si le bleu des voix qui enflait ma tête d’azur limpide n’était que pure folie, j’étais transporté de bonheur.

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