Beau ou laid

8.10.10

image Obscur, clair ou entre les deux, il m’accompagne depuis toujours. C’est une partition de moi, un bruit intérieur, un fracas apathique et mouvant, enjôleur ou dynamiteur. Il ne me ronge pas les sens, au contraire, il les exalte. Tout demeure sensible et reste en éveil, alerte plus que jamais, j’entends, je vois, je sens. Lorsqu’il survient, c’est une île, un retrait consenti ou subi, une suspension ou un exil dans la rapidité du monde.

Quand il se fait beau, il est connivence rêveuse, connexion avec mon centre, vertige de l’appropriation des choses, exaltation, compréhension, ricochet d’expérience. Il ponctue mes trajets de vie, m’assagit, m’évite le conflit inutile avec l’autre, celui qui parle haut, qui parle fort. Je me retranche, m’intériorise, laisse passer les meneurs hurlants et conscientise leur doctrine, isole et m’emplis de la pertinence des propos ou laisse tourner dans la pensée unique le reste des illusions égarées.

Quand il se fait laid, contre-jour bruyant du ventre, tordeur d’entrailles, quand, sournois, il envoie sa cohorte sourde en acouphènes, il est blessure, il est l’enfance qui reflue. Sauvegarde des données précieuses, il est le refuge à l’angoisse, parade aux sueurs froides de la honte, à l’ego brouillé du petit en quête de reconnaissance. Las, je m’abroge, me retire dans le cloître du boiteux, il me cadenasse de l’intérieur, me tient isolé, m’oublie dans des défonces addictives. Les autres peuvent tourner, je suis absent d’eux, replié sur mon nombril, otage de ma rengaine muette.

Beau ou laid, il est silence, je suis fait de lui.

illustration

Dans le même tiroir