Plus d’eau chaude

4.1.11

image Il n’y a pas plus d’eau chaude. Nu sous la douche, je laisse couler depuis plusieurs minutes et rien ne vient, juste une eau glacée qui ronge mes orteils recroquevillés. Je sors, enroule une serviette autour de la taille, descend l’escalier agrippé à la partie basse de la rampe. Mes pieds forment des marques sur le carrelage froid, chacun de mes pas imprime un fac-similé de ma voûte plantaire, je me retourne et ça disparaît. Je ris et fais quelques sauts sur les marches puis remonte regarder l’étrange disparition de mon passage.

J’ai froid et personne dans la maison. Maman est sortie faire des courses, papa n’est pas rentré du bistro. Je me souviens, un jour, il m’a montré comment allumer le chauffe-eau. Je te montre car souvent il s’éteint, tu le sauras comme ça, si un jour… m’avait-il dit. C’est un vieux chauffe-eau à gaz qui alimente la maisonnée, il est dans la cuisine, au-dessus de l’évier. Je vérifie et en effet, plus de petite flamme bleue dans sa bouche entrouverte. Je tire une chaise, monte dessus et inspecte l’engin. Un bouton poussoir en dessous pour faire étincelle et sur la face-avant une molette à tourner pour ouvrir le gaz. Les gestes doivent être simultanés et précis. Faire sortir trop de gaz sans allumer peut s’avérer dangereux. Tu peux t’asphyxier ou même faire sauter la maison, m’avait-il prévenu.

J’ai peur et n’ose pas enclencher la manœuvre. Je tourne et déjà je sens l’émanation de gaz m’arriver aux narines. Je referme, redescend de ma chaise, m’assoie tremblotant et timoré devant ce vieux coucou de métal blanc. Pourtant j’ai bien poussé le bouton mais aucune étincelle n’a jaillit. Je remonte, les jambes en coton, et recommence. Molette vers la gauche, deux coups de bouton poussoir. Rien. A l’évidence, ce bouton ne fonctionne pas. Dans le placard, je me saisis d’une boîte d’allumettes et me retrouve devant l'appareil à essayer d’ouvrir l’arrivée de gaz tout en grattant une allumette sur la boîte coincée dans la même main. Je m’emmêle les pinceaux, tourne à fond, lâche tout, ouvre le robinet d’eau placé en dessous, laisse tomber la boîte et noie l’ensemble des allumettes dans l’évier.

Catastrophé, je ripe de ma chaise, tombe la tête sur le rebord et m’étend de tout mon long nu sur le carrelage. Je suis sonné et le gaz s’échappe. La maison va exploser. Je reprends mes esprits grâce à une série de tapes sur la joue. Affolée, maman à mes genoux me réanime. Elle me relève, me pose sur la table, et dans le flou de l’instant, m’explique que ce chauffe-eau ne fonctionne plus depuis des mois, que le bon, le neuf se trouve désormais dans la cave.

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