Voleur d’intimité

7.7.11

Voleur d’intimité

C’était attendre qu’elle ait le dos tourné, partie faire des courses, au travail ou - ne le savais pas, peut-être m’en doutais, faisais semblant de croire – simplement attendre qu’elle soit dans la pièce à côté faisant mine de ne pas voir mais dans le coin de l’œil, un éclat, un sourire revenu de l’enfance, de la bêtise qu’on laisse faire parce qu’elle est jolie, parce qu’elle a déjà été faite avant moi.

Bref, loin des yeux mais pas trop, c’était entrer dans la chambre à l’odeur de femme, les parfums chics sur les draps blancs, les volets entrouverts, pénombre juste biaisée par quelques rais de lumière qui s’échappent. Le cœur qui bat de l’interdit, être brave enfant farfouilleur à l’aventure. C’était ouvrir tout ce qui pouvait l’être, ne rien chercher en particulier mais aimer découvrir dans les tiroirs le rouge à lèvres, les breloques en pendentifs, les anciennes parures délaissées, trop vieillottes, trop chargées de sentiments abandonnés, les soupeser, caresser leur éclat défunt, le vert de gris des années. Continuer sous l’oreiller en quête de petits mots déposés, de souris qui se serait trompée de chambre, mettre le nez dedans pour sentir le frais tout en quillant les oreilles au bruit d’à côté. Ouvrir les armoires, découvrir les robes en suspension alignées par couleurs, l’odeur de renfermé mélangée de naphtaline, les plus belles sous plastique à l’abri des mites, se demander pourquoi celles-là et pourquoi elles ne sortaient plus d’ici, jamais vues, jamais portées.

C’était sursauter à la porte qui claque, les pas dans le couloir, tout refermer et remettre en ordre les objets déplacés, la peur chevillée qui multiplie les gestes gauches, ne pas retrouver l’endroit initial, me faire prendre la main dans le sac, littéralement dans son sac à main, le portefeuilles à soufflets et le calepin mauve dépouillés. Et devenir en un instant voleur de son intimité, son regard d’autorité planté sur mes méfaits, retrouver dedans la couleur, le vert de gris des breloques, dans ses paroles, un goût de renfermé. Puis, s’apercevoir que c’est pour de faux tout ça, qu’elle n’en dira pas plus, qu’elle fera comme si rien n’était et c’était ouvrir les volets en grand, la poussière qui danse au soleil et ranger ensemble le bazar, remettre chaque chose à sa place, la nostalgie sur les étagères.

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