Quand

14.9.11

C’était hier, déjà, il fera beau longtemps si je m‘accorde quand, que je disais encore. Puis, effet papillon, un vent, une humeur et tout a foutu le camp, quand. Quand il est rentré du boulot-bistro, le regard torve et les mains dans les poches, quand ses épaules ont dansé en ombres sur les murs, tapaient les meubles, quand le verre qui tinte trop, la vaisselle sale dans l’évier, le jouet sur le sol sur son passage, un repas pas préparé, quand ses yeux sont montés du ventre furibonds, quand j’ai vu, encore une fois, son sang bouillir, senti ses paroles suinter le porc, quand il s’est mis à me traiter, à le traiter sans raison, sans que rien ne le lui autorise, sans que je ne puise rien y faire, quand son odeur de lie est montée jusqu’à ma bouche, qu’il a éructé sur le petit, vomi son repas de midi, quand il a bondi, déchirant ma chemise, moi, dans la fenêtre, le petit loin, trop loin, quand j’ai senti son corps s’abattre, se dédoubler dans le miroir au-dessus du lit, quand il s’est endormi sur mes seins, la bave aux commissures, le souffle lourd dans mes oreilles, quand son poids m’a étouffé le cœur, qu’il m’a rendue stèle, alors j’ai compris que pour qu’il fasse encore beau c’était demain, déjà, qu’il me faudrait fuir.

illustration : Robert Doisneau

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