Sec et ocre

8.2.14

Dans la vigne déserte, ravalée par l’hiver, la peau morte abandonnée aux frissons du mistral, il fait saigner la terre à grands coups de pioche. La montagne le regarde, impassible, en caressant d’ombres son échine courbée. 

Une vie rêche coule dans ses veines, pas de place pour le rêve. Ici le temps est dur depuis toujours. Sec et ocre. Une toile sépia éternelle.

Il lève l’outil au ciel comme un guerrier en incantation et frappe avec force l’écorce d’argile durcie par la sécheresse et les vents. Trois petits pas dans le rang et la pioche s'envole à nouveau, double sa hauteur, le rend beau, grand et majestueux. Le temps d’apprécier le geste et l’outil disparaît sous son corps. Plié comme un roseau, il reste un temps le souffle court avant de se redresser et recommencer à casser de la terre.

Au bout du rang, il fait une pause, les mains en compresse sur ses reins brisés, le regard haut et fier. Petit homme au visage buriné de sueur fraîche, il contemple le labeur accompli puis lève les yeux vers la montagne comme pour lui demander son avis, comme si elle était la seule capable d’apprécier sa bravoure et sa joie d’être là.

Un coup de vent sèche son visage, dévale les coteaux et fait frissonner le tapis de pins sur les flancs de la montagne. Elle s’ébroue. Elle l’a entendu. Il remonte son pantalon, ajuste sur ses oreilles son bonnet de laine et lance la pioche au vent, un air satisfait collé aux lèvres. 

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