Tout contre moi

8.3.14

Tu entres par le grand portail en bois qu’il faut repeindre. Tu l’as dit plusieurs fois. Il faut le repeindre. La peinture marron est écaillée. Elle laisse entrevoir le bois brut vermoulu. Il faut le repeindre mais d’abord le traiter contre les moisissures. Contre le temps. Tu dis : contre le temps. Tout contre moi.

Tu entres toujours par le grand portail en bois. Tu n’aimes pas passer par la porte. Tu dis : je n’ai qu’une clé, celle du grand portail. Puis derrière le grand portail, c’est vraiment chez toi alors tu entres par là. Derrière le grand portail, il y a la cave. Ta cave. Avec ton bric-à-brac à toi. Tu dis : là c’est vraiment à moi. Contre toi. Tout contre moi.

Tu restes longtemps après être entré. Debout dans ta cave à ranger les outils. A penser qu’il faut repeindre le grand portail en bois. A chercher quelle couleur pourrait remplacer le vieux marron sali par le temps. Tu dis : j’ai pas le temps. Puis dans ta cave tu ne vois plus, tu n’entends plus. Peu importe l’état du portail, tu es entré et l’important est l’instant. Tant de fois. Tout contre moi.

Tu restes trop de temps dans la cave. Face à la barrique en bois. Tu bois. Tu dis : je n’ai pas la force de repeindre le grand portail. De réparer ce qui ne peut plus l’être. Tu râles contre ce travail que tu ne veux pas faire. Tu titubes, tu t’affaisses, tu vieillis. Tu ne repeindras jamais le grand portail en bois. De toute façon derrière il n’y a que toi. Le grand portail en bois, c’est toi. Tout contre moi.

Dans le même tiroir