7 variations sur le même thème #10

30.3.17


  1. Ne pas confondre ce qui nous emporte. L’orgueil avec nos préjugés, l’éducation avec la dérive de nos loyautés. La décence voudrait que j’épargne ton ego. Que nul ne fasse jaillir la peine qu’on provoque. Mais nous sommes mal assurés, perdus dans l’étourdissement des corps. Si mal qu’il est difficile de se raccrocher à la branche qui nous porte. Celle qui soutient le poids de notre intimité comme le ciel soutient le bleu.
  2. L’enfant insolent n’est pas mort. Pourtant on presse sur lui, on perce le bubon sur la peau laiteuse. Le Petit en nous est en deçà du bon. Il se vit en drame quand le Grand s’applique à le fuir. L’enjeu en vaut la peine. Si on observe nos corps découpés dans le miroir, il est toujours là – blotti entre deux envies de plaire. 
  3. Un regard t’éloigne, vers une ligne imaginaire. Brouillée de toi, je cherche le point de jonction par lequel te soulever. Je cherche l’entrée de ton rêve. Pour me poser avec toi sur la ligne. Une parole, un geste, un contre-regard. Mais rien ne bouge, sinon une douleur sourde qui agace ton orgueil. Le manque augmente aussi vite que nos yeux roulent d’impatience. J’essaie un regard dans le sillage du tien – en espérant dépasser la ligne.
  4. Subtilement, tu viens vérifier les brèves. Tailler dans la masse pour assurer ta présence. Avec quoi coupes-tu le fil de notre connivence ? Pourquoi soulever autant de montagnes pour accoucher d’une souris ? Si tu ne t’aimes pas, je ne t’aimerais pas.
  5. Tu invoques le doute, quand je sais l’orgueil lever dans ta tête des tempêtes. Le contact est escarpé, tendu de paroles jetées sur un mur couvert d’aspérités. En cause : la vacuité de nos mots ânonnés comme le bruissement d’un arbre à qui on aurait coupé la sève. Il n’y a que le manque – de mots, de ce que ces mots ont de joie –  qui puisse te faire courir. Sans le manque, tu désespères du monde – tu demeures une envie à jamais inassouvie.
  6. La fierté que tu mets à geindre. Quand cesseras-tu de croire aux fausses émotions ? Dans le concert de sirènes que tu éructes, je n’entends plus qu’une corne de brume. Je suis l’esquif qui quitte le port. Plus rien ne passe que les ondes basses. Au-dessous de la ceinture de la dignité, ta superbe est à plaindre.
  7. La morgue bâille sous la peau. C’est comme un abcès qui sommeille. Prêt à sortir par les pores. D’ailleurs, l’odeur se propage. Une odeur mortifère. Quand la raison se heurte à nos lâchetés, que le couteau ne se contente plus de la plaie, qu’il en veut en nos entrailles, tu peux croire que la morgue bâille – sans pitié pour notre amour.

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