7 variations sur le même thème #8

18.3.17

  1. A la souffrance du mensonge, tu imposes ton corps comme une réponse. Un écho à traîne longue qui souffle dans la poche de l’enfance. Tu effaces les mots battant la honte à mes paupières. Chacun de tes gestes est un carambolage, le moindre soupir un zéphyr amoureux. Ta main cloue ma nuque, ton épaule glisse sous le drap, ton cou froid monte jusqu’à mes lèvres. Quand la vérité se perd dans le chagrin, tu bascules entre moi – à l’endroit précis où je m’oublie.
  2. Quand je me défends, tu tires ton sourire en coin. De la vérité, tu ignores l’excuse, vilipendes la raison. Faut-il se taire ou gloser sur l’imprécision des mots ? Supporter l’injustice, tailler nos pièces au plus lisse ou soulever la vérité comme un vent fou soulève les arbres. Nous sommes des êtres imparfaits, affectés de manque et de lâcheté, pétris de poussières et de glaise mêlées. La boue et l’impur sont notre domaine de lutte.
  3. Quand tu crois au piège, je ne vois que ta bouche. Ta lèvre s’élève sur une joue, elle se plisse jusqu’à creuser une onde sous tes yeux. Sur ton visage, l’ombre articule la moue du doute. Elle te rend belle. Tout élève en toi le désir jusqu’à sa soudaine disparition. Le trait s’affaisse, la lèvre tombe. Tu ne songes plus qu’au piège et te dissous dans l’air contrarié qui nous sépare. Pour qu’un jour il nous revienne, je retiens ton sourire entre deux pensées confuses. Pour la beauté de l’esquive, je me pique à ta lèvre comme un morceau de viande sur l’allonge d’un boucher.
  4. Je mens. Le jour comme la nuit. Quand je prétends être ce que tu vois. Je mens à l’intérieur même du mensonge, mise en abîme d’où naît l’éclat de l’illusion. Car tu sais que je mens, tu trompes mon mensonge en exigeant ta vérité. Et les mots, les visages se confondent. Nous devenons des personnages sans relief comme un désert traversé de virevoltants. Le vent roule nos corps, rompt l’illusion sans plus de raison que d’horizon. 
  5. C’est un violent courant d’air, la vérité. Un souffle que l’on affronte sans réflexion. Un vent qui emporte loin, vers un endroit dont on ne revient jamais. On n’est pas comme les autres, à se dire la vérité. Parce qu’elle blesse, parce qu’elle écorche nos cuirs, parce qu’elle sort la peur de la blessure. On ment comme on a menti à nos parents. Pour arrondir les angles d’une vie qui nous divise.
  6. Il y a une passerelle entre le vide et le plein. Un milieu où vit l’acquis du passé. Emprunter ce passage donne une nuance à nos langues. Le contraste nécessaire pour lâcher le fardeau des mots. C’est une passerelle avec des rampes en corde, fragile et instable. On passe ici nos excès à l’équilibre ;  la main piquée d’échardes, on accorde la sagesse à nos non-dits. 
  7. Dans le vacarme de nos ventres, sourd la violence du mensonge. Qu’il soit ouvrage du regret ou du remords, qu’il soit ruine de l’enfant ou lot fardé de nos vertiges, sa ciguë enroule la raison dans nos boyaux, enferme nos esprits dans une pièce obscure. Éperdus, on cherchera la lumière dans sa transe, jusqu’à soulager nos corps du grand spasme.

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