La femme au balcon II

25.1.22

La femme au balcon doit avoir entre trente et quarante ans. Ou alors les deux. Parfois trente, parfois quarante. Elle semble même plus âgée, certains jours. Enfin, je n’en sais rien. Je ne la vois que de profil, toujours le même, le profil droit. Car le balcon est exiguë et qu’elle peut difficilement se placer autrement que de profil. Pourquoi le droit ? Parce qu’elle a agencé le balconnet avec une caisse en bois pour s’assoir. Et que cette caisse est placé du côté droit du balcon et qu’un arbuste défraîchi trône sur le côté gauche. Voilà. 
Entre trente et quarante ans, c’est une fourchette large. Il me faudrait la resserrer. C’est difficile de cerner l’âge de quelqu’un que l’on ne voit jamais de face.
Aujourd’hui, pour la première fois, j’ai entendu sa voix. Une voix grave avec un accent qui n’est pas d’ici. Je veux dire avec un timbre et un phrasé qui n’appuient pas sur la fin des mots. On dit : un accent pointu. Une voix plutôt rocailleuse et forte notamment lorsque, depuis le balcon, entre deux bouffées de cigarette, elle entrouvre sa fenêtre pour crier sur ses enfants.
Cela ne m’a pas aidé pour affiner la tranche d’âge. 
La femme au balcon fume et n’a donc pas d’âge certain. Vit avec deux enfants les semaines paires et sans enfant avec un homme les semaines impaires. Je le sais car ces semaines-là, ils sont deux à fumer sur le balcon. J’aurais dû le mentionner sur l’état des lieux.

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