A l’heure de partir, des trains fuyants et des quais engorgés, tu regardes le jour mourir sur les rails et le soleil - déjà - devenir souvenir. Le souffle des wagons strie la voie d’un voile gris et balaye tes chevilles comme un crochepied aux rêves. Ton regard s’égare sur la dernière voiture. Un clap de fin résonne entre tes tempes. Tu marches à côté du train à la même vitesse mais le temps joue contre toi. La machine s’emballe et te laisse immobile les yeux roulants sur les caténaires hurlantes.
A l’heure de rentrer, des voitures grouillantes et des routes saturées, tu sens la ciguë envahir ton corps. Le bitume déroule son fiel et t’éloigne des quais. Ça suinte sous les essieux et des pensées saumâtres envahissent ta tête. Tu accélères, ouvres la vitre pour respirer et ventiler le dedans du dedans. La voie se dégage mais sème des trappes sur le chemin. Tu le sais. Ta conduite devient gauche et nerveuse. A chaque virage, tu penches ton corps, retiens ton souffle mais les voiles gris t’emportent.
Le train est secoué par la vitesse et sa fuite devient inexorable. La vie, ce grand lacet tordu, a semé le soleil sous les rails.
- 7.4.15