La maladie te tenait et tu la combattais d’un râle régulier comme si à chaque seconde tu devais faire l’effort de vivre. La douleur devait déjà t’envahir mais tu n’en disais mot. Avec quelle langue tu aurais pu mettre des paroles sur ce qu’il se passait alors qu’aucun mot, même pour dire le bonheur, ne te venait en bouche ? Personne ne savait que ce cri étouffé entre tes lèvres était ton langage, ta parole enfouie, ta seule expression pour ne pas avoir à dire.
Ce soupir éraillé, c’était toi, ta marque de fabrique que tu mettais dans la lutte. On prenait ça pour un sale tic, un mâchonnement dans ta barbe, le résultat de ta puissance d’homme, de ta force poussée à bout. Comment aurions-nous pu comprendre, alors que juste après tu esquivais un sourire, un éclat de bien-être aussi transparent de vie qu’un baiser offert ? C’est que ça devait te soulager d’ainsi cracher un morceau, aussi infime soit-il, de ce qui te prenait le ventre, te cadenassait encore un peu plus du dedans.
Et lorsque d’efforts tu ne fis plus, le vide de toi s’est creusé dans nos joues. Le râle disparu, c’était toi qui disparaissais. Comment aurions-nous pu savoir que vous étiez si intimement liés ?
- 31.8.13