#LesGens

Reprise des posts Facebook #LesGens : traversée entre les gens, leur lieu, leur instant. Un regard forcément biaisé sur eux et ce qu'ils dégagent parce que c'est écrit et que ça passe par la tête avant d'arriver aux doigts. Ce n'est pas la réalité mais ça pourrait lui ressembler.
Au sommaire : La tension de l'homme est en désordre, les premiers tintements du froid sont sur le parvis de l'église, l'homme aux bonbons débloque puis disparaît, la peau d'orange a peur, un garçon traîne une remorque rouge et dans un cou, une tache de vin étasunienne.














  • 28.1.17

7 variations sur le même thème #3

  1. Sur le chemin un point de soleil entre deux brassées d’air. C’est là que tu tires un souffle auprès d’un arbre éteint. Une buée glisse et se répand sur les bûches du temps. Tu ne bouges pas, un voile t’avale. De toi plus personne ne sait rien. Tu te confonds, tu es l’air, tu es l’eau. La rivière court après ton précipité bleu. Je te suis. 
  2. Un mirage dans son flottement te sert de masque. Tu marches à blanc. Ton corps se tord dans le reflet au ras de la terre. Une détrempe de clair et de sombre, et la volupté nous échappe. Dans le deuil des espaces et des mots, au-delà de la raison, ton corps cherche le décor.
  3. On sait le monde violent et beau. La souffrance comme faisant partie de l’existence. On sait aussi la chaleur des puissants qui la couve. Mais dans l'âpreté du soleil sur ta nuque, j’ai la patience dans le cœur et l’utopie solide. Sur l’éclat dans ton cou, je vois un espoir sourire à nos luttes.
  4. Je ne sais pas ce qui apaise ton corps. Ce qui d’une rosée calme tes déserts, t’accorde le repos après la fatigue. Je ne sais pas d’où vient le goût de terre dans ta bouche, ni comment dans tes veines coule la sève de tous les arbres. Je ne sais rien, alors je me cache en toi comme au milieu d’un bois. J’attends une clairière.
  5. La table est mise près du chêne. Les convives s’étonnent de la peau qui recouvre nos yeux.  Assis dans l’herbe ils taillent notre écorce au couteau. On est seuls à voir l’entaille saigner. Eux ils perdent la vue sur nos paupières closes. Les escarres du temps ne sont pas pour nous. Sous l’arbre rien ne peut nous blesser.
  6. Dans les taillis, souffle un vent qui affole les mouches. Un bataillon d’insectes se range à tes côtés. Ballotés par le grain, ils préfèrent ton maquis : ta chevelure ébouriffée où j’aime aussi me perdre. Ils y trouvent la paix, libérés des bourrasques. Pourtant moi je sais la tempête proche. Lorsque nos lentes viendront s’endormir pour pondre.
  7. L’averse a renflé le dedans. Comme une éponge tu bois l’eau. La garde enfouie, un surplus dans ton corps dont tu t’abreuves. Jamais ne dégorge cette eau tombée d’un ciel qu’on ne voit plus. Ton âme a besoin que l’eau circule, qu’aucun nuage ne se forme, que tout coule comme cette pluie que tu fais tienne. Je voudrais pleuvoir. 

  • 27.1.17

7 variations sur le même thème #2

  1. C’est à la tombée du jour que les grimaces s’affolent. Entre enfance et pudeur, c’est là que tu t’ébats. Tes yeux roulent pour chasser les poussières. Ton cœur s’écarte pour laisser entrer le jeu. Ton corps convulse aux prémices de l’envoûtement. La petite mort passe. Lentement tes paupières finissent leur course dans les cordes du rêve. J’avale le reste de la nuit comme un vampire pendu à ton cou.
  2. Les choses s’éclairent au pardon des misères. Il y a dans l’absolution une parole claire qui démêle tout écheveau. Pourtant la nuit crée un germe obscur dans le creux d’une chimère. Un gant de crin passe sur la peau du jour. Le grain biffe nos désirs. Une éraflure et on cherche le cri pour éteindre le feu.
  3. Rien n’échappe à nos yeux. Les gestes sont des temples d’où nos prières débordent. Genoux à terre, bouche ouverte, brassée d’air, tout atome compte, chaque mouvement parle. Le silence nous étreint à la caresse des paumes. A la ligne pure de la folie. A quoi bon les mots quand suffit le voyage des corps. 
  4. La blessure est un lien entre nos voix éraillées. On ne tient qu’à un vif. Il faut que giclent les sens comme une fièvre électrique, sans quoi on se prend des coups de tison. Incandescents jusqu’à émouvoir le mal, on n'existe que par la plaie. A la fêlure des lèvres, on suce le sang de nos baisers d’agonie.
  5. On ne voit que ce qu’on veut. Dans le miroir des yeux, un leurre se moque de nous. Si peu dans la réalité que le rêve même est une mauvaise fortune. Nos turpitudes sont des plumes trempées dans le mazout. On s’ébroue, on s’esbroufe pour ne pas voir ce qu’on voit. De nos bouches sort un beurre rance. Des principes périmés à enfiler des perles.
  6. C’est si beau mais si fragile. Nos corps étendus dans un bouillon rouge. Nous abolissons les barrières, démolissons des murs. Mais ils repoussent autant que le crin sur nos langues mêlées. On blèse, on répète, on bafoue. On s’en fout. La fracture est ouverte ; que le sang coule dans nos sourires.
  7. Au courage ampoulé du cicérone tu cherches des poux. La peur t’aide à affronter le désastre de l’arrogance. Tu sais que son assurance ne couvre pas la mort. Aussi saignant soit ton manque, tu lui voles dans le corps comme une poule dans les plumes d’un rapace. Je le sais, je t’ai senti picorer ma chair.
  • 21.1.17

7 variations sur le même thème #1

  1. Sur la peau du temps, traînent des mensonges. A la table des pensées, viennent des paroles du plus haut lieu des songes. Des mots dirigés qui écartent de la clairvoyance.
    Mais ce soir, quelque aïeul vit en nous, quelque ange qui nous connaît mieux que nous. Quelque fantôme qui tait nos erreurs en tirant la vérité nue. Celle-là même qui est tenue pour mystification.
  2. Le vent en tombant sonne le glas. Une danse folle entre les arbres, l’ultime chaos avant le grand saut, nous intime d’attendre l’oracle. Dans le sillage de nos bouches coule la vie en rémission. Du haut des tours jusqu’à la cime de notre amour, le silence s’accroche aux frondaisons comme nos mains sur nos tailles. Le temps est venu pour nos angelots assis à la table du diable de tirer la mort par la queue. 
  3. J’ai pris du retard sur tes allées et venues, sur tes colères et tes griefs malvenus. Tu m’as heurté au ventre quand l’espoir d’être ne tient plus qu’à un fil. Car tu es le fil, celui qui réconcilie les mailles à l’endroit, les mailles à l’envers. Repose-toi, assieds-toi à ma table et cesse de ressembler à un ange qui a embrassé le diable. 
  4. Tu as roulé sur la table, pris le parti d’en rire. La convulsion sévère de tes membres, le tremblement de ta voix et la bave autour de ta bouche sont autant de possessions mystérieuses. Qui te tient par le bras quand tu chantes d’une voix irréelle ? Qui te tourne le dos lorsque tes yeux quittent leurs orbites ? Qui se frotte à toi pour que tu éprouves autant de répulsions ? Ta chanson sort de ton hymen. Je ne suis pas loin de penser que je suis ton démon. 
  5. La mort nous a pris dans ses longs cheveux noirs. Elle nous regarde dans le blanc des yeux où se reflète une flamme qui s’étouffe. Nous sommes seuls près d’un grand arbre aux branches décaties. Le feu est passé, nous respirons ses cendres. Notre amour en est-il pour autant déchu ? Assis en tailleur au pied de la camarde, nos cœurs se jouent de la secousse. Tu roules, je conduis, les yeux fermés, l’horizon n’existe plus. Rien ici loin ne peut nous empêcher d’y croire.
  6. Tu as collé tes lèvres à la vitre gelée. Ta bouche a épousé le froid comme le ferait un châle noué autour de ton cou. La buée a disparu entre mille éclats de vide sur la surface oubliée du temps. Sur la vitre, un calque ourlé de tes lèvres a ouvert un chemin vers le large. Dans la gerçure, une destination inconnue. Sur ta peau, j’ai senti ce frémissement qui ne t’appartient pas. J’ai posé ma bouche sur les traces de la tienne pour nous protéger du temps qui nous sépare.
  7. C’est un monde fou qui s’est ouvert devant nous. Un monde avec un poignard à la main. Une boucle de mots taillés dans la masse de nos vies. Infini. Nos ventres ne tiennent plus, se tordent dans des torrents de douleurs diffuses. La répétition est fluide mais vaincus, nous sombrons dans la folie. Or il n’y a d’autre folie que toi.

  • 17.1.17

Fossile

Il y a eu des lunes trempées dans la mer, apparues nues et tendres dans la nuit. Je te parle d’un temps aujourd’hui fossile. Des levers de lune sur des années de fortune que tes mains recevaient en coupe. Lune pour l’autre au matin neuf, regards mêlés sur un croissant mouillé dans le café noir. Je te parle d’un temps aujourd’hui fossile. Dans la niaiserie qu’est l’amour lorsque le satellite ne redevient qu’un satellite. La coupe a versé derrière la face sombre le souvenir en éclipse. La nuit noire a transformé le calme en vide, la lune en monstre aux crocs acérés. Pleine et fatiguée des dernières lames, brillante comme un astre sur des brûlures exsangues.

  • 7.1.17