Elle parlait toujours en rond, la bouche élastique. A prononcer les consonnes en claquant des dents tandis qu’elle escamotait les voyelles dans un accent si pointu qu’elle piquait les oreilles de son auditoire.
Lady Chair, elle avait les mots hauts comme sa tête toujours dressée, cou tendu et menton en avant. Avec son air collet monté, le dos bien droit, elle assénait ses vérités branlant la langue d’un phrasé d’époque. Elle pensait ainsi asseoir son savoir, épater le commun des mortels et tenait pour sûr que le monde à ses pieds goberait pain béni la confiture aigre de sa bonne culture.
Lady Chair en imposait, c’est sûr. Age bien assis, grise chevelure sévèrement rabattue en chignon, grande et élancée avec des effets boutonnés jusqu’au dernier et attifée des plus clinquantes marques grand empire, elle avait tous les attributs de ceux qui font et défont le monde en claquant des doigts tout en posant leur derrière à des places enviées. Sa posture ne déviait jamais. Les jambes croisées et les mains soigneusement posées dessus l’une sur l’autre, elle semblait à chaque instant absoudre quelque pêcheur perdu dans son inculture crasse.
Lady Chair, assise en reine d’assemblée, bâillait la bonne conduite, tricotait de belles paroles, maniait les lieux communs comme de grosses louches de crème épaisse. Elle en était écoeurante de « bon goût » et laissait un parterre de courtisans enrobés de paroles et de préceptes flasques. Rien ne la déstabilisait. Ni les yeux qui se levaient au ciel, ni les gosseries sous capes si peu discrètes, ni les moqueries déguisées en flagorneries veules ne faisaient dévier sa trajectoire de grande dame, ses propos ampoulés et sa position jambes croisées.
Lady Chair était patinée d’un bois qu’aujourd’hui plus personne ne voudrait vernir.
- 20.4.13