Il se lève tôt, s’arrache à la nuit d’un café noir puis se dresse à la fenêtre devant le petit jour encore nu. Là, il respire profondément l’air concentré sur le bâillement de la rue. Mains sur les hanches, il guette les mouvements du matin. De la voisine qui sort ses poubelles, de la voiture qui toussote dans le froid, de la lueur inutile d’un réverbère qui tarde à s’éteindre. Des riens qu’il inspire et qu’il recrache d’une toux grasse.
La première cigarette est tirée contre la vitre fixant la buée par bouffées successives. La fumée l’enveloppe et voile ses pensées. Elle se confond avec la brume du matin et l’élixir qu’elle provoque tord son ventre vide. Il vacille et ses mains tombent le long de son corps tandis que son regard vaporeux retourne à la rue et à sa vacuité. Un vieux passant promène son chien ou bien est-ce l’inverse. Sa vue se trouble alors que la vie s’agite. Des collégiens chahutent autour d’un téléphone dérobé qui passe de mains en mains au grand désarroi du dépouillé qui saute tel un cabri pour le récupérer. Il titube, il a de plus en plus de mal à tenir en équilibre. La fenêtre semble instable. Son embrasure se tord et la vitre se voile sur la dernière taffe.
Il écrase son mégot sur le rebord. Une vingtaine de ses mégots obstruent l’ouverture. Il tire le rideau. La chambre est plongée dans la pénombre. Dehors, la voisine part travailler, le vieux monsieur et son chien retournent chez eux. Dehors, le réverbère s’éteint et la sonnerie du collège retentit. Il va se coucher tôt.