Vente creuse

J’ai oublié le jour d’avant, un creux un vent 
Le matin a des boutons sur le visage
Acné d’hier et d’avant-hier né de l’oubli 
J’incline, vente creuse, cherche le disparu
  • 31.5.23

Poème décadent

J’ai pendu un poème au plafond 
Un texte décadent qui souffre et colle
Moi qui n’en fais jamais, de poèmes 
Décadents, à dire tant qu’il est chaud
Un vrai papier serpentin tue-mouches 
Avec au bout une petite fièvre rouge
  • 29.5.23

Je marche vite

Je marche vite
comme si j’allais quelque part
Devant moi la lumière cavale 
Un jardin grimpe aux murs 
L’air glisse par les chevilles 
Je marche vite
comme si je voulais les rattraper
  • 28.5.23

Ça me fera la journée

Dans la cuisine à l’heure où le calme amplifie les acouphènes du monde, près  d’un café, je fixe mes pensées sur la moitié d’un abricot. Elle ressemble à une oreille que le noyau a rendu sourde. Un temps, j’ai cru la voir bouger. Un vers, certainement.
  • 27.5.23

Mal dormi

J’ai dormi tout habillé, comme un vieil enfant 
Les dents dans l’oreiller, le coeur dans les pieds 
Reste ce matin une odeur d’ado pas lavé 
Du dernier rêve des épis nerveux dans les cheveux
  • 26.5.23

Épaisse mais fragile

L’heure est épaisse, je l’entends remuer 
Une eau fragile, prête à éclater 
Le temps soudain me semble une flaque 
Un coup de talon et tout peut éclabousser
Puis retomber dans un brouhaha d’écoliers 
Oui, l’heure est épaisse mais fragile
  • 25.5.23

Même temps

les mots me prennent, me laissent
à l’heure où descend la nuit 
et monte mon jeune voisin 

six heures, je me lève
lui se couche
dans le lait caillé du matin 

est-ce encore le même temps
qui nous tient ?
  • 24.5.23

À petits pas

Une lumière à petits pas descend, pure sur le mur 
Lavée des pluies rose des joues, on dirait qu’elle gratte
Pour prévenir du jour comme un petit rongeur craintif  
Avec un air de campagne que je ne lui connaissais pas
  • 23.5.23

Un réveil

encore un peu d’obscurité 
pour terminer l’éternité

un décibel monte trop haut
une porte craque 
un réveil 

le rêve tire sur les bras
le jour gonfle les joues 
retenir ce qui fuit 
l’histoire incroyable de soi
  • 22.5.23

Extraordinaire

… le bassin central du jardin brassa l’eau comme s’il venait de se réveiller, brusquement. Sursaut qu’un homme reprit en enlevant sa casquette, pour mieux se gratter la nuque. Ce geste effectué tout en continuant sa marche autour du bassin surprit le chien couché non loin, la truffe dans l’herbe ; il dût y voir un appel à jouer, la casquette étant la balle, le geste un lancer vers la clairière que formaient trois arbres en conciliabule. Arbres qui frissonnèrent comme si quelque chose venait agacer leurs pieds : une balle, une casquette, la truffe du chien ou les pas de l’homme ? Ce qui fît sortir du bosquet deux merles parmi une flopée de pigeons trop gras pour suivre leur envol. Tout se déroula avec une précision et un enchaînement extraordinaires, sans vraiment savoir quel événement avait participé à créer le suivant. Sursaut, jappement, frémissement, sifflement, envol, battement d’ailes et…
  • 21.5.23

Les pensées tarabiscotées

J’ai jeté un tas de pensées tarabiscotées sur l’écran avec l’espoir qu’elles trouvent 
seules le chemin de la corbeille. En quelque sorte qu’elles s’annulent elles-mêmes au regard de leur fatuité.
Elle n’en ont rien fait.
Elles continuent à parader, tambours trompettes, avec cet air narquois que je leur connais bien. Plus je souhaite qu’elles disparaissent, les annulant sur la page à une allure de poinçonneur, plus elles grandissent, prennent de l’assurance, se gargarisent de leur prétention comme si elles étaient nées du premier rossignol.
Vas-y qu’elles persiflent en serif corps 14, du gras, du souligné, de l’italique, césures et cadratins en veux-tu, en voilà. Ça cabotine. C’est bien simple, on dirait qu’elles forment exprès pour m’embêter une espace insécable entre elles et moi. C’est dégoûtant. J’éteins tout (même si je sais qu’elles continuent sans moi).
  • 19.5.23

10 minutes, à chercher le nom des rues

Je cherche le nom des rues, non pas l’odonyme qui figure au coin de chacune, je ne les retiens de toute façon pas, mais leur sobriquet, celui que je leur donnerai une fois que je l’aurai trouvé. 
Je cherche un nom, peut-être porteraient-elles alors toutes le même, qui saurait dire pourquoi j’erre ainsi en m’efforçant de les prendre par la gauche ou par le haut ou par le bas, là où je me souviens la fois précédente les avoir prises par la droite, le bas ou le haut. Et vice-versa. Pourquoi ce besoin de découvrir, sinon une nouvelle rue, un nouveau sens de marche puisque, il faudrait que je regarde sur une carte pour en être certain, je crois les avoir toutes empruntées au moins une fois, enfin non deux, gauche, droite, haut, bas, donc dans tous les sens. Pourquoi ?
  • 18.5.23

De soi à soi

On insiste sur la douleur
quand vient le soir, trop
pour être crédible 

De soi à soi,
on construit des montagnes
avec la peur de l’abandon 

Au sommet, c’est le vertige
qui accouche d’une souris
On se plaît à monter puis à gratter
Ô petit bonheur des supplices !
  • 18.5.23

Bruit nouveau

À écouter les bruits naissant de la rue, il m’apparaît que les véhicules électriques de livraison font un bruit nouveau. Enfin, pas tout à fait nouveau mais quand même singulier. Comme un chut continu : chuuuuuuuuu sans que jamais le T final n’advienne. Ou alors un hue de cocher à son cheval : huuuuuuuuuu mais un peu plus sifflé. Sans le e qui, bien sûr, est muet. Pour l’obtenir, il faut mettre sa bouche en cul de poule et souffler. Voilà le hue du cocher électrique. Mais il doit y en avoir d’autres, d’autres véhicules électriques, d’autres sons.
  • 17.5.23

Comme un geyser

Tu croises, décroises nerveusement les jambes. Les points d’appui sont précaires, la zone exiguë. La cigarette entre tes doigts pourrait crier. Tu tires dessus en pressant les lèvres si fort que ton visage se déforme. Tu es prise de spasmes, souffles, ventiles, la fumée sort. Comme un geyser. 
Tu croises, décroises l’anxiété et ton corps rumine par saccades. Il faudrait te voir. Tu ne te vois pas, tes pensées sont bien trop imposantes pour un retour sur soi. Tu tiens comme tu peux dans ce réduit qu’est ton petit balcon.Tu pourrais déborder. Refuge et magma, comme un geyser.
  • 16.5.23

Paresseux

Senti le jour paresseux ce matin, une gueule pas finie
Comme si la nuit n’avait pas terminé son Meccano
Sans oiseaux qui piaillent ni cloche qui sonne
Pas plus de chaleur que de voisine à la fenêtre 
Faudra tenir le jour entre les crocs, serrer fort et penser demain
  • 14.5.23

Une lumière d’automne

La lumière s’est posée sur le balcon, avec envie d’y rester 
Une lumière d’automne grise et fatiguée 
J’ai allumé la lampe pour lui tenir compagnie
Elle a ouvert des gros yeux de chien mais pas ses mâchoires
Écarquillée et sans paupières, à tirer des larmes 
Une lumière de pluie mais il ne pleuvait pas
  • 12.5.23

Didascalies

Une porte, le bruit de la poignée, une clé 
Le son étouffé des pas dans l’escalier
Les marches doucement noires et blanches

Depuis mon lit jardin à peine éveillé, je lis 
Et les pas légers du voisin suivent la ligne 
S’arrêtent reprennent, didascalies du jour
  • 11.5.23

Tout va bien

Il y a la table et la lampe pour toute solitude
Un livre attend, la nuit se tasse, les yeux s’ouvrent
Les oiseaux de mai à la fenêtre ont le temps clair
Tout va bien 
J’aimerais juste ajouter une odeur de pluie 
Les parfums y sont plus nombreux, il me semble
  • 9.5.23

Jet-lag

Arrivé au salon, c’est à peine si je me souviens des pas qui m’ont glissé de la chambre sous le livre que je tiens maintenant en lecture dense. 
À tel point que j’ai le sentiment d’être davantage dans l’histoire qui m’est contée que dans le fauteuil qui me porte. J’en prends conscience comme si je venais de naître. Pour un peu, je crierais puis pleurerais. Le jaillissement du réel est parfois cruel.
  • 8.5.23

Variations du noir

Il me plait, en le fixant, d’imaginer les variations du noir
Dans lequel les premières heures plongent les mains
Instant de flottement où l’œil s’accorde avec l’obscurité 
Remet les balances des couleurs à jour, règle et monte le son
Les odeurs aussi ne sont pas en reste, aigre-doux du corps
Sa légère transpiration, son besoin d’eau qui se sentent jusque dans les murs 
(Nous sommes pleins de salpêtre)
Je suis chaque matin épaté par cette machine éprise d’habitudes
Qui sans lumière va avec son cierge de sensations 
Il n’y a qu’à tâtons que je les éprouve autant
  • 5.5.23

De grandes oreilles rouges

Le soir a de grandes oreilles rouges, de larges baies  
Pour laisser passer l’air, un petit goût d’églantines 
Je le précise pour ceux qui ont déjà mangé de l’églantine 
Pour les autres imaginez, les baies et le rouge devraient 
Vous y aider ; je ne peux en dire plus le ciel m’écoute
  • 3.5.23

À mesure que le mur mange les ombres

À mesure que le mur mange les ombres, que la lumière renaît par petits aplats beiges, j’ouvre les yeux. Oh pas que j’en ai envie. Je resterais bien fermé comme un jour férié. Moi et le canapé, un livre et au bout le souper comme seul objectif. Mais voilà le mur mange les ombres, vorace à dents longues, assoiffé de lumière, aussi fier qu’un gars du sud prenant le maquis. Je râle, râle. Beaucoup sous mon corps lourd. À mesure que le jour me réveille.
  • 1.5.23

10 minutes, sur trois bancs

Trois bancs au soleil 
Un homme sourit à son téléphone et parle fort
Deux jeunes filles : 
Une lit, l’autre sourit aussi à son miroir mais se tait
Un couple d’amoureux : 
Lui étendu sur ses genoux à elle
Lui gratte les joues  
Lui fait les points noirs
Le soleil luit, descend puis remonte, sourit, se tait
Presque noir
Trois bancs avant l’orage

  • 29.4.23

Lente observation

Il n’y a qu’une lente observation qui permet de voir ce que dessine le ciel à travers la fenêtre. J’y suis derrière, en poste comme consigné de force. Je prends mon quart pour tenir entier le reste de la journée. Là, avant les bruits, je regarde les éléments qui se présentent. Parfois, rien. 
Mais aujourd’hui, une ombre joue des arabesques sur le mur d’en face. Née du réverbère qui regarde fier le jour avant de s’éteindre et du balancement d’un fil électrique orphelin, elle donne une seconde vie sur le paysage de théâtre que m’offre le mur naissant. Je n’ai plus qu’à l’observer danser. Lentement.
  • 27.4.23

Les choses simples

Là à chercher les choses simples dans le jour finissant
On descend de la pluie par les chéneaux, quelques gouttes 
À peine, le temps de se demander qui est ce « On »
Que s’oublie l’intention, le plus simple se dérobe
Reste le temps sous les toits et aux murs cet écoulement d’entonnoir
  • 25.4.23

Le peu ou le trop

je marche avec une enfance peu sûre
mes pas sur le gravier garde le souvenir
des poursuites sous les préaux

j’avance avec le souvenir du manque
le peu ou le trop 
tout ce qui pour moi pèse
pour les autres n’est que caprice
frustration d’enfant gâté

pour un peu je tape des pieds
je marche pour qui tire le maillot
me poursuive jusque sous les préaux
  • 23.4.23

Elle vient et revient

Elle vient et revient sur le balcon. Craignant le crachin d’avril, avant de s’asseoir, elle regarde le ciel, fait une moue et s’installe. Sur son dos, une couverture en guise de bâche. Elle se recroqueville dans son espace réduit comme on se blottirait au fond d’un puits. Je ne vois que son dos, lignes courbes d’une petite montagne de duvet bleu. Posée sur le balconnet, son territoire à tabac et à téléphone, elle porte la voix jusqu’à l’appareil, fume, respire. Je sais qu’elle respire parce que la montagne bouge, vaguelettes de son cou jusqu’au bas du dos, poussées par le vent quand il crache ou les vibrations de sa voix qu’elle a, en alternance, aussi douce et violente qu’un temps d’avril.
  • 22.4.23

La nuit n’a pas suffi

La nuit n’a pas suffi, je cherche le poème 
À lire qui dirait la fatigue étalée sur la table
Le rai de soleil complexe qui cogne à la vitre 
Je plie les pensées aligne trie croise toise 
Me viennent des verbes sans conjugaison 
Les mots n’ouvrent rien, la nuit n’a pas suffi
  • 19.4.23

Parfois une ombre

Parfois une ombre suggère un souvenir. Ça arrive quand on s’y attend le moins. L’ombre de la branche de cet arbre par exemple danse exactement comme ma mère quand elle entendait Julio Iglesias à la télé, le samedi soir dans les émissions de Maritie et Gilbert Carpentier. Son micro argenté avec des paillettes qui agaçaient l’iris, sa drôle de façon de tordre la bouche et son coup de nuque vers le haut qui ne suggérait pas le souvenir mais bien un coup de reins. Parfois l’ombre d’une branche sur un mur et c’est maman qui à nouveau se déhanche, discrètement émoustillée par le crooner espagnol. Le tombeur de ces dames est là, dans cet arbre avec toute sa sève. Maman danse. Parfois une ombre.
  • 17.4.23

Je n’ai plus de corps

Je n’ai plus de corps. Je me suis réveillé avec ça, ce matin. Ou plutôt sans ça. Sans le corps ni l’odeur. Mais j’ai gardé ma tête. Montée sur un mât, elle ressemble à ces têtes rétrécies par quelque tribu primitive, sur un mât et plantée dans la terre en haut d’une colline. Le soir descend alors qu’il n’est que sept heures. La colline est brune, un chien aboie ; quelques nuages gris, une odeur de brûlé à la place des émanations naturelles et un vent froid qui ne prend plus mon corps puisque disparu mais me siffle dans les oreilles. Je n’ai plus de corps. Je me suis réveillé avec ça, ce matin. Se recoucher.
  • 15.4.23

Les choses tremblent

Ce matin les choses tremblent sur la table
La tasse de café a peur du livre qui s’ouvre 
Le livre de la main la main du livre je bois 
Quelques mots de la nuit avant de les oublier 
Les choses tremblent ne rien y chercher d’autre
  • 14.4.23

Me prend ces temps-ci

Me prend ces temps-ci 
D’aller par les rues la nuit 
Voir si j’y suis – d’abord 
Puis si j’y peux prendre l’aube de vitesse
Je ne cours pas je marche 
Je ralentis puis j’accélère je la feinte
Un jour je l’aurai 
Ce qui doit me donner une drôle d’allure
À qui de sa fenêtre 
Ces temps-ci dans la nuit 
Voit ce vieux – d’abord 
Tous les jours avant l’aube  
Sur le trottoir s’envoyer promener
  • 11.4.23

La dame au cinéma

Hier après-midi, la dame au cinéma qui se déplace d’un siège puis d’un autre au fur et à mesure qu’une nouvelle personne s’installe au rang précédent juste devant elle parce que, me dit-elle, je ne vois pas l’écran, je suis petite et le monde est peuplé de grandes personnes à grosses têtes ; 
cette dame qui, dans ses déplacements, fait suivre toutes ses affaires du siège d’à-coté au nouveau siège d’à-coté, ses vêtements - manteau, chaussures qu’elle a enlevées et posées entre les bonbons et le magazine des sorties (j’ai les pieds qui gonflent) puis pull qu’elle remettra en se levant en plein milieu du film parce qu’il fait frais dans ce cinéma quand même, c’est encore trop tôt pour mettre la clim à fond, non, vous ne trouvez pas ? – mais aussi une petite collation avec bouteille de coca en plastique qui, une fois qu’elle l’aura bue, fera craquer entre ses doigts au trois-quarts du film, pile au moment où l’intrigue tend le suspense à son maximum, masquant ainsi l’un des dialogues les plus importants ;
cette dame, eh bien, j’en aurai bien fait Mon Crime.
  • 9.4.23

Douleur et bateau

Le jour naissant porte une vieille douleur
Entre deux nuages l’esquisse d’un bateau
Perdu comme je le suis dans un songe
Ou alors est-ce un rêve : douleur et bateau
Je cherche le signifiant, ce que tient mon regard 
Lourd sous les signes opaques du matin
  • 7.4.23

Comme on retrousse une chaussette

Elle est sortie en trombes et à chaudes larmes. Son visage a tourné sur lui-même comme on retrousse une chaussette. Elle a évacué tout ce qu’elle ne pouvait plus tenir dans un si petit corps. Elle a choisi le balcon pour une série de sanglots longs, d’abord retenus puis lâchés à la rue et à ma fenêtre. Ça a duré, respiration et haut-le-cœur se sont enchaînés la secouant mais lui donnant aussi force et élan pour les pleurs suivants. Ça a duré. Elle a fait de la peine à tout le quartier. Ça va ? Elle m’a vu démuni fixer son regard enflé par le chagrin. N’y tenant plus, la honte l’a rentrée chez elle comme par effraction. La femme au balcon a pleuré ce soir, beaucoup.
  • 6.4.23

La rue est à la nuit

La rue est à la nuit, occupé à regarder 
Sur ses bords ce qui dépasse de lumière
Il me semble pénétrer des choses lointaines
Qui n’existent que parce qu’à moi s’opposent
Les unes se retrouvant dans les autres  
Gigognes de l’aussi vieux que merveilleux
Jeu d’ombres et de lumières
La nuit est à la rue, je peux vivre un peu
  • 5.4.23

J’habite un orage

J’habite un orage avec à l’intérieur des bouts de silence. Quand le vent pousse, ils se transforment en bâtons. Ce qui ne se dit pas ne peut déclencher d’orage. Quelques bourrasques et la nuit passe et le jour passe. On est demain. N’y pensons plus. Rangeons les bâtons. Sachons garder nos orages pour plus tard. Pour jamais.
  • 3.4.23

La boucle de nuit

La boucle de nuit, la poésie me sauvera
Bientôt de la mélancolie, déjà elle court entre les pieds
S’agace des petites léthargies bloquées dans les yeux 
Les heures tournent autour de la lampe, la poésie sauve 
Les meubles et donne consistance aux formes, les heures refont
  • 1.4.23

Qui dans la nuit me chausse

La fenêtre suffit à éclairer, les choses et mes pas
Qui dans la nuit se chaussent, seul le réverbère sa clarté 
Tranquille son souffle discret n’aveugle personne 
Dans la nuit me chausse, doucement dans l’attente du jour 
Aux heures pareilles à des ombres, il est ma fenêtre  
Le réverbère suffit à éclairer, les choses et mon monde petit
  • 31.3.23

Le jour n’est pas fini

Le jour n’est pas fini, pourtant je le pousse
Pour m’assoir à sa place, découvrant le repos 
J’imagine un feu de cheminée, le froid sur le nez
Un bon livre caché sous un mauvais, j’organise le cliché
Le jour n’est pas fini, c’est le printemps pas de feu
Pas plus de froid que de cliché à consommer 
J‘écris pour rien, juste pour que les jours continuent de finir
  • 29.3.23

Vénus

C’est faire confiance aux étoiles que de se promener la nuit
Quand on en voit aucune, même pas celle du berger 
C’est faire abstraction de soi, un instant ne pas exister 
Chercher l’œil d’un passant interlope, ne pas lui parler
Mais savoir qu’on pourrait être lui, d’un seul souffle 
Prendre le trottoir comme territoire, les étoiles à la nuit
  • 28.3.23

Que dire de ce mur douché de soleil

Que dire de ce mur douché de soleil
Sinon qu’il réchauffe le ventre
Coule lent en moi

Le gobe par les yeux bouche nez pores
Caméléon je change de couleurs 
Me fonds dans le mur voudrais être le mur 
S’il n’avait pas en lui l’impasse

En lui le soleil qui se retire déjà
En lui les ombres qui montent
Pores yeux bouche nez
La faille la sienne la mienne
qui dans le ventre font siphon sans fin 

Que dire de ce mur douché de soleil
Que dire que je ne sais garder
  • 26.3.23

J’ai balancé de la mémoire sur les murs

J’ai balancé de la mémoire sur les murs 
Comme de la peinture noire matière brute 
Morceaux épars sans queue ni tête  
Pensant que quelque chose reviendrait
Vers moi aggloméré dans une balle 
Contenant passé présent et briques d’avenir  
Oui j’ai pensé en forme de balle une histoire
Avec ses halètements et ses temps morts
Ses joies et ses terrassements
Bien entendu, c’est ce qu’il s’est passé 
J’attends juste qu’elle arrête de rebondir
  • 25.3.23

Pas plus gros qu’une pièce d’un euro

Le jour fuit d’un trou pas plus gros qu’une pièce d’un euro. Je sais qu’il faudrait appeler pour mettre de la résine avant que le plan qui s’affiche en cent quatre-vingts degrés devant moi ne se fissure. Mais je laisse couler, passer la lumière avec la musique. Je me dis que ce serait bien de pouvoir juste le déplacer, le trou, le glisser aux quatre points cardinaux, à ma guise, pour entendre comme ça, tout le jour et du côté de mon choix, couler la lumière et la musique. 

(Ce texte est disponible sur fut-il.net, n’oubliez pas le .NET)
  • 23.3.23

Ainsi les bruits quotidiens

Ainsi le grincement des volets
Ainsi la ventilation des toilettes
Ainsi le claquement du robinet
Ainsi le bavardage de la machine à café 
Ainsi le ronflement du frigidaire 

Les bruits quotidiens sont des éponges 
Ils naissent au matin pour absorber 
La nuit et l’épreuve que c’est d’aligner
Le corps la tête la folie à ses ergots 
Pour raccrocher ce qui fuit à la réalité
Pour qu’en soi le jour soit plus acceptable
  • 22.3.23

Jusqu’aux premières fenêtres

Le ciel noir descend sur les murs jusqu’aux premières fenêtres. Les étages n’existent plus, pris dans un brouillard dont on ne connaît pas le nom. J’ai en secours du regard une petite entrée au rez-de-chaussée qui demeure allumée. Une ampoule nue y brûle jour et nuit, derrière la porte. Elle est une veilleuse dans la nuit noire, point de lumière pour qui ne trouve plus de lampe. Je pense à la soupe que l’on gardait autrefois pour le pauvre hère. On n’a plus qu’un rai de lumière à lui offrir. Je pense à ça, au ciel qui descend et au pain noir trempé dans la soupe.
  • 21.3.23

Avec son allure de témoin

Cet homme avec son allure de témoin, de Jéhovah ou de quelque autre religion 
Que lui-même peine à identifier, je lui laisse la liberté d’esprit 
De croyance à qui il voudra vouer son temps 
À ainsi errer dans la rue, une mallette de représentant
Sous le bras et des tracts et le trac quand il me tend tremblant  
Sa prédication, de bonne foi qui appelle à me sauver
Tant qu’il est encore temps, répète-il en s’éloignant 
Tant qu’il est encore temps, cet homme timide fervent me plait bien
  • 20.3.23

La rue rouillée

La rue rouillée de calme tourne un mauvais film. La caméra balaie du flou, là-bas au fond se débat un personnage que personne ne voie. La rue rouillée tremble. On entend la caméra grincer, un à un bute sur des engrenages grippés. L’image ne démarrera pas. Elle n’est pas sûre, son cadre est trop imprécis, son silence trop plein. Là-bas au fond, j’attends une histoire qui ne viendra pas.



  • 19.3.23

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