Beau couple

La pluie et le toit forment un beau couple. 
Ils coulent l’un sur l’autre, tête-bêche, poursuivant un rêve, à qui coulera le dernier…
Quelqu’un, quelque chose invente ici une histoire.
Il faudrait en être le lecteur secret, chargé de déplacer chaque situation de son intention. Prendre cette goutte filant parfait amour avec son toit, plic ploc et jaillissement, et en faire son histoire.
  • 29.3.24

Dans les plis du vent

Tu pourrais brosser des intrigues dans les plis du vent, t’échapper par les toits avec la nuit enroulée autour du cou, ne plus revenir qu’en rocambole d’opérette. 
Mais les toits sont las des histoires comme toi des hommes, fats et usés. 
Ils ne croient plus aux belles envolées des amants fuyant par les greniers.
Ils dorment sous un ciel sans charme. Rien ne les amuse plus, ils en ont trop vu.
  • 24.3.24

Les toits continués

Depuis la fenêtre, les toits continués
par le regard font redescendre la fatigue.
De petits esprits piétinent dans ta tête 
pour écraser les refrains du jour. 
Tu les laisses préparer quelques mots,
gardes en bouche les plus simples, 
les plus habiles à boucher les trous. 
Puis leurs ombres glissent sur les joues
de la nuit, articulent, désarticulent 
ce qui reste de reflets dans le ciel. 
Ainsi longtemps jusqu’au sommeil.
  • 21.3.24

Accords

Les quelques accords à la guitare sèche que tente de réaliser mon voisin vont bien avec l’humeur du matin. Les cordes résonnent dans la rue ; à s’y pencher, on pourrait croire la mélodie issue des gros fils électriques qui la traversent. 
Le son est grave et le dandinement des fils, synchronisé et entretenu par un petit vent sans prétention, fait presque oublier les fausses notes. Si je devais intituler ce moment, j’opterais pour Gamme électrique sur matin sec.
  • 16.3.24

Noir

Le couloir sent le salpêtre et le noir qui monte sur les murs de l’escalier n’a rien à envier à la migraine du vieux monsieur. Son front parle et perle. On peut y écouter une mémoire ancienne, à chaque froncement son histoire. Millefeuille de noir et de poussières. 
Bonsoir, vieux monsieur, ne faudrait-il pas repeindre la cage d’escalier ? Qu’en dit ce noir sous vos yeux ?
  • 14.3.24

Courbé

Le vieux monsieur est courbé. Il regarde ses pieds. Ne peut lever la tête plus haut que mon torse. Nos discussions sur le palier sont courtes. Me parler sans pouvoir croiser mon regard l’accable. M’adresser à la pointe d’un crâne me gêne. 
Le vieux monsieur est courbé. Marmonne sur ses chaussures. Inintelligible vieillesse. J’acquiesce ou hoche la tête, demande si tout va bien ou parle du temps qu’il fait. Je me baisse, cherche sous ses cheveux blancs une lueur, le salue. Il me salue. J’entrevois alors dans ses yeux la couleur rieuse du désespoir.
  • 9.3.24

Un sourire dans la rue

On attrape un sourire dans la rue. Un œil roule et un peu de joie se relève. Contact et passe. On garde le sourire pour soi. De loin en loin, on sait l’automne sous les paupières, la suée des montées, la courbure maligne des lèvres. Si la mémoire ne piège pas le chemin, on l’aura ajouté à la collection des vieux sourires, pour qui voudra les saisir.
  • 6.3.24

Petits pas

Petits pas dans l’escalier. Toux sur le palier. Silence. À nouveau les pas, glissés, pesés. Pas d’attaque aux talons. Des pas de chaussures légères, à semelles molles. La descente bien que lente reste souple et régulière. La toux s’emballe, les pieds glissent. L’homme piétine devant ma porte. Raclement de gorge, reprise du corps. La toux glisse, les pieds s’emballent. Petits pas, les marches dans l’escalier s’éloignent. Il les prend avec lui. Cahots et gorge, prudence et équilibre, tout à sa tête. Le vieux monsieur du deuxième est sorti.
  • 2.3.24