LECTURES 2024

Je ne sais toujours pas à quoi répond ce besoin de lister. Mais puisqu’elle est faite, voici la liste de mes lectures de 2024 :

JANVIER
▪️ Eugène Savitzkaya, Fou trop poli
▪️ Georges Perec, Un cabinet d’amateur
▪️ Georges Perec, Un homme qui dort
▪️ Samuel Beckett, Les Os d’Écho
▪️ Samuel Beckett, Soubresauts
▪️ Samuel Beckett, Peste soit de l’horoscope
▪️ Eugène Savitzkaya, la disparition de maman 
▪️ Céline, Guignol’s band I
▪️ Henri Michaux, La vie dans les plis
▪️ Franz Kafka, Lettres à Milena
▪️ Samuel Beckett, Comment c’est
▪️ Adeline Baldacchino, Ce que nous sommes lorsque nul ne nous voit 

FÉVRIER
▪️ Céline, Guignol’s band II (Le Pont de Londres)
▪️ Samuel Beckett, Quad, Trio du fantôme, Que nuages et Nacht and Traume, suivi de L’épuisé par G.Deleuze
▪️ Samuel Beckett, Catastrophe et autres dramaticules 
▪️ Samuel Beckett, Eleutheria 
▪️ Samuel Beckett, Cap au pire
▪️ Henri Michaux, Poteaux d’angle
▪️ Samuel Beckett, Comédie et actes divers
▪️ Georges Perros, Papiers collés 
▪️ Samuel Beckett, Tous ceux qui tombent 
▪️ Henri Michaux, Plume précédé de Lointain intérieur 
▪️ Henri Michaux, Ecuador 🇪🇨 
▪️ Diane Seuss, frank : sonnets (S.Huynh)

MARS
▪️ Henri Michaux, Ailleurs : Voyage en Grande Garabagne, Au pays de la Magie et Ici, Poddema
▪️ Georges Perros, Poèmes bleus
▪️ Henri Michaux, L’infini turbulent
▪️ Daniel Birnbaum, Rendre l’âme mais à qui ?
▪️ Georges Perros, Une vie ordinaire
▪️ Richard Taillefer, Les invisibles
▪️ Louis Raoul, Possibles lieux
▪️ Jules Supervielle, Gravitations
▪️ Brigitte Giraud, Toutes les nuits sont pleines de lunes 
▪️ Jacques Vandenschrick, Secours qu'appellent les chiens
▪️ Ysabelle Voscaroudis, Le rire de l’eau 
▪️ Henri Michaux, La nuit remue 

AVRIL
▪️ Henri Michaux, Qui je fus précédé de Les Rêves et la Jambe, Fable des origines et autres textes
▪️ Jean-Paul Dubois, L’Origine des larmes
▪️ Jules Supervielle, La Fable du monde, suivi de Oublieuse mémoire 
▪️ Henri Michaux, Passages
▪️ Estelle Fenzy, N’oublie pas
▪️ Georges Perec, L’infra-ordinaire
▪️ Tanguy Viel, Vivarium
▪️ Henri Michaux, Déplacements, dégagements
▪️ Olivier Cadiot, Irréparable 
▪️ Henri Michaux, À distance suivi de Annonciation
▪️ Dino Buzzati, Le Désert des Tartares 
▪️ Julio Cortázar, Façons de perdre
▪️ Henri Michaux, Donc c’est non

MAI
▪️ Samuel Beckett, Lettres I 1929-1940
▪️ Henri Michaux, Face à ce qui déborde 
▪️ Roberto Juarroz, Poésies verticales 
I-II-III-IV-XI
▪️ Henri Michaux, Face aux verrous
▪️ Thierry Roquet, D’ordinaires cascades
▪️ Alain Marc Guillaume, « I remember Clifford »
▪️ Henri Michaux, Chemins cherchés Chemins perdus Transgressions 
▪️ Henri Michaux, Moments, Traversées du temps
▪️ NORGE, Poésies 1923-1988
▪️ Henri Michaux, Misérable miracle, La mescaline
▪️Julien Gracq, Le Rivage des Syrtes

JUIN
▪️ Henri Michaux, Les grandes épreuves de l’esprit
▪️ Émile Verhaeren, Les Campagnes hallucinées - Les Villes tentaculaires
▪️ Henri Michaux, Les commencements
▪️ Rodrigue Lavallé, Décomposition du verbe être 
▪️ Dino Buzzati, Le K
▪️ Sabine Huynh, Prendre la mer, 60 sonnets pour les boat-people 
▪️ Jules Supervielle, Le forçat innocent 
▪️ Henri Michaux, Connaissance par les gouffres
▪️ Vincent Dutois, Cadastre des misères 
▪️ Thomas Pourchayre, Du chaos et de la bonne digestion des choses
▪️ Eugène Savitzkaya, En vie
▪️ Victor Pouchet, L’option légère 

JUILLET
▪️ Eugène Savitzkaya, Exquise Louise
▪️ Vincent Dutois, Sèvre Eaux fortes
▪️ Antonio Moresco, Fable d’amour 
▪️ Sophie Mayer, La parricide
▪️ Blaise Cendrars, Du monde entier au cœur du monde
▪️ Jean Azarel, Trois couleurs mer
▪️ Lo Moulis, La vie blottie dans le désordre 
▪️ Alexandre Vialatte, La complainte des enfants frivoles 
▪️ Jon Fosse, L’autre nom / Septologie I-II
▪️ Henri Michaux, Choix de poèmes 
▪️ Cormac McCarthy, De si jolis chevaux
▪️ Derek Munn, Please

AOÛT 
▪️ Claude Roy, Poésies 
▪️ Charles Juliet, Rencontres avec Samuel Beckett
▪️ Jacques Abeille, Les jardins statutaires 
▪️ Charles Baudelaire, Petits Poëmes en prose
▪️ Jean-Paul Sartre, La nausée
▪️ Alberto Moravia, Le Mépris
▪️ Maylis Besserie, Le tiers temps
▪️ Serge Prioul, Mirouault les murs seuls nous écrivent 

SEPTEMBRE
▪️ Pierre Gondran dit Remoux, Banc
▪️ Jean-Paul Sartre, Les mots
▪️ Charlotte Delbo, Prière aux vivants pour leur pardonner d’être vivants 
▪️ Violette Leduc, La Bâtarde
▪️ Jean-Paul Sartre, L’âge de raison
▪️ Anthologie 2024 Voix vives de Méditerranée en Méditerranée 
▪️ Federico Garcia Lorca, Poésie IV Suites et Sonnets de l’amour obscur 
▪️ Roberto Juarroz, Quinzième poésie verticale
▪️ Valérie Brantôme. On dit le temps
▪️ Jean-Christophe Belleveaux. Indigo c’est le titre

OCTOBRE 
▪️ Michel Dugué, Le Jour contemporain 
▪️ Joseph Roth, La rébellion
▪️ Jean-Baptiste Pedini, Un monde à nu
▪️ Roselyne Sibille, Une libellule sur l’épaule 
▪️ Jack Kerouac, Les clochards célestes 
▪️ André Hardellet, Donnez-moi le temps 
▪️ Jacques Roubaud, Octogone 
▪️ Jean-Paul Sartre, Le mur

NOVEMBRE
▪️ Georges Séféris, Poèmes 1933-1955 suivi de Trois poèmes secrets 
▪️ Jean-François Mathé, La vie atteinte 
▪️ Lionel Bourg, Les Montagnes du soir 
▪️ Jean-François Mathé, Vu, vécu, approuvé.
▪️ Lionel Bourg, L’obscurité
▪️ Benoit Jeantet, Rien qu’un cirque de puces
▪️ Gilbert Vautrin / Guy Lozach, De Plain-Pied
▪️ Philippe Claudel / Nicola Matula, La Mort dans le Paysage
▪️ Selon la houle, Michel Bourçon
▪️ Roberto Juarroz, Treizième poésie verticale 
▪️ Sabine Huynh / Philippe Agostini, Parler peau

DÉCEMBRE 
▪️ Lionel Bourg, Où se perdent nos pas
▪️ Cormac McCarthy, Le grand passage 
▪️ Jean Echenoz, Courir
▪️ Gabriel Garcia Marquez, Chronique d’une mort annoncée
▪️ Jean-Paul Sartre, Les mains sales
▪️ Lionel Bourg, L’étoffe des corps
▪️ Roberto Juarroz, Dixième poésie verticale 
▪️ Florence Saint-Roch, Cartographies
▪️ Murièle Modely, Tombée la nuit, jour neuf
▪️ Federico Garcia Lorca, Poésie II, Poèmes de Cante Jondo, Romancero gitan
▪️ Federico Garcia Lorca, Poésie I, Livre de poèmes, Mon village
  • 31.12.24

2024

Quand vient la fin de l’année,
on est tenté d’en faire un poème. 
Quels vers pour quelle trace
sinon celle blanchie sous nos pas ?

Sur un calendrier arbitraire
son nom est flanqué d’un ressort. 
On serait tenté de l’étirer,
d’en faire un joli macramé. 

Mais de raison on s’y refuse
de peur qu’il nous claque à la figure.
  • 29.12.24

Face à face

Face à face

On croise les mains sur nos genoux.
L’enfant sage en nous écoute les pas
que fait le silence sur nos visages. 

Un geste peut faire taire les ombres,
éclairer un œil ou nous tirer un sourire. 
On attend qu’il advienne, sages, enfants. 

Une main se lève. La mienne, la tienne ?
D’où qu’elle vienne, elle est le signal
qui nous délivre d’être, sages, enfants.
  • 18.12.24

Qui nous tient

Les mots me prennent, me laissent
à l’heure où descend la nuit 
et monte mon jeune voisin.

Six heures, je me lève,
lui se couche
dans le lait caillé du matin.

Est-ce encore le même temps
qui nous tient ?
  • 16.12.24

La femme au balcon




La femme au balcon
suivi de À la rue 
Tarmac Éditions 

La femme, bien qu'installée au balcon d'en face, est proche de ma fenêtre. Seule la rue, étroite, nous sépare, si bien que j'ai l'impression qu'elle apparaît dans mon salon. Je la ressens, je tourne la tête vers la fenêtre et elle est là. Comme un fantôme familier soufflant dans le petit matin sa buée de nicotine sur mes carreaux.

**
Heureux enfin de l’avoir dans les mains. 🙂
Le livre est disponible en librairie ou sur le site de l’éditeur que je remercie une nouvelle fois chaleureusement.



  • 13.12.24

Des fois que

Je regarde à la fenêtre tomber la pluie, petites lignes qui s’étirent avec plus ou moins d’élégance.

Elle part, revient.  Je ne peux rien en retenir.
De sa rectitude béate, de sa fraîcheur, de son odeur aigre, je me repais.

Et si je dis qu’elle manque d’élégance, c’est pour qu’elle revienne, vexée, parler à ce qui pleut en moi.
Des fois que l’on se comprenne.
  • 7.12.24

La femme au balcon

Il y a un calme étrange ce matin sur les balcons. La chaleur n’est pas encore arrivée. Chaque fenêtre peu à peu s’éveille, étire ses longs volets comme on le fait de nos bras. Et ça craque. On entend les os de la rue se déboîter. Ici une épaule grince, là on joue des coudes pour bien démarrer la journée. Certains lèvent la tête au ciel pour aller cueillir le bleu qui dissipe les dernières poussières de nuit.
Il fera beau aujourd’hui. Beau et chaud.
Tu n’es pas en reste avec cette quiétude des premières heures. Tu es assise dans ta cuisine, les mains posées à plat autour de ton café, le buste droit. Je pense un instant que tu me regardes mais ce sont tes pensées que tu cherches à rassembler dans tes yeux vides. Il faudra remplir le jour, réunir réalité et rêve dans un même sac. On dirait que cela t’angoisse malgré le calme, malgré le ciel bleu.
Il faudra encore déplier un peu les bras pour sentir la vie.

La femme au balcon, Tarmac Éditions, à paraître le 12 décembre 👇
  • 5.12.24

Il en aurait fallu de peu

On a commencé par parler 
du temps, des soleils 
qui n’en finissent pas,
des astres dégingandés. 

Puis de la pluie qui ne vient pas 
et des rigoles sèches 
que ça fait à la terre
et sous nos yeux. 

De là on a regardé glisser
les rides sur nos joues,
esquissé un sourire triste 
en montrant l’éclat de nos dents. 

Il en aurait fallu de peu
qu’avec ce peu on s’aimât.
  • 30.11.24

J’ai le froid qui passe par les pieds.

J’ai le froid qui passe par les pieds. 
Au fond du lit la mémoire veille,
ressasse et tord des refrains d’enfant. 

La neige que j’ai dans la tête goutte 
sur mon ombre qui compte, une à une,
chaque chose tombée ou qui tombera.

J’ai le froid qui passe par les pieds,
au-dedans les souvenirs en garde-corps. 
J’essaie le reste de la nuit comme un oubli.
  • 24.11.24

Trop vite

Le jour a des impatiences
dans les jambes et les mains
serrées sur le cœur.

Il faudrait faire craquer
les courbes du ciel,
revoir le pays des orages
les prendre en espérance,
retrouver la sortie
dans le petit couloir de lumières
qu’il nous offre.

Mais tout court trop vite
dans nos corps endoloris
pour dénouer la parole
qui nous monte à la gorge.
  • 20.11.24

Obscur

J’éteins la lumière
comme si je soufflais
sur un reste de bougie.

Avec la même perte,
la même fumée noire
qui prend à la gorge.

La nuit dans la bouche
et dans mon regard, 
le souvenir de la flamme.

C’est là que se tiennent
deux trois mots obscurs
qui se disputent un poème.
  • 17.11.24

Un peu de nuit

Il reste un peu de nuit collée à la fenêtre. Une ombre tenace menace au fond de l’œil. 

Le jour éclate en petites bulles de vie. Persuadé d’être le plus grand, il est cette âme d’enfant qui croit à l’infini. 

Un chien renifle derrière la vitre. Sa truffe crée la buée, chasse l’ombre. On aimerait lâcher tous les chiens pour retrouver la lumière.
  • 15.11.24

Dernier verre

L’arbre me fixe dans son remuement.
Une blessure s’ouvre, balance des mots
par-dessus l’automne.

Je lui offre ma table, une nappe propre pour ses pensées, un reste de vieux vin à peine piqué
et l’invite à souper sous les arabesques que dessine l’arbre dans le couchant. 

Le vent se pose. Le dernier verre est pour nous, envahis comme un éclair d’été. 
  • 7.11.24

De puits en lacs

Je cherche un langage commun
sur le mur que soudain le soleil éclaire.

Les mots vont d’eux-mêmes,
de fissures en craquements,

de puits en lacs,
malgré moi, l’entrave et l’ombre.

Libres de toute grammaire,
ils crient de tout leur sens.

Langue en partage, depuis moi
l’autre, le mur et la lumière.
  • 2.11.24

D’un bord à l’autre

Le temps roule dans la rue
au son des butées mécaniques,
écho contre écho entre les murs.

L’après-midi est presque nuit,
j’habite une petite ombre
la ville ouverte à mes pieds.

Je prends un livre, le quartier 
puis le monde – maintenant
tout roule en automatique 
d’un bord à l’autre de la pluie.
  • 30.10.24

Je te parle d’un temps

Je te parle d’un temps où l’on prenait les photos au format paysage. La terre était horizontale et on stabilisait l’horizon comme on pouvait.

On avait les coudes sur la table, le nez qui coule et les idées dans nos cheveux semblaient des oiseaux. On développait nos clichés une fois par mois et on jetait plus que l’on ne gardait. On se prenait pour des voleurs de couleurs. 

Je te parle d’un temps avec lequel on fait aujourd’hui des poèmes. Ils sentent bon la poussière et l’eau de Cologne bon marché. Parfois, ils puent le manque.
  • 27.10.24

Tenter de comprendre

Le jour traîne des pieds.

Il faudrait apaiser la mémoire,
tenir l'oubli comme une promesse,

faire silence de tous les bruits,
en appeler à l'oiseau de passage :

de lui, tenter de comprendre
l'envol et la suspension,

pour soulever la poussière
qui colle à nos souliers.
  • 25.10.24

À vos souhaits

On fréquente le ciel 
depuis tellement de temps,

depuis tellement d’espaces
dépliés à nos yeux ahuris

qu’on en vient à oublier 
que souvent on le perd de vue,

comme aujourd’hui,

penchés que nous sommes
sur ce pauvre matin qui éternue.
  • 20.10.24

Tremblements

Parfois on est secoués
par des tremblements d’hier,

comme si on tombait
dans un fou rire d’enfant.

On se roulerait presque
par terre en se tapant le torse 

mais rien n’advient de semblable,
le rire est loin, le fou n’est plus.
  • 18.10.24

Pas si mal

Il n’est pas si mal d’être là
entre deux pensées fugaces,
le visage clos ni heureux ni triste.

C’est jeter
une pierre
dans un puits 

et attendre
que l’écho
remonte,

remonte
l’écho 
qui dit de l’eau :

ce n’est pas si mal d’être là
à ne rien espérer d’autre 
que la prochaine respiration.
  • 12.10.24

Clou

Variations du ciel, du cyan
au pas très clair, j’enfonce
un clou dans un nuage en forme de main. 

Variation du poids, étirement du nuage
qui n’est plus qu’un doigt 
avec un clou rapetissé, puis disparaît. 

Où en étais-je ? 
Ah oui, ne plus souffrir pour si peu. 
  • 5.10.24

Petite lune

La nuit a mâché quelques rêves
et le matin a la bouche pleine.

L’envie de mordre se perd
dans l’œilleton du ciel,

petite lune oubliée
dans le fatras de la mémoire.

Il faudra tout le jour garder
la langue dans la brume.
  • 27.9.24

Plic plic

Les heures tombent
goutte à goutte
dans le grenier,
plic plic sur le nez d’un mulot. 

À bien y écouter,
rien ne se passe,
pas plus d’eau que d’heures
ni de mulot. 

Tout cela se tasse 
dans la mémoire ;
du grenier à la cave,
coulent de petits cris. 
  • 17.9.24

De tout temps recommencée

Avec mesure, le jour se baisse
Vieil homme acquis à la courbure
Tu lis engoncé dans ton fauteuil 
Prêt à accueillir la descente du soir 
À cette ombre sans emphase, lasse
De tout temps recommencée
Tu laisses une place dans la page
Humble présent sous la phrase
  • 28.8.24

Facile à dire

Il faudrait détendre les fils
où sont posés les entêtements.

S’accorder la patience sous la fatigue,
tirer un trait sur les ratés, recommencer.

Facile à dire tant on sait 
ce qu’il y a de fierté sous la souffrance, 

ce qui en nous ne lâche rien de ce qui part.
  • 25.8.24

Chaque jour un peu plus

Je bute sur une phrase
qui déplierait les angoisses.

Une phrase qui opérerait à cœur ouvert
les pensées les plus sombres.

Mais toujours l’œil regarde ailleurs
où la réalité domine.

Chaque jour un peu plus,
la ligne du temps rabote le verbe.

Chaque nuit un peu plus,
l’espace de la phrase se réduit
  • 17.8.24

Mes disparus, mes revenus

Mes disparus, mes revenus.

Vous êtes des visages qui tremblent comme à travers la flamme d’une bougie.

Ici au bout du boulevard des vies brisées, vos bouches flottent et je vois des cris sortir de vos lèvres agitées par le feu.

Il me suffirait de souffler sur la bougie pour vous éteindre,
de chasser les pensées tordues du rêve.
Je pourrais courir loin au-delà du boulevard, vous fuir ou patiemment attendre la fin de la coulée de cire.

Mais c’est une bougie de farces et attrapes, de celles qui se rallument dès que l’on souffle dessus.
Mais c’est un boulevard sans horizon, un chemin qui revient avec tout ce qui est parti.

  • 8.8.24

Ombres

Les ombres font des frises sur les murs. Un chat passe, équilibriste entre deux balcons. Il est une ombre comme les autres. Son corps agile et ses moustaches fines rebondissent. Il ne connaît pas la peur du vide sur son arête de quelques centimètres. Il passe, c’est tout. Sans aucun but. 

Les oiseaux aussi sont des ombres. Hirondelles affolées par la placidité du chat. Ombres vives contre nonchalance. Je suis une ombre entre les deux. Sans aucun but. Je passe entre le chat et les oiseaux. Je gratte ma moustache, fais grimper deux ombres de plus en étirant les bras. Je crois un instant que je peux voler.
  • 5.8.24

Escalade

Le corps ne tient plus la distance.
Une nuit s’agite et la machine s’enraye.
J’avance dans le brouillard, les armes en bandoulière.

Les réflexes sont des gestes que je réapprends.
Ils perdent leur instinct, s’éloignent
comme un nuage porté par un vent trop rapide. 

J’écris le dedans pour affronter le dehors.
Il faudrait baisser le thermostat, ouvrir les soupapes.
La peau en serait rassérénée. J’ai envie de chair de poule. 

Le chemin est étroit entre les doigts
et le cerveau, escarpé le long de la falaise.
Le vertige est au milieu du ventre.
  • 2.8.24

Règne

Ce jour plein de soleil est un jeu pour adultes consentants. Il est plein de crème solaire et de fantasmes en cascades. On en met toujours trop, on cède et on tombe dans l’onctueux ; oindre est notre leitmotiv songeant pragmatiques à l’hiver et à la protection de nos couches. Épiderme à terme. On cuit à point.
Sans discernement, on attire à soi dès l’appel de la courbe d’un cil, au basculement d’un œil, à l’ouverture d’une lèvre, à l’incise d’une dent ; attributs contre attributs, on jongle avec les corps qui ont soif. L’été est un grand jeu pour créer les conditions du règne.
  • 26.7.24

Esquisse

C’est une esquisse, un dessin de l’ennui 
Un trait au crayon sur un vieux papier bleu

Le geste est d’un autre lieu
Où je n’irai plus jamais 

Reviennent les marges, les petits carreaux
Le cahier à rabat, le buvard mauve

Autant de petits yeux cachés dans la mémoire 
Qui aujourd’hui ouvrent une brèche

Sur la feuille émeuvent et consolent à la fois 
C’est une esquisse, une dentelle pour demain.
  • 17.7.24

Remonter

Remonter le cours
des idées et de l’eau 

— ce qui charrie, à la montée 
des rêves dans le matin.

Laisser macérer les heures
sur leur nappe de lait caillé. 

Secouer et servir la journée.
  • 6.7.24

Contenu

La plante à feuilles rousses persiste 
à me fixer droit dans les yeux. 

Le fil interrupteur de la lampe de notaire
balance de vieilles rancunes. 

La fenêtre, de sale humeur,
tape dans ses mains 
et rue dans le chambranle. 

Tout en gardant un air contenu,
j’essaie de regarder ailleurs.
  • 20.6.24

Non-recevoir

Le jour a de gros manques.
On le voit remballer ses espoirs
dans un sac à grains de meunier.  
Rien ne doit se voir : masquer
comme fin de non-recevoir.
Il faudra replier toute ambition,
attendre le calme du soir 
en ses poches de coton. 
Et demain, vider le sac.
  • 14.6.24

Désordre

Tout est en désordre.
Beau y mettre la main, porter le corps, baisser, monter, ranger. Tout est désordre. Lever haut la tête ne fait qu’aggraver le mal de cou. Soulever le poids ? Pour en faire quoi ? Tout est trop lourd, se tord, se désordonne. 
Je passe le balai dans ma tête, par-devers moi. Glisse le manche entre les oreilles. Ça coulisse par à-coups. J’entends la suie qui suinte avec ce petit déraillement entre les synapses, caractéristique du désordre. 
Tout est le désordre.
  • 1.6.24

Mon œil

Mon œil suit les mouvements du vent
Lequel soulève un drap qui ne tient
Qu’à un fil et ressemble alors à un cœur
Ou à un poumon dont on fête le battement
Premier, mon œil sur cette petite histoire.
  • 25.5.24

Une place ronde

Une place ronde comme on attend qu’une place soit ronde. Une place avec son arbre au milieu, entre des murs qui n’ont pas oublié leurs lilas et qu’ils portent en robe longue jusqu’à leurs pieds. 
Une fontaine d’eau claire comme on attend que l’eau soit claire et dont les jets sporadiques semblent des oiseaux en mal d’atteindre le ciel, empêchés jusque dans leurs pépiements par le tumulte de la ville. 
Des gens sur des bancs, comme on les attend : rêveurs, fumeurs, penseurs, tapoteurs d’écran, heureux, anxieux ou nostalgiques, se rêvant oiseaux aux plumes claires ou embrassant leur prochain amour sous des descentes de lilas. 
Rien de neuf en somme, mais ce tout ordinaire dont j’aimerais garder chaque détail pour me souvenir longtemps.
  • 16.5.24

Séquence

Clap.
On a coupé l’arbre,
laissé un bout de tronc.
Il sort de la terre,
témoin qu’il y eût ici un arbre. 
Une jeune fille s’assoit
sur ce bout de tronc,
encore riche de ses racines
– le tronc comme la jeune fille. 
Je me demande s’il y a transmission,
de l’arbre à la jeune humaine. 
Elle a un chien, format miniature,
de ces chiens qui ne feraient
pas de mal à un arbre.
La fille lui parle,
au chien ou à l’arbre.
Elle parle de l’arbre au chien
ou du chien à l’arbre. 
Depuis une fenêtre voisine,
sort un air joué au saxophone
pour clore ou peut-être
commencer quelque chose.
Coupé.
  • 11.5.24

Au milieu

Sur un banc au milieu 
du ciel
d’un jardin
de plantes
d’une mare
d’insectes et de batraciens
de petits cailloux 
de gros cailloux
de pierres quelconques 
qui se prennent pour des roches 
Oui, au milieu
du ciel un peu trop gonflé de bleu pour être vrai
du jardin qui se dit botanique
mais n’est pas plus beau que tannique 
de plantes urticantes piquantes rampantes et, je l’entends, gloussantes 
d’une mare verdâtre d’une mollesse d’éponge gorgée
d’insectes qui attaquent les cheveux
de batraciens qui - quoi ? - coassent parce qu’ils ne savent rien faire d’autre 
de cailloux-pierres cailloux-pierres tellement de cailloux-pierres prétentieux 
qu’on ne voit plus la couleur du sol et pourtant
je suis bien
  • 10.5.24

De tout temps recommencée

Le jour vient se fermer dans ma main.
Lente descente de tout temps recommencée.
Avec elle, la même crainte sur le front de l’enfant 
que dans l’angoisse muette du vieil homme.
Comme eux, je tiens la bascule dans mon poing,
main dans le noir à chercher le bon mouvement. 
Lentement, de tout temps, recommencer.
  • 8.5.24

Palpiter

L’air que j’ai respiré aujourd’hui a coulé plus vite. Limpidité et rythme, sans nul besoin de l’air des autres. Tiré d’un puits que, durant ce genre de jours, on croit inépuisable. Coulant depuis la roche des replis, ruisseau de vent intérieur venu jusque dans le creux des pensées palpiter palpiter, palpitant tant, palpitant trop pour être autre chose que l’air d’un jour exceptionnel.
  • 5.5.24

Le pas lent des jours

Tu connais le pas lent des jours,
ce mouvement oublié puis reconnu.
L’ennui passe, fait la roue, paon
à plusieurs têtes, à l’encolure
multicolore mêlant mélancolie et joie.
Comme si quelque chose plus loin
te continuait sans être tout à fait toi.
  • 1.5.24

Rien vraiment ne bouge

Rien vraiment ne bouge 
quand la pluie prend les pensées. 
Pas même l’onde des flaques
quand sautent des bottes d’enfants. 
Seuls quelques craquements  
dans la respiration des vieux meubles. 
Seuls quelques mots vagabonds
dans le passage des ressassements.
Mais rien vraiment ne bouge.
  • 28.4.24

J’ai fait le compte

J’ai fait le compte avec moi-même des petites espérances, des derniers soupirs, des pièces à raccrocher au mauvais wagon, des chances de trouver un trèfle à… (ai laissé tomber l’idée des quatre feuilles). 
Refais, encore, parfois, le chemin à l’envers ; comme un touriste, je pousse des oh et des ah, des bof aussi, sur les images qui passent au format carré, grêlées ou un peu fanées. 
Fais, défais le monde, croise, décroise les jambes ; ouvre, corne, crayonne lentement un livre et bâille souvent (trop) sur les bancs publics en regardant tomber l’été.
  • 24.4.24

Un ciel de fin de semaine

Le ciel a de gros yeux, l’air fatigué et un teint de cancéreux. C’est un ciel de fin de semaine avec son paquet de soucis sous le bras. Ce genre de ciel qui fume des Gitanes maïs et sent fort de la bouche. 
Il oublie son bleu, vire au rouge qui tache, un temps se cache, puis réapparaît en faisant mine de ne pas goûter à son amertume, à son envie de se tirer loin sous un autre hémisphère. 
Le ciel fait le fier derrière ses gros yeux. Il n’avouera rien. Je l’entends marmonner dans sa barbe : quoi ? Qu’est-ce que t’as à me regarder comme ça ?
  • 19.4.24

Drôle de son

Dimanche fait un drôle de son dans ma tête, aussi dense que l’harmonium résonnant dans l’église, aussi pesant que le silence suivant sa dernière note. 
Je glisse à la fois mystique et mécréant dans ce jour de trop de lumière. Dans cette patte molle dont on fait le pain. Amen. Je serai son claviériste ou son ostie, à ce drôle de son qui court dans ma tête.
  • 14.4.24

Ce garçon

Ce garçon croisé sur le trottoir. À son visage, à son regard, je l’ai reconnu. Comme revient un mal de tête pour un ancien migraineux. La maladie de l’enfance avec ses médecins déguisés en gendarmes, les injonctions et les poncifs, les mots lancés sans discernement et dans les oreilles neuves, leur poids de pierre. Oh ! Aucun bâton, ni de joues ou de fesses rouges, non, pas de maltraitance visible à l’œil nu mais une maladie qui pique le dedans et continue de dire : qu’est-ce que je fais là ?
  • 8.4.24

Le jour fait ses valises

Le jour fait ses valises. Déjà descend son souvenir que le soir tout à son ombre fabrique.
Plus besoin de nuit. Quand tout part trop clair, trop loin, dans le ciel l’œil invente ses obscurités.
Tu es dans les nuages, dit la mère pour qui le jour ne fait que revenir, revenir sans saveur ni voyage. 
Redescends tes idées plus près du sol, marre d’éponger tes effusions lunaires. 
Finis ta soupe, range ton sac et va au lit.
  • 4.4.24

Toujours une voix plus haute

La rue a ses paresses qui comblent l’existence.
Propices à l’allongement des jours et des jambes. 
Mais toujours une voix plus haute que les autres perce, va et brise calme vociférant d’on ne sait où. 
Face obscure d’une lune gibbeuse, elle prend toute la place, tous les murs à son ombre, ceux aux oreilles comme les autres. 
Fabrique des échos, tape les murs, s’agite sur des cordes, rend le ciel zinzolin, agite la tête de notes dégingandées. 
Il y a toujours une voix plus haute et la tienne, tu ne l’entends plus.
  • 1.4.24

Beau couple

La pluie et le toit forment un beau couple. 
Ils coulent l’un sur l’autre, tête-bêche, poursuivant un rêve, à qui coulera le dernier…
Quelqu’un, quelque chose invente ici une histoire.
Il faudrait en être le lecteur secret, chargé de déplacer chaque situation de son intention. Prendre cette goutte filant parfait amour avec son toit, plic ploc et jaillissement, et en faire son histoire.
  • 29.3.24

Dans les plis du vent

Tu pourrais brosser des intrigues dans les plis du vent, t’échapper par les toits avec la nuit enroulée autour du cou, ne plus revenir qu’en rocambole d’opérette. 
Mais les toits sont las des histoires comme toi des hommes, fats et usés. 
Ils ne croient plus aux belles envolées des amants fuyant par les greniers.
Ils dorment sous un ciel sans charme. Rien ne les amuse plus, ils en ont trop vu.
  • 24.3.24

Les toits continués

Depuis la fenêtre, les toits continués
par le regard font redescendre la fatigue.
De petits esprits piétinent dans ta tête 
pour écraser les refrains du jour. 
Tu les laisses préparer quelques mots,
gardes en bouche les plus simples, 
les plus habiles à boucher les trous. 
Puis leurs ombres glissent sur les joues
de la nuit, articulent, désarticulent 
ce qui reste de reflets dans le ciel. 
Ainsi longtemps jusqu’au sommeil.
  • 21.3.24

Accords

Les quelques accords à la guitare sèche que tente de réaliser mon voisin vont bien avec l’humeur du matin. Les cordes résonnent dans la rue ; à s’y pencher, on pourrait croire la mélodie issue des gros fils électriques qui la traversent. 
Le son est grave et le dandinement des fils, synchronisé et entretenu par un petit vent sans prétention, fait presque oublier les fausses notes. Si je devais intituler ce moment, j’opterais pour Gamme électrique sur matin sec.
  • 16.3.24

Noir

Le couloir sent le salpêtre et le noir qui monte sur les murs de l’escalier n’a rien à envier à la migraine du vieux monsieur. Son front parle et perle. On peut y écouter une mémoire ancienne, à chaque froncement son histoire. Millefeuille de noir et de poussières. 
Bonsoir, vieux monsieur, ne faudrait-il pas repeindre la cage d’escalier ? Qu’en dit ce noir sous vos yeux ?
  • 14.3.24

Courbé

Le vieux monsieur est courbé. Il regarde ses pieds. Ne peut lever la tête plus haut que mon torse. Nos discussions sur le palier sont courtes. Me parler sans pouvoir croiser mon regard l’accable. M’adresser à la pointe d’un crâne me gêne. 
Le vieux monsieur est courbé. Marmonne sur ses chaussures. Inintelligible vieillesse. J’acquiesce ou hoche la tête, demande si tout va bien ou parle du temps qu’il fait. Je me baisse, cherche sous ses cheveux blancs une lueur, le salue. Il me salue. J’entrevois alors dans ses yeux la couleur rieuse du désespoir.
  • 9.3.24

Un sourire dans la rue

On attrape un sourire dans la rue. Un œil roule et un peu de joie se relève. Contact et passe. On garde le sourire pour soi. De loin en loin, on sait l’automne sous les paupières, la suée des montées, la courbure maligne des lèvres. Si la mémoire ne piège pas le chemin, on l’aura ajouté à la collection des vieux sourires, pour qui voudra les saisir.
  • 6.3.24

Petits pas

Petits pas dans l’escalier. Toux sur le palier. Silence. À nouveau les pas, glissés, pesés. Pas d’attaque aux talons. Des pas de chaussures légères, à semelles molles. La descente bien que lente reste souple et régulière. La toux s’emballe, les pieds glissent. L’homme piétine devant ma porte. Raclement de gorge, reprise du corps. La toux glisse, les pieds s’emballent. Petits pas, les marches dans l’escalier s’éloignent. Il les prend avec lui. Cahots et gorge, prudence et équilibre, tout à sa tête. Le vieux monsieur du deuxième est sorti.
  • 2.3.24

Dans ce vide

La fenêtre est entrebâillée. Dans ce vide, tu passes comme un courant d’air. Lèves les bras, creuses le ventre, un temps ta respiration coupée. Te voilà dehors, tu ventiles, parais de la même consistance que le ciel et la terre. Tes pensées sont des ressorts dans les nuages. Ton corps est absent. Seule ta tête, tête là en premier, partout, s’étale nébuleuse à regarder le trottoir, l’incongruité du trottoir. Ça suinte et grince en bas. Tu n’y es plus. Tu serais léger comme la mort si tu connaissais son poids. La fenêtre claque. Tu sursautes, mal à dos, étau et masse, les pieds pris dans le rêve.
  • 20.2.24

Le bel ennui

Il vient, le bel ennui. Ce genre d’ennui qui fait lever le nez et qui, le reste du temps, sur le dos forme comme une bosse. Vient, revient heureux avec son lot de contemplations, sa part de rêve et de ciel. Ça travaille là-dedans. Depuis le dos, se redresse dans la tête. L’ennui léger, de belle facture. La bulle ! Malgré la bosse, malgré le trop plein qu’il laisse quand il repart.
  • 14.2.24

Tu ne reconnais plus les jours

Tu ne reconnais plus les jours. Dimanche avec mercredi disent bonjour à hier, ce jeudi ensoleillé. Tu ne reconnais plus les heures. Elle ne sont que des pages non numérotées entre deux froissements de la mémoire. Blanc. 
Tu ne reconnais plus, ni les jours ni les heures. Vingt-cinq heures du soir de la veille. Quand on te demande, tu plaisantes pour détourner l’attention. Comme un enfant qui apprend à compter.
  • 10.2.24

Avec des caprices d’enfants

Tu marches avec des caprices d’enfants. L’un, derrière toi, frotte ses pieds sur le pavé, pour un peu s’y jetterait. Sa mère le tire par le bras, remonte ses genoux, frotte le pantalon, soupire. L’autre, devant, accélère puis ralentit, son père gronde. Tu évites l’enfant pour ne pas le renverser ; il te regarde sans rien dire, secoue la tête avec une frénésie que tu te surprends à envier. Le père lance vers toi un sourire d’excuses. Le premier te dépasse suivi de la mère au trot, rattrape le second, prend sa main et tous les deux se mettent à courir en criant d’un même entrain. 
Tu t’arrêtes, les caprices s’éloignent, avec eux un creux dans ton ventre. Ils te laissent avec une envie de crier et de rouler par terre mais tu n’en fais rien. Tu souris sans joie en dodelinant de la tête.
  • 4.2.24

Vous vous aimez

Tu ne sais pas ce qui te retient au fauteuil. Tu penses à la fatigue et elle pense à toi. Au fond, vous vous aimez. 
Le livre se termine, la page de fin se déplie comme une main sur l’accoudoir pour te hisser. Te lever avant la chute n’aurait pas de sens. Si le sens a encore du sens. 
Tu vois ton corps s’affaisser à mesure que glisse le livre. S’il tombe, tu tombes.
  • 31.1.24

Une trace dans l’air deplacé

Tu avances dans la ville. Derrière toi, tu laisses une trace dans l’air déplacé. Une odeur, un son, un reflet, une onde. Ta silhouette réduite à quelques gouttelettes, elles-mêmes réduites à une poignée d’atomes, lesquels s’évanouissent. Les autres prennent ça dans la figure. Courant d’une vapeur, bruit parmi les bruits, rien, tout juste un éclat dans leurs pupilles. Ils traversent un passé qui ne sera jamais souvenir. Un chien pourtant semble y renifler quelque chose. Ton passage, l’acre de ton corps, un dépôt que lui seul décèle. Quelque chose qui revient ou plutôt, ne lui revient pas. Il aboie.
  • 28.1.24

De larges bandes

La matinée a de larges bandes pour s’étaler. Elle en profite, abrutie dans son reste de nuit. Tu l’accompagnes, ensommeillé, comptant les heures sans substances. Une fenêtre, un soupir, une fenêtre, un soupir…
Personne ne le voit mais dans ton absence de gestes, tu enroules ses larges bandes autour de toi, pour t’en faire un costume de matinée. Tu jouerais presque à l’aristocrate mais tu as froid.
  • 26.1.24

À sang froid

Tu es un animal à sang froid. Serpent sans sonnette, dans ton corps l’humeur d’un fauve. Voilà, tu es un serpent à tête de lion, tsss du venin plein les crocs. 
Il aura fallu épuiser le rêve, retourner la crinière puis activer la sonnette pour enfin te réveiller. Tsss, tu es un animal qui rêve encore, tu en tires une certaine réassurance. La nuit peut continuer à parler.
  • 23.1.24

Au fond du sac

Tu fouilles dans le fond de ton sac, en sors poussières et épluchures de vie. Tu t’arrêtes et comptes le temps qui sépare deux vieux tickets de caisse.
Tant de jours dans un sac, d’heures tombées dans l’oubli. Tant, que cela paraît irréel. Tu froisses le premier ticket, fais du papier fin une petite boule qui roule entre tes doigts. 
Le soir descend faire sa soupe. Tu avises le second ticket, la date et l’heure, tu le lisses longuement sur la table. Un soupir devrait te prendre mais tu le retiens.
  • 18.1.24

Mine

Tu dis qu’enfant, on ne t’avait pas vendu ce futur. Tu tailles un crayon et tu penses à la mine et à sa polysémie. T’en tires une mine ! Assis là, à la table de lecture, en train de faire coïncider souvenirs et advenus. 
Tu sais bien qu’il y a plus malheureux que toi, t’es pas à la mine ! Tu souris, reposes le crayon, souffles sur les rognures de bois. Elles retombent lentement, bien où elles veulent, déjà tout à leur futur.
  • 13.1.24

Tu entends le vent secouer la vitre

Tu entends le vent secouer la vitre. La fenêtre de son vieux bois craque.
L’hiver étale sa petite mélancolie. Il suffirait de souffler, entre deux pages lever la tête pour écouter ce qu’ont à dire le bois, la vitre et le vent.
Tu pourrais sortir du livre, rendre le jour moins gris, en tirer un poème, un cri de vent et de bois.  
Mais, tu entends le vent secouer la vitre. Rien que l’écho du vide dans le chambranle. Du vent sur une vitre. Du bois qui meurt. À quoi bon.
  • 7.1.24

Oh rien de sanglant

La nuit a sorti son couteau à lame froide. Sur la joue, tu la sens se pointer avec sa musique de mauvais téléfilm. Un pas n’attrapera pas l’autre, tu te dis : tant qu’il y a équilibre !
Tu traines avec cette odeur de viande hachée. La lame en suspension, un coupe-gorge au coin de la rue. Oh rien de sanglant ! Juste un petit poids sur ta carne.
  • 3.1.24