- Philémon le roi déchu, à la longue barbe grise qui sent mauvais. Enfin, le miroir ne me délivre pas d’odeurs mais je suppose que son hygiène n’est pas optimale. Un comble pour quelqu’un vivant dans une salle de bains.- Fleurine, la marchande de cartes, papiers et autres jolies reliures. Une papetière propre sur elle, la trentaine qui regarde souvent dans la vitrine, vaporeuse et rêveuse. J’imagine qu’elle sent bon.- Cunégonde, Arthémise et Conception en cours de dévoilement chargent leurs visages dans le miroir depuis deux jours. Au dernier relevé, elles en étaient à 75%. J’en saurai plus sur elles dans quelques heures. Quant à leur odeur, quelle importance ?
en le piégeant dans l’objectif.
Le décaler me décaler, regarder
ce qui passe sans visée.
Laisser dérouler,
les gens,
les rôles,
le jeu des gens,
le jeu de rôles.
Je tends vers toi qui regardes
une tranche de réalité
coupée dans le pain dur.
Vois !
Je filme un homme
et des pigeons.
Pourquoi ?
Je ne sais pas.
Je cherche ce qui attache,
pain dur, pigeons et homme.
Je donne à manger
à mon pigeon intérieur.
Peut-être.
Même si je sens bien ici
l’association de malfaiteurs.
Après son excitation d’avant le coup d’envoi, sa fièvre et puis son sommeil
Je suis avec la ville vide, le décor arrêté en pleine course
J’entends le craquement des doigts de la ville, les gargouilles dans son ventre
Elle retient la rue en apnée, le souffle manque, le vent se pose
Je vois les oiseaux dans leur vol curieux descendre les artères
Comme des alarmes silencieuses qui me crieraient : pars cours pars
Respire à grandes lampées, trachée gorge poumons déployés et ne reviens plus
Un rien instable roule dans la rue.
Je vis impermanent sans brusquer.
Passe sans m’apercevoir
dans les vitrines.
Je suis une note de bas de page.
Un renvoi que personne ne lit,
on ne lit pas les sous-textes.
Je suis la marche de la rue
ses trompettes de fête,
trouant les fenêtres,
ses costumes de lumière
qui jurent sur les murs jaunes.
Je suis un bruit de la ville
parmi d’autres et ça me va.
Même si tout ça
est encore très fragile.
Mes pas et les secousses.
La ville et ses clignotements.
On pourrait tout éteindre,
à tout moment,
partager le noir du ciel,
marcher sur les oiseaux.
Je déambule et poursuis
la lumière,
cette mauvaise herbe
sur le pavé qu’un pigeon
prend pour de la mie.
Au regain du monde, aux vagues d’innocence
Comme si c’était pour de vrai, les rires et les larmes
Que l’on provoque dans nos gestes d’enfants, nos intentions crédules
Alors mettre un couvercle sur le malaise, sur le trop du trop
Laisser aller le corps l’esprit, décrisper les zygomatiques
Danser chanter rire, être précieux ridicules
Boire toute honte à s’en rendre ivres
Oh rien du tout, juste une pensée qui traverse
Le corps et la tête, fluide chaud-froid des veines aux synapses
Il y a de quoi tendre un arc entre les deux oreilles
Viser un point sur le front, bander tirer
Ça fait un shoot dans le cervelet, de savoir ça possible,
Si j’avais arc et flèche, courage de plus haut étage
Il y a de quoi s’arranger entre amis, couler le corps sous une terrasse
Mentir à la marée-chaussée et rogner ses remords – il l’a bien mérité
Mais la violence est une farceuse, me collerait des maux de ventre
Les scrupules mangeraient mon foie et je rendrais ma bile alors
Il y a de quoi mais tout passe, le mépris est une plus belle arme
Le volet est d’un vert habituel, le ciel d’un bleu
Passe-partout, éculé voire écœurant
Il ne se passe rien et c’est navrant
La vitre n’est ni sale ni propre, aucun reflet notable
Sinon le mien que je masque, me déplace et masque
Du paysage, me fais disparaître de cette vue de dimanche
Où tout glisse vers le néant, goutte à goutte
Je tombe d’ennui, yeux mi-clos mais vigilant au moindre soubresaut
Je plisse affûte zoome diffuse et par la seule force de mon esprit
Devant moi un volet bouge, cric cric cric cric (c’est un roulant)
Un volet gris à lamelles sur un paysage figé, même s’il bouge peu
Même s’il goutte de poussières et crie comme une hyène
Je suis enchanté par ce mouvement, la journée n’aura pas été vaine
sur le trottoir, boulevard Henri IV.
Dix secondes et je marche,
devant moi des générations.
Trois, sur un mètre carré :
une dame et sa canne,
un enfant et son bonnet,
et une jeune femme,
la seconde génération sur le dos.
Moi derrière
sans âge
ni génération,
marche sur le trottoir.
Dix secondes,
boulevard Henri IV,
ça se parle,
ça se sourit,
ça se regarde,
ça ne s’évite pas.
L’instant est court, éphémère
dans l’air du boulevard,
sans importance.
Pourtant, trois générations
passent là, sans âge,
sur le trottoir,
boulevard Henri IV.
Cut-up :
Sous le signe de la poésie
Pour avoir la langue dans ma bouche
La poésie est en rapport avec tout ce qui concerne la sexualité
Bleue ta peur ton ventre noué
c’est la vie qui bout
Patrick Quillier, Patricio Sanchez et Pierre Vieuguet.
Je pèle une mandarine, sous les ongles une fatigue
Nouvelle comme la saison, je pèle épelle
Ton nom, en dessine les lettres avec les peaux pleines de jus
Le jour descend de son échelle ou bien est-ce d’un arbre
D’un vieux mandarinier qui me fait de l’ombre
Tu préférais les clémentines, je crois que le souvenir fond sous ma langue
Le signal d’alerte retentit.
La ville se tétanise,
je vois ses poils se hérisser.
Je couvre mon feu,
je fais une tentative.
J’établis une procédure,
dans mon métier que j’ai,
on dit process.
Je processe un secours,
un sauve-qui-peut.
Ceci est un exercice !
Ceci est un exercice !
Ne désarmez pas vos vies.
Tout ça depuis le début
n’est qu’un exercice.
Tout ça, sirène comprise.
Tout ça, ce que vous ressentez.
Tout ça, qui êtes vous.
Tout ça n’existe pas.
Processez tant que vous voulez.
Vous n’avez jamais existé.
sur les fils électriques
sont des idiots.
Je le vois
à leurs yeux fins
qui ne pensent à rien.
Des yeux d’irréfléchis.
Des yeux si petits
que sous les plumes
on ne les voit pas.
Mais moi je les vois
« irréfléchir »
ils s’électrisent par les pattes,
se dopent aux megawatts.
Ça leur démantibule les muscles,
leur grille le cervelet.
Les oiseaux
sur les fils électriques
ne savent plus qu’ils sont
des oiseaux
sur des fils électriques.
Je le vois
à leurs mouvements
battement d’ailes
asynchrones, version megastone.
Hop ! Hop ! Je saute n’importe où,
je vole n’importe comment,
je vais je viens
pour me reposer au même endroit.
Puis je pars sans savoir
pourquoi je suis venu.
Les oiseaux
sur les fils électriques
sont beaux
mais totalement cons.
Y glisser ne provoque pas la houle, pourtant se lève la vague
Le pied n’est pas marin, le soulier a la semelle usée
C’est dedans que jouent le surmenage des forces, la secousse des âges
Tellurique mais plus tellement, la plaque est en creux
Glisse mais rien de tectonique, le grand chambardement est fini
C’est un creux sur le chemin, la vaguelette importe peu
C’est dedans au fond des yeux que l’océan finit à cale sèche
On longe les murs.
L’avenue est une plaie ouverte.
Clemenceau est devenue
l’avenue des travaux.
On marche sur la voie.
On piétine.
C’est une jungle pleine
de danger, d’escarmouches
de bêtes assoiffés de conquête.
On se serre sur les murs.
A l’affût.
On a peur de l’humeur
des piétons
des voitures
des vélos
des trottinettes.
Il n’y a plus de sens commun.
Il n’y a plus de sens du tout.
Tout le monde se croise
se toise, s’entrecroise.
On a peur mais on tient bon.
On a droit à notre bout de territoire,
à notre morceau de bitume crevé.
On avance.
Clemenceau est devenue
l’avenue des héros.
Ces barrières de sécurité
avec leur peau de pierre blessée
ne vont pas nous empêcher
de nous massacrer.
Ton sourire qui pleut sur tout le monde
Avec cet air d’avoir inventé le bonheur
Ce n’est pas mon truc, la félicité
J’aime bien écrire des poèmes tristes
Avec des chutes bien mélancoliques
Toi, tu dirais dépressives, dis ce qu’il te plait
Ce n’est pas mon affaire, ton bonheur prêt à mâcher
Tes fins de semaine enjouées au coin du feu
Avec femme et enfants qui se chamaillent
Je préfère les prises de têtes de fin de dîner
Les gueules cassées et les coups de rouge dans le nez
Non vraiment, ce n’est pas mon affaire
Pars en congés et fiche-moi la paix
Les gens blottis contre eux-mêmes semblent des coquilles
Par le trottoir roulent absents du monde
De ces carapaces inviolables au sein desquelles des yeux se ferment
Lentement, comme le noir du ciel tombe
Je suis, j’en suis, des leurs, des recroquevillés
Dans quelque bulle d’ouate, cadenassé du dedans
Il y a bien des bouches pour sourire mais elles simulent
Tirent sur les visages un vilain trait comme s’il s’agissait
D’un élastique tendu entre les muscles de la fatigue et ceux de l’empathie
Je suis, j’en suis, des qui peuvent à tout moment perdre le visage
Quand vient le soir et que descend la brusque nuit
Son sourire dénué de malice, sa voix encore claire
Avec un aplomb de qui connaît la vie
Les hommes, leurs magouilles et le charme que ça lui fait
Vingt ans en ligne droite, sans ceinture ni bagage
Finesse d’esprit, maîtrise des codes de l’époque
De celles ou ceux qu’on raille trop vite parfois
Jeunesse brillante qui donne du plaisir à vivre
Quand on est né fin soixante du siècle passé
Et que ça commence à boiter dans la carcasse
Qu’on protège son élan sa candeur sa grâce
On lui doit bien ça à cette génération déboussolée
dans la rue que je dis mienne.
J’avance dans ma rue
qui est aussi la rue
de celui que je croise,
de celui qui passe ou passera.
Toutes les rues du monde
sont à moi
tant que j’y suis homme
passant pensant
rêvant vivant.
Personne ne peut enlever
les possessifs.
Ma ta sa.
Mon ton son.
Je possède
et je suis possédé.
On ne peut pas enlever
la rue à quelqu’un.
On ne peut pas enlever
quelqu’un de la rue.
C’est ma rue, c’est ta rue
et la rue de tous les mondes.
Chemins passages
Routes rocades
Impasses voies
Venelles allées
Contre-allées rues
Places parcs squares
Avenues boulevards
sont à moi.
Toutes artères miennes
palpitant dans mon corps.
Boum tchak !
Boum tchak !
Je suis toutes les voies.
Je suis la ville.
Je suis perdu.
À l’heure de la pause de midi s’étire
De tout son corps de goutte, tremble
Si petite quantité d’eau dans ce grand monde
De bruit, de doute qui fait des taches
Bruine des pieds, lâche ton crachin
Va, goutte, goutte encore mais ne tombe pas
Tu vas bien avec la couleur du jour
Gris, fragile, seul et sans un désir
On colle une fresque sur les murs
avant station Voltaire.
Un homme court après son chien,
après Voltaire.
Sa laisse traîne par terre.
La laisse du chien ou de l’homme ?
Un garçon saute sur les voies
pour récupérer son ballon.
Le rail vacille l’enfant a peur.
Le tram accélère, mange la ville.
Je descends à Pablo Picasso.
Je prends des photos
de filmer mais l’appareil
ne voit pas ce que je vois.
La pureté des lignes
qui grimpent sur les toits,
le parfait des cercles
sur le sol me rassurent.
Rien ne dépasse.
Je reviens sur les pas du tram.
Port Marianne.
On a donné Stéphane Hessel
à ce parvis, des jets d’eau,
un miroir pour le ciel gris.
Un bâtiment parle,
lit des mots imbriqués
en relief sur sa façade.
On dirait des injonctions.
Je les crie dans ma tête.
Le parc Charpak m’évoque
des joueurs d’échec russes,
Charpak contre Kasparov,
guerre froide, chapka.
Je prends les blancs,
Charpak les noirs.
Charpak Tetrapak.
Je cherche d’autres noms en pack.
Le parc Charpak est impeccable.
Couleurs de saison,
sculpture en bronze,
enfants qui jouent au ballon,
Grands-parents sur les bancs.
Rien ne dépasse.
Il est tout à fait conforme
à l’idée que l’on se fait
d’un parc urbain en automne.
Il y a peut-être cette paix en plus
au fond dans un sous-bois.
Elle paraît étrange
dans le tumulte de la ville.
Je croise un indien,
un joueur de foot italien,
un rappeur américain.
Ils ont tous en commun
de ne mesurer qu’un mètre.
Ils courent jouent rient,
conformes à un dimanche
d’automne.
Rien ne dépasse.
Elle revient sans bruit, surgit
D’un objet oublié derrière une commode
Elle est sa poussière, le déclic dans la mémoire
Un visage lui ressemble et elle est tous les visages
Ce peut être un courant d’air qui l’amène
Une faiblesse, un égarement, un instant volé
Elle n’arrive jamais du même lieu
N’a pas de corps, ni de présence
Ne prévient pas, n’appelle pas
Elle prend sa place, insidieuse
C’est une vieille histoire, la peur de vivre
L’habitude nourrit l’habitude, la vie secoue
Le poème n’y peut rien, il console c’est tout
Panneau dans la rue
bleu carré avec un sens.
La flèche, direction obligatoire,
peux pas en réchapper.
L’issue est unique,
pas d’autre choix.
Ferais quoi sans la flèche ?
Où irait ma fatigue dans la rue ?
La nuit n’a pas dormi.
Je rôde à la recherche de sens.
Un homme pas plus haut
que la flèche, au loin
écrasé par la perspective
ou bien est-ce par ma fatigue ?
Un homme avance vers moi,
dans son dos la flèche.
Avance vers moi à contresens.
Où va-t-on comme ça
avec nos fatigues ?
entre Carlencas et Catalan.
Cinq, tout au plus.
Juste le temps
d’un rêve express.
Je lève la tête ou la baisse.
Ça dépend l’humeur.
Il y a de la mousse dans ma tête.
Je retiens les pensées.
Je baisse les yeux ou les lève.
Ça dépend de la nuit.
Il y a un refrain
entêtant dans les poubelles.
J’ai ma tête à mes pieds.
Attention au passé
des piétons.
Ne rien brusquer
du rêve des autres.
Le ciel joue de la contrebasse.
Le trottoir fait des arpèges.
J’abrège, me dope.
Le bitume joue les neuro-
transmetteurs.
Toxico du trottoir,
je vide mon sommeil
jusqu’à à l’ascenseur.
Portes ouvertes,
quatrième étage.
De Carlencas à Catalan,
bonjour le réel !
regarde les tapageurs,
les grandes surfaces
et les installations d’art moderne.
Le tableau est triste.
Le tableau se sent laid.
Les autres le trouvent laid.
Je le sens bien.
Il est triste mais pas laid.
Il est pesant à regarder.
Il accroche au sol
soupèse, toise l’âme.
Mon œil est vissé sur la toile.
Son œil est vissé sur le mien.
Il parle de douleur
de cauchemar.
Il dit le cri et le froid.
Il jette dans la salle
la cruauté majuscule,
l’intolérable, l’inimaginable.
Il est un fantôme.
Le mien, le nôtre.
Il n’est pas le dernier.
Chère application,
J’ai été dans une machine qui elle-même était une mare. Un long couloir m’a mené jusqu’à cette mare. Elle faisait un bruit de moteur. Un de ses moteurs de vieux bateau qui claque comme un canard. Un canard dans la mare qui était une machine.
J’ai traversé un bonne partie du cosmos comme ça. Dans ma mare à moteur. Arrivé à la rocade sud de l’univers, je suis tombé dans un embouteillage intergalactique. Une quantité gigantesque de mares à moteur mais aussi électriques, à hydrogène et autre combustible que je ne connais pas, circulaient au pas. De part et d’autre de la Voie lactée, il y avait de beaux arbres recouverts de neige dont on n’apercevait ni les racines ni la cime. Le ciel était orange et rosé. Le jour se tenait constamment à l’aurore pendant environ trois semaines du temps d’ici. C’était joli.
Des arbres infinis autour de petites mares. Un ciel d’aurore. Le bruit des moteurs. Les embouteillages. Finalement, ce n’est pas si différent que chez nous.
Bonne semaine, chère application.
Je cherche le son de mes pas.
La ville, marcher, chercher.
Les rues s’enchaînent.
La rue Cherche midi
pose des souvenirs
dans le cours de mes pas.
Je m’arrête, convoque
des nuits des jours
qui se confondent.
L’amour, l’ivresse.
Rue Cherche midi.
Une émotion sur le pavé.
Je l’esquive, elle revient.
Je la prends et repars.
La ville ne s’arrête pas.
Je la suis jusqu’au bout
de la lumière.
Boulevard du jeu de paume,
le jour baisse la garde.
Midi est loin, je ne cherche plus,
n’attends plus aucune heure.
Je ne sais pas aimer.
Les mots me dévalent
comme une rivière.
Ils charrient
mémoires,
midis,
amours,
doutes,
maladresses,
paresses,
ivresses…
Je marche dans le limon.
Je rentre chez moi,
le boulevard tremble
au passage du tramway.
Je tremble aussi.
Je ne sais pas aimer.
Irène Joliot Curie.
Un nom aussi long
que la rue est courte.
Toute petite rue coincée
entre deux monstres.
Deux immeubles
avec des pattes d’éléphants
et plusieurs trompes sur les toits.
Je suis au quatrième du monstre sud.
Un vieux monstre.
L’autre, face nord, est jeune.
Je suis dans le vieux monstre
avec des pattes fatiguées
et des trompes molles.
J’aime bien les vieux monstres.
Depuis mon observatoire,
je vois des tas d’animaux jolis,
bipèdes et pas monstrueux.
Tous sont petits petits petits,
aussi petits que la rue courte
a un nom trop long.
au-dessus d’une porte
sans charme
dans un quartier
sans charme,
il y a là
une tête de lion
sur son fronton de plâtre.
La nuit tresse des ombres
sous un réverbère palot.
Pas une âme pour venir
agacer l’animal.
Il est le roi des ombres,
le roi de la rue de Belfort.
Pas plus loin,
pas un grand royaume.
Si j’en crois son œil,
ses bajoues, son cou,
sa mâchoire, sa prestance,
ça lui suffit.
Le pavé est rond, le trottoir désolé.
La rue a bu, Bercy titube.
Les passants ont des têtes
d’alcootests périmés.
Les visages se diluent,
épuisés de souffler
dans le ballon du jour.
J’attends.
Je pense aux bruits de leurs pas
sur les feuilles mortes.
La beauté du froissement.
Je bute contre une humeur,
une vieille humeur un peu ivre.
L’automne est au plus haut.
Le ciel est gris, les oiseaux absents.
J’attends.
À tout moment, quelqu’un pourrait sourire.
d’une fenêtre, de doigts
flexibles et tendres.
C’est faux, ça sonne faux.
C’est un échec mais joli.
C’est l’essai qui est joli.
L’air, c’est l’essentiel.
L’échec, aussi.
Sinon tout serait trop parfait.
Le voisin, rue Carlencas
sait que ce n’est pas bon.
Dix minutes pour écrire ces mots.
Plus rien ne sort de la fenêtre.
Pourtant mes doigts remuent,
l’air bouge dans ma tête.
J’entends encore le piano.
C’est apaisant le piano.
Même faux, ce n’est pas un échec.
J’ai envie de le dire au voisin.