Dans la cave sombre au sol de sable brun, se trouve adossé au mur principal le vieux buffet. Dégagé de la cuisine depuis des années, il a été remisé là pour servir de débarras mais aussi de coffre à mémoires.
Tout un fatras sommeille dans le creux de son bois vermoulu. Bibelots, outils, vieilles pièces de monnaie, bocaux et pots de confitures cohabitent derrière les quatre portes autrefois vitrées de mosaïque et aujourd’hui rafistolées par un grillage à gros maillage. Le désordre est visible en puzzle découpé et l’espace sur ces étagères semble sans fond, les vieilleries poussiéreuses repoussées sans cesse dans le creux par les nouveaux rebuts ou conserves de saison.
Au milieu, deux larges tiroirs aux boutons ronds et métalliques taillent le meuble. A l’intérieur, papiers froissés, tickets jaunis, stylos d’école à l’encre baveuse, trousses usagées, sécateurs ou autres cisailles biscornues se partagent l’empilement dans un souffre vert de corrosion. Le grand capharnaüm du temps fait ici son ouvrage, recouvrant par strate le quotidien oublié. Il est rare que l’on y fouille, ce qui est déposé ici est offert à la perte : déchets qui ne disent par leur nom, toutes choses entre deux – dérisoire ou essentiel - qui se gardent parce qu’on ne peut ou ne veut les jeter.
Et au fil des années, le vieux buffet avec ses cases et compartiments devient la grande poubelle visible et perpétuelle, témoin d’un passé dont on refuse la disparition et où s’agglutinent en substrat nos souvenirs névrosés.
- 29.4.16