Bout d’an

C’est un bout d’an, pas plus long qu’un soupir. On se le souhaite bon, entouré d’un ciel clément, d’une lune rieuse et de quelques feux de lumière. S’il le faut, on creusera nos joues pour accueillir le jour nouveau. On fera des cercles autour de l’attente. Incantation pour mieux vivre, on lèvera nos coudes pour trouver l’or dans un sourire.
  • 31.12.19

Il fait un jour à renouer avec le ressac

Il fait un jour à renouer avec le ressac.
Ce paquet lourd jeté à la mer qu’est le corps parfois. Malmené par la tête qui dodeline au vent, part et redresse sans cesse. Jour de tempête entre les oreilles où rien ne s’efface mais où tout bouscule. Des douleurs d’enfant cognent à la porte avec leur masque en forme de sourire. Ça va, ça vient et quand ça vient, ça va. On se dit ça quand la vague passe, la langue pleine de sel.
Il fait un jour à renouer avec le ressac.
  • 28.12.19

Pic de douceur

Il fait doux aujourd’hui. Le journal a même titré « Pic de douceur dans la région ».
Les gens n’ont pas conscience de traverser ce pic — certains continuent d’avoir froid.
Un chat longiligne traverse la rue si vite qu’il forme un long trait noir (un pic ?) dans la douceur du jour.
Plus loin, des enfants s’ennuient. Il doit faire trop doux pour jouer.
Un pic de manque, à chercher l’épaisseur pour exister que seuls le froid et la neige enchantent.
Nous en sommes là.
  • 18.12.19

Il fait un jour à renverser le ciel

Il fait un jour à renverser le ciel.
Un silence inhabituel habite nos pas comme si l’on marchait sur une vieille neige. Rien ne nous affole. Pourtant nos pieds foulent les nuages. Oubliés horizon et lignes de fuite. Nos mémoires suivent les bottes. Un soupçon d’ivresse dans le vide de nos regards.
Il fait un jour à renverser le ciel.
  • 12.12.19

La nuit revient encore top tôt

On a laissé pousser des ailes au jour qui dégorge. Le voilà qui plane sur nos têtes comme une nuée de corbeaux.

L’hiver a les jambes engourdies. Je vois son corps sombre accoudé au zinc du ciel, fatigué de voir l’automne parader.

Les gens relèvent leur col et leur tête. Il disent : il va pleuvoir, la bouche ouverte comme s’ils avaient soif. L’air se rafraîchit sous les soupirs du soir.

La nuit revient encore trop tôt avec ses gros souliers crottés d’angoisse.
  • 7.12.19

Dans le pli de l'oubli

On retient dans nos corps
de sales soupirs de fatigue.

Il faudrait nous secouer
pour exploser nos angoisses.

Quelqu’un frappe à la porte
et le sursaut nous réveille.

Un sourire entre, se faufile
jusqu’à nous dans le pli de l’oubli.
  • 2.12.19

Murmure de couleur

On est entré dans un jour gris souris.

Le ciel se devine à peine au-dessus de nos têtes vieilles.

Rien ne vient colorer nos crêtes, sinon ce bourdon de l’attente.

Murmure de couleur qui, à défaut d’être visible, s’invente sous nos pas.
  • 28.11.19

Petits coups de bec

À l’arrêt de tram, deux jeunes gens sur un banc. Deux, trois puis quatre, cinq enfin bref j’en perds le compte. Le compte de ces baisers légers par saccades échangés comme deux oiseaux sensibles picorent leur mie de pain. Petits coups de bouche, petit air frais avant que le tram, ce rapace, ne les fasse disparaître.
  • 24.11.19

On ne demande rien

On ne demande rien au jour qui se lève. Seulement d’être là quand nos joues se gonflent et nos torses se bombent.

Que nos petits espoirs pris entre le soleil bas et le bleu neuf du ciel éclatent nos joies de toute la vérité du rêve.
  • 20.11.19

Une goutte suffit pour alourdir le monde

Au fond de la rue, ta gorge pleine de mousses. Entre une poubelle et le trottoir, tu dors à poings fermés. Dans ta bouche, une voie lactée de mots oubliés. Ceux qui t’ont brisé la parole ricanent autour d’une tasse de thé. Toi, tu lèves dans ton sommeil tous les petits doigts au bord des tasses. Sache que quelqu’un t’entend soulever ton torse à tous les renoncements. Une goutte suffit pour alourdir le monde. Retiens-la. L’épée posée sur ta nuque peut encore se retourner et trancher dans le vif des paupières. Dors au milieu du chaos. Tu sais être le juste.
  • 17.11.19

Lâcher les chiens

Il reste un peu de nuit collée à la fenêtre. Une ombre tenace qui menace au fond de l’œil.

Pourtant, le jour éclate en petites bulles de vie. Persuadé d’être le plus grand, il est cette âme d’enfant qui croit à l’infini.

Un chien renifle derrière la vitre. Sa truffe souffle de la buée, chasse l’ombre. On aimerait lâcher tous les chiens pour retrouver la lumière.
  • 15.11.19

Il descend la rue

Il descend la rue depuis chez lui où, dans un demi sommeil, une partie de son corps est restée blottie.
Il descend la rue à moitié. Il s’arrête et cherche l’autre moitié, abandonnée. Une odeur de café et de sueur titille son humeur. Il souffle dans sa main. Son haleine mélangée à l’alcool fait tourner son bonheur.
Il descend la rue et une rasade de la bouteille qu’il trimballe toutes les nuits. Une partie de lui est restée entre le canapé et le lit, entre la transpiration et l’oubli.
  • 9.11.19

Je ne le vois pas mais le sais

A travers les vitres, un soleil frelaté brille plus haut. Je ne le vois pas mais le sais.

J’enfile un masque pour être raccord avec la brume. Un pantalon taillé pour la marche de soi. Je le sais mais ça ne se voit pas.

Je reste ainsi insensible à la douleur comme à la joie. Même si quelque tremblement peut me trahir. Je le sens mais ne le montre pas.
  • 7.11.19

Une pluie serrée

Une pluie serrée devant la fenêtre,
Frappe au carreau pour entrer dans
Ma tête : cliquetis sur le pavé en pied
De grue.

Le vent perd l’équilibre des lignes
Les gouttes affolées tendent le front
L’hésitation redouble, par bouffées
L’eau pleurera tendre ou s’étouffera
A la mer.

04/11/2015
  • 4.11.19

L’ombre et le sourire

Parc Clémenceau, un premier samedi de novembre sur les bancs publics.
Ici une grand-mère, cheveux blancs rassemblés sous un chignon soigné, le regard bas et le corps plié sur son journal, là une mère avec sa petite fille emmaillotée au plus près de son corps, plus loin un arbre décati qui pense à l’ombre qu’il a pu faire du temps où il était fier de ses branches fournies.
C’est aussi ce à quoi pense la vieille dame pliée sur son journal en regardant la jeune mère. Elle se souvient de la grande ombre qu’elle projetait lorsqu’elle pouvait se tenir droite, mais elle pense aussi à ce sourire si singulier qu’ont les mères quand elles regardent leur enfant grandir.
  • 2.11.19

Manque de savoir-rêver

Elle est entrée dans mon rêve aussitôt sortie du rêve d’un autre. J’ai vu qu’elle venait d’un autre rêve à sa tête, à son allure et surtout à sa chevelure blonde. Je ne rêve jamais de filles blondes puis son accent n’était pas d’ici. Je rêve local, habituellement. Elle portait autour d’elle le décor du rêve précédent ou d’un rêve simultané, allez savoir. Un halo blafard l’encerclait. Elle marchait lentement dans une ruelle sombre. Elle me scrutait avec bienveillance mais son regard était encore pour l’autre, le rêveur précédent, un blond assurément qui devait se trouver désemparé derrière elle, à l’autre bout de la ruelle, planqué dans une porte cochère, à regretter de la voir doucement s’enfuir de son rêve. Je voyais qu’elle ne se sentait pas à sa place à piétiner ainsi mes chimères. Mais, comme deux inconnus qui se croisent, avec une impression de s’être déjà vus mais sans savoir quand, comment ni pour quelle occasion, elle m’a décoché un sourire tendre et confus. Un sourire pour se donner une contenance, parce qu’elle ne savait pas ce qu’elle fichait dans mon rêve. Elle voyait bien que, même si on s’était croisés un jour, elle ne devait en rien apparaître dans mes rêves, que c’était là tout de même un manque incroyable de savoir-rêver. Elle a marché longtemps, enfin le temps de mon rêve, quelques millièmes de secondes puis a disparu, rattrapée par ses propres rêves au sein desquels jamais n’apparaît quelconque homme brun.

01/11/2016
  • 1.11.19

Nos chemins à vide

On revoit la fatigue
désorienter nos forces
sans savoir où vont

nos chemins à vide
nos manques à dire,
nos années de faire.

Midi sonne au clocher
de tous les villages,
comme tous les jours.

Lui ne se laisse pas abattre
par les allées et venues
géographiques de l’âme.
  • 26.10.19

Elle ne sort que le soir

Elle ne sort que le soir, habillée d’habits propres et parfumée de frais.
Elle sort traîner dans les troquets, pour diluer sa peine dans des pintes de bière.
Elle a la peau brune, tannée par le soleil et son visage n’affiche aucun âge. On y devine cependant des années troubles que l’alcool brouille encore un peu plus. Elle laisse leur poids retomber dans des bajoues gonflées, des yeux rouge sang et une parole confuse.
Elle parle seule ou à des gens qu’elle attrape au comptoir pour donner à sa voix une paire d’oreilles vierges.
Elle cause sans discernement des uns et des autres et ses vilains mots tirent sur les fines craquelures qu’elle porte à la commissure des lèvres comme le témoin de l’usure du temps.
Quand elle parle, ce n’est que bredouillement et au bout de ses phrases, elle jette un mot plus haut qui fait tressaillir le comptoir, une injure grasse et pleine d’un ressentiment factice.
L’insulte est le point final à sa sentence au-delà de laquelle il n’y a plus rien à dire. Alors elle tourne un instant sur son tabouret cherchant sa prochaine victime, son prochain fantôme puis elle recommence en affûtant sa diatribe.
Les borborygmes s’enchaînent, on comprend parfois un prénom, un nom, un sobriquet. Mais on ne sait pas qui sont ces personnes, ni ce qu’elle leur reproche. Elle en a contre la terre entière qui la porte malgré elle. Parfois dans un élan de lucidité, elle décoche un sourire comme si elle se moquait d’elle-même et des propos injurieux qu’elle profère. Sa bouche semble se craqueler, ses lèvres entrouvertes creusent des sillons si profonds qu’un instant on croit la perdre ; on redoute de voir son visage se démolir comme une tour de Lego, qu’elle se dissolve dans l’alcool, qu’elle disparaisse au fond de son verre.

22/10/2016
  • 22.10.19

Pauvre matin

On fréquente le ciel
depuis tellement de temps,
depuis tellement d’espaces
dépliés à nos yeux ahuris
qu’on en vient à oublier
que souvent on le perd de vue,
comme aujourd’hui,
penchés que nous sommes
sur ce pauvre matin qui éternue.
  • 19.10.19

Fou rire

Parfois on est secoués
par des tremblements d’hier,

comme si on tombait
dans un fou rire d’enfant.

On se roulerait presque
par terre en se tapant le torse

mais rien n’advient de semblable,
le rire est loin, le fou n’est plus.
  • 17.10.19

Fabuleux silence

Ce matin, j’ai croisé
un fabuleux silence,
un peu revêche au départ,
ne voulant pas vraiment
se faire remarquer.

Il a très vite éclaté, plop
dans mon oreille saturée
des bruits de tous les jours,
me laissant tellement léger
que demain déjà en redemande.
  • 15.10.19

Il fait un jour à résister sans hâte

Il fait un jour à résister sans hâte.
Appréciant le déplacement de l’air, de soi et de l’autre lorsque ça file doux sur la peau. Marcher sans plus de prétention que de but. Errer nous manque tant on est sommé de toujours atteindre un lieu objectif partagé par le plus grand nombre comme étant le meilleur, toujours un pas de plus, toujours aller plus loin. Mais qui est ce « on » et pourquoi nous pousse-t-il ainsi ? Si bien, si mal qu’aujourd’hui passer le temps à ne rien faire d’autre que déambuler dans la rue ou dans sa tête tient de la résistance.
Il fait un jour à résister sans hâte.
  • 12.10.19

Trouver le fil de chaque mot

Trouver le fil de chaque mot,
y entrer ou en sortir avec des mailles
comme on raccommode des filets.

Le soir les laisser sécher sur le tapis
en cherchant comment combler les trous,
les manques et autres ratés du cœur.
  • 9.10.19

On ne va pas en faire un poème

On commencera par confondre le jour et la nuit, par s’étendre sur un drap comme si c’était une barque ou de l’herbe fraîchement coupée, ou encore une pensée légère qui laisse nos soucis sur le rivage.  
Puis on se dira que rien de tout ça ne vaut, qu’on ne va pas non plus en faire un poème, qu’il vaut mieux demander au vent de décider.
  • 5.10.19

Rue Carlencas vers midi trente

Rue Carlencas vers midi trente,
rien de bien neuf sur les trottoirs
sinon ce groupe de jeunes venus
déjeuner sur le pavé de pain,
de coca zéro ou de bière tiède
dont les canettes
finiront dans le caniveau
avec quelques mégots fumants.

Rue Carlencas vers midi trente,
tout suit son cours dans les rigoles,
un sourire se perd sur les lèvres
des jeunes filles à qui les garçons
roucoulent des vers saccadés
dans un flot de rap vite débité.

Rue Carlencas vers midi trente,
on pourrait traquer les délits
sous les arches des immeubles
où les plus tendres malheureux
fument en cachette de l’herbe
qu’ils ne verront jamais fleurir.

Rue Carlencas vers midi trente,
je passe ma vieillesse à la machine,
pique les sourires des jeunes filles,
prends une lampée des odeurs
diluées de bière et de fumée.
  • 3.10.19

La montre oignon

Il avait une montre. Pas une montre avec un bracelet, banale, avec son ornement en cuir ou en métal ; pas une montre ordinaire, pas de celles qu’on met au poignet tous les jours – comme tout le monde. Non, il avait une montre dans sa poche. Une montre qu’il nommait « montre oignon ».

Cet objet insolite agitait des questions stupides. Comment avait-on pu marier une montre et un oignon pour en faire un seul et même objet ? Était-ce une nouvelle variété de plante potagère ? Où la trouvait-on ? Chez l’horloger ou le primeur? Elle était en tout cas une primeur de son temps à laquelle je ne comprenais rien, une fraîcheur de la vie aujourd’hui disparue. L’objet – parce qu’il s’agissait bien d’un objet, je le voyais bien, même si le doute n’arrêtait pas de tourner ses aiguilles dans ma tête – faisait onduler les heures sur son cadran en oignon, à grands coups de tics et de tacs dérobés sous un bulbe de verre.

Bien entendu, en grandissant, j’ai compris ce qu’était une montre oignon, autrement appelée montre à gousset. Mais mon grand-père ne m’en a jamais rien dit, soutenant le mystère avec malice, allant même jusqu’à me faire croire que, dans son jardin, il cultivait des plants de montres oignons, qu’il en faisait des récoltes abondantes, de quoi assurer la pérennité de sa petite exploitation pour des générations et des générations – une descendance qui pouvait dès lors gaspiller oignons et temps comme bon lui semblait, pour des siècles et des siècles. Amen.
Et sur ce point, il avait raison Elle a traversé le temps, cette montre. Symbole à elle seule du patriarcat de mon aïeul. Logée dans son bleu de travail, suspendue à une chaînette en argent dépassant de sa ceinture, il prenait un malin plaisir à la sortir à toute occasion en la serrant entre ses doigts crochus. Goguenard, de l’autre main, il traçait sur ses joues une coulée de larmes chaudes en me souriant largement, comme si la pelure du temps le faisait pleurer malgré lui.

Bien plus tard, une fois que grand-père ne fut plus du monde des oignons comme de celui des hommes, je l’ai retrouvée dans l’armoire normande entre deux piles de gros draps brodés à ses initiales. Les aiguilles arrêtées indiquaient l’heure habituelle de sa sieste. Ce jour-là, j’ai senti que la montre-oignon m’irritait les yeux. Je l’ai saisie avec précaution avec le pouce et l’index. Je l’ai tournée, pile, face, ai épluché quelques souvenirs, cligné des paupières pour rafraîchir la brûlure, puis je l’ai reposée entre les draps avec un peu de mon eau pour qu’il en pousse d’autres.

27/09/2016
  • 2.10.19

Le jour a sorti ses flèches

Le jour a sorti ses flèches.

Réveillé par la vibration de l’arc
bandé entre ses oreilles,
il se sent à nouveau la cible
en même temps que le carquois.

Le jour a sorti ses flèches.

Il les entend siffler dans la rue,
une à une visant sa tête,
est-ce la mort qui décoche
ou juste de mauvais acouphènes ?
  • 30.9.19

Il fait un jour à se passer du regard

Il fait un jour à se passer du regard.
À écrire en mode automatique, les yeux fermés comme pour éprouver la fatigue du monde. En ignorant jusqu’au regard de l’autre, dire avec ce qu’il nous reste sous les yeux. Débris d’une nuit agitée, paroles qui suintent de quelque souvenir caché sous les substances et textures de l’ombre. Un tout réuni pour se laisser aller à de nouveaux motifs et courants insoupçonnés. Définitivement coupé de la lumière qui en dit trop.
Il fait un jour à se passer du regard.
  • 29.9.19

Ronde éternelle

Assise sur un banc, parc Clémenceau, une jeune femme regarde une série sur son téléphone. Tête baissée sur l’écran posé sur ses genoux, écouteurs dans les oreilles, rien ne vient perturber l’histoire qu’on lui raconte.
Pendant ce temps, un garçon hissé sur un vélo trop grand pour lui fait le tour du petit parc en empruntant les allées de sable. Il tourne sans fin, passe et repasse devant la jeune fille imperturbable.
Non loin de là, trois hommes dorment sur la pelouse, sacs à dos en guise d’oreillers. Eux aussi sont tranquilles et hermétiques aux passages du vélo dont les pneus trop neufs crissent sur les gravillons.
Dans cette ronde que l’on aimerait éternelle, le garçon semble être le seul à tenir le monde. Ainsi tournant de plus en plus vite pour en alimenter le cœur. Les autres sont ailleurs, éléments en gravitation, perdus dans quelques séries de rêves oux rebondissements narratifs inconnus.
  • 28.9.19

Sous les yeux

Il a sous les yeux
un infini de bleu,
poche d’ombres
et de coups.

Des bleus sous les yeux
répandus comme de l’huile
dans une vieille flaque.

Il me dit
sans lever les yeux :
avec la clope
que tu vas me donner,
ça ira mieux.
  • 25.9.19

Nos feuilles mortes

On cherche des lueurs
à ce début d’automne.

Un train passe, on le voit
depuis la terrasse de l’étage.

L’allée de cyprès le taille
en petits morceaux de tôle.

On cherche nos feuilles mortes
à coller sur chaque wagon.

Il fait encore trop chaud
pour faire de la buée sur les vitres.

13h50 #AuBureau
  • 24.9.19

Il fait un jour à chanter sous l’ombre

Il fait un jour à chanter sous l’ombre.
Comme celle-ci, posée ici sur mon chemin. Cette ombre sous le corps de l’homme avachi sur la table d’un café, la bouche ouverte et collée sur le formica noir. L’ombre de son corps sous la courbe de la fatigue. Et les pensées, que l’homme et moi avons du mal à dompter, vont et viennent dans les recoins de nos esprits. L’esprit, l’ombre et ce café où d’autres corps baignent ne font qu’une et même chanson. Celle d’un désespoir sans fond, celle de la réunion des mondes où chaque pensée est courbe, où chaque souffle est ombre.
Il fait un jour à chanter sous l’ombre.
  • 22.9.19

Le monde, cette fantaisie du regard

Le monde, cette fantaisie du regard
quand survient
le changement des couleurs,
que le paysage se taille
une part d’ombre et de cuivre.

Le monde comme tu veux le voir,
chaussé de verres déformants,
une réalité creusée par les rêves,
un petit espace de bonheur
caché sous la lunette du mensonge.
  • 21.9.19

Il fait un jour à vider le ciel

Il fait un jour à vider le ciel.
De toutes les traces laissées par les ivresses, se laver à grande eau avant la mort. Bouger les meubles. Oublier un instant les limites imposées. Garder pour soi les mots fragiles et la lumière traînante d’après tous les essorages.
Il fait un jour à vider le ciel.
  • 18.9.19

Fenêtre sur fenêtre

Il y a cette vieille fenêtre
que je vois depuis le bureau
à travers notre fenêtre ouverte.
Fenêtre sur fenêtre avachie
sur un pot de géranium mort,
aussi mort qu’est morte
l’antenne râteau
qui la surplombe sur son toit
aux tuiles lézardées et vert-de-gris.
Il y a cette fenêtre sur fenêtre
d’où sort toute la sécheresse de cet instant raté.

16h25 #AuBureau
  • 17.9.19

Il fait un jour à se laisser aller sous la robe de l’air

Il fait un jour à se laisser aller sous la robe de l’air.
Septembre s’installe et avec lui le changement progressif de l’air ambiant. Courant sous des feuilles, balayant la cime des arbres, rigolant sous nos nez, l’air et son grand cousin le vent prennent la place de l’imposante dame chaleur. On pourrait faire un poème de tout ce qui change dès qu’on pense à cet air qui nous touche. Mais septembre est aussi le premier de ces mois qui finissent en brrr. Ayons l’air de ne pas y penser.
Il fait un jour à se laisser aller sous la robe de l’air.
  • 16.9.19

Frissons et nouvelle rosée

Qu’un éclat de lumière
ferme la vue de la fenêtre
et tes yeux se mettent à courir
dans la chambre, à chercher
une ombre où apaiser le regard.

Tu brûles du dedans,
ta peau reste aux abois,
frissons et nouvelle rosée
sur l’écorce de nos mémoires.

Que l’éclat d’un souvenir
entrouvre nos draps défaits,
que tu parles un peu
de la lumière et de tes feux
et la joie s’empare de notre arbre.
  • 13.9.19

Comme un camion

Ici c’est la mi-journée,
un peu passée.
On dit : la bascule est faite
entre les heures écoulées
et celles encore à vider du sablier.

Ça ronronne comme un camion,
on dit ça, comme un camion
qui taille sa route sur le temps,
vrombissant à peine sur le bitume,
à pleine vitesse et en roue libre
jusqu’à l’heure de toutes les débauches.

16h10 #AuBureau
  • 12.9.19

Pluie de mouches

Il pleut. Les gouttes viennent s’écraser sur la vitre comme des grosses mouches. Tu les regardes éclater et tu imagines leurs abdomens glissant lentement sur le verre. Tu prends le fracas de la pluie pour une nuée sauvage, un suicide collectif. A cette pensée, tu esquisses un sourire et viens poser tes lèvres sur l’intérieur de la vitre. Tu embrasses à travers le verre chaque goutte qui glisse, chaque mouche qui meurt.

Il pleut. De plus en plus fort. Tu n’arrives plus à saisir de ta bouche chaque impact. Tes lèvres font l’effet d’une ventouse sur la vitre. Tu veux attraper toutes les mouches, qu’aucune n’en réchappe, les embrasser puis les avaler une à une pour mettre fin à leur souffrance. Tu t’énerves. Désormais, dans la précipitation, c’est avec ta tête que tu cognes la vitre : ça provoque un bruit lourd qui fait vibrer la fenêtre comme lorsque sonne le glas au beffroi du village et que les murs de la maison s’en font l’écho. 

Il pleut. Et tu n’en peux plus de chasser les mouches toujours plus nombreuses, toujours plus ruisselantes avec leurs abdomens putrides. Tu lèches la vitre. Ton front devenu rouge glisse de haut en bas et de bas en haut, frénétiquement. Tu deviens fou, ne veux plus voir, ne plus savoir cette hécatombe.

Il pleut. Tu t’allonges sur le rebord de la fenêtre, les yeux errant sur le plafond. Tu fermes les yeux. Ta respiration diminue. Tu t’apaises, laisses entrer en toi la musique de la pluie qui fouette la vitre. Une mouche, une seule, une vraie, se pose sur ton front. Tu t’endors. A moins que tu ne t’éveilles.

  • 11.9.19

Même bleu

On se couche frémissants
à l’idée d’une autre lune.

La nuit reste une attente,
perspective d’un autre ciel.

Pourtant le jour revenu
affiche un même bleu.

Avons-nous été autres
durant ces heures passées
sous la toile des rêves ?
  • 10.9.19

Cette odeur

La cheminée couve des cendres encore chaudes de la veille. L’odeur de fumée est vive. Elle se mélange à la poussière qui danse autour des gros rideaux en velours. C’est une odeur lourde, de bois calciné, de ces petites branches de frêne que tu as fait brûler en premier pour attiser le rondin de chêne un peu vert. Une odeur de forêt après un incendie qui aurait tout décimé ne laissant plus flotter que des relents de lichens et de champignons moisis. Elle est non seulement incrustée dans les murs jaunes, dans les tapisseries dont les motifs de fleurs ont fané, dans les meubles qui l’accueillent dans leurs interstices vermoulus et dans le sol en tomettes rouges patiné de suie, mais aussi dans ton corps flasque et fatigué, étendu sur ton lit de fortune.
Aujourd’hui, alors que le jour peine à percer les rideaux, il règne une atmosphère de trop-plein comme si cette pièce – ta chambre mais aussi ta salle à manger et ta cuisine – n’en pouvait plus d’être ce réduit de cendres, ce vieux cendrier froid.
Tu te lèves et ouvres la fenêtre. L’air frais du matin s’engouffre dans la pièce. Tu respires à grands poumons. La brume est basse. La campagne encore endormie te fait sentir son haleine fraîche. L’hiver lâche un grand rot dans la forêt qui te fait frémir et refermer la fenêtre.
Le courant d’air a ranimé la cheminée. De fines flammes lèchent l’âtre et embrasent le reste du rondin de chêne. L’odeur est maître de l’espace. Cette odeur, ton odeur que tu ne sens plus.

09/09/2017
  • 9.9.19

Derrière le dernier refrain

Il y a la radio qui crachote
des tubes du moment
sur des voix maquillées à l’auto-tune

et nous qui faisons
des passes d’armes
entre lassitudes et sifflotements,
éternuements et raclements de gorge.

Nos regards sombres
cherchent une lumière,
nos chagrins se cachent
derrière le dernier refrain.

Parfois, des pensées libres
s’évaporent de nos têtes
en formant des phylactères
dans lesquels on peut lire
tous nos dialogues secrets.

14h17 #AuBureau
  • 6.9.19

Longtemps j'ai voulu

Longtemps j’ai voulu être
aussi paisible qu’un chat
lorsque, roulé sur lui-même,
il dort d’un sommeil profond.

Longtemps j’ai voulu être
aussi libre qu’un oiseau
lorsqu’emporté par le vent,
peu lui importe le chemin.

Longtemps j’ai voulu être
aussi drôle qu’un singe
lorsque, soulevé par les anges,
il saute d’arbre en arbre.

Longtemps j’ai voulu être
aussi bien que mes pairs
alors que, dépeçant mes rêves,
je ne parvenais qu’à les imiter.
  • 5.9.19

Sandales ouvertes

Dans le parc
à midi
un enfant marche,
en marge du chemin ,
dans les premières
feuilles mortes.
Il frotte et racle
ses pieds
dans des sandales
ouvertes,
dans des sandales
vieilles.
Dans le parc
à midi,
un homme calé
sur son chemin
regarde avec envie
de le rejoindre,
ouvert
à toutes les vieilles
chaussures,
à tous les vieux
souvenirs.
  • 4.9.19

À l'orage

Dans la rue,
une air de fièvre
transporte les passants.

Le temps est lourd,
me dit ce vieil homme
qui peine et sue sur le trottoir.

Le soleil traverse le bitume
et ses yeux noircis,
la vieillesse est à l’orage.
  • 3.9.19

Quelque algèbre

tu
Tu repasses dans ta tête tous les théorèmes du monde. Tout ce qui régit l’existence et que tu ne comprends pas.
Ce soir, une fois de plus, il y a un ciel d’orage qui étouffe toute réflexion et ranime des équations électriques pour lesquelles tu ne trouveras jamais de solution.
Alors, tu sors dans le soir plein de lourdes constantes. D’abord, le vieux chien du voisin qui te grogne dès qu’il te voit. Dix ans que tu le croises ce clebs à poils ras. Il te connaît mais continue à vouloir sauter le grillage pour te mordre. Ensuite, il y a le trottoir et son pavé manquant que tu évites en descendant sur la route. Ce trou sur ton passage que personne ne veut remplir. 
Tu descends la rue vers le parc où tu as tes habitudes. Tu franchis le portail pour y accéder, haut et lourd avec son immuable grincement de ferrailles lorsque tu le pousses d’un même effort, d'une même lassitude, sans comprendre pourquoi on ne le laisse pas grand ouvert en permanence. Puis, tu rejoins la mare au centre du jardin à la française et ton banc où tu t’assoies pour ruminer quelque algèbre de la vie. Tu regardes les buissons alentour, taillés en forme de points d’interrogation et, dans l’eau traversée de carpes, le reflet noir de ton visage et de toutes tes questions.

02/09/2017
  • 2.9.19

Trois secondes sous l'ombre

1

La nuit arrive en traînant des ombres derrière elle. L'instant s’effarouche entre les bleus obscurs et inquiétants que laisse passer un arbre séculaire.

Rien n’abîme cette première seconde sinon l’aigreur du jour qui voit, sous le couchant, disparaître la splendeur de l’arbre.

2

Toi, tu restes sur le seuil à attendre l’orage sous le feu instable des éclairs. Les branches noires dressées en parafoudre te rendent à ta mélancolie sourde.

Pendant cette deuxième seconde, quelque part et sans que personne ne s’en émeuve, une âme trépasse de l’autre côté du monde où rien ne distingue le silence de l’ombre.

3

Un éclair fronce les sourcils du ciel, une onde écartèle un nuage rétif tandis que ta trace au sol s’efface comme s’efface celle de milliers d’arbres.

Ailleurs, flotte l’idée d’une troisième seconde trompant la première, prenant la nuit à rebours pour que l’arbre ne quitte plus son ombre, pour que nul esprit jamais ne disparaisse.
  • 27.8.19

Ombre de moi

Tu n’es plus qu’une ombre. Une tache noire sur le sol, à l’abri du figuier. Ta silhouette se découpe et flotte dans le soleil. Ectoplasme aux doux contours, tu épouses la terre. Ton corps déformé par la lumière se joint à l’ombre de l’arbre perchée sur les épaules. Tu es trapu et court sur pattes mais là au sol, rampant sous mes yeux, tu es une forme obscure et oblongue qui s’allonge sur l’ocre comme une coulée de peinture noire pénétrant la terre.
Je te regarde longtemps toi, l’ombre de mes jeunes années. Le figuier en totem et la bouche gorgée du vieux fruit aigre-doux, je te goûte au plus près, à ressentir sous mes papilles l’enfance perdue. Tu flottes évanescent sur mon paysage. Au passage d’un nuage, tu te divises en deux flaques molles pour revenir entier te caler sur l’arbre, une joue collée à la sève. Je te vois près de ton figuier t’endormir. Et le soleil de descendre derrière la colline en coulant une flambée rouge sur le jardin, et toi, feu mon père, tu apparais rouge sang, ombre de moi, puis disparais comme si le souvenir voulait se coucher.
Tu n’es plus qu’une ombre. Tu seras là tant que le soleil et le figuier.

08/03/2014
Extrait de "Rats taupiers", éditions des vanneaux.
  • 26.8.19

Attente en gare

Je me pointe comme chaque semaine à la gare de Béziers après une demi-heure de voiture. C’est l’hiver, dix-huit heures et déjà la nuit imprègne les murs du hall.
Peu de monde, c’est un dimanche nu de janvier, des dimanches où on ne voyage pas. Au centre, suspendu au plafond, l’afficheur des départs et des arrivées diffuse une lumière rouge agressive. La nuque dressée et les yeux plissés, je parcours les lignes fluorescentes, cherche le 18h12, de voies A à D, du quai 1 à 7. Le corail n°4578, c’est celui-là, c’est le mien, celui qu’il ne faut pas que je rate ! Retard annoncé qui clignote comme un avertissement de danger, c’est la seule indication : pas de voie ni de quai. Pour l’instant, l’afficheur reste muet, mon train n’existe que par son retard.

J’avance. Aucun banc dans cette grande salle, je cherche un endroit pour poser mes guêtres. Des locataires habituels entourent un pilier. Assis, ils étirent leurs jambes sur le sol crasseux. Ils sont quatre, deux hommes, une femme et un chien. On dirait qu’il n’y a que le chien de libre, eux semblent prisonniers volontaires, attachés au pylône, greffés par le dos et anesthésiés par les cannettes de bières qui jonchent le sol. Je fais pareil, me trouve un pilier et me tire un coca au distributeur.
Mon sac blanc de mataf comme moelleux coussin, je m’adosse au pilier voisin, juste en face des squatters avachis. J’en suis aussi, je suis des leurs, de ceux qui sont souvent dans des endroits de passage, à attendre. J’en suis, enfin presque, je les imite : eux n’attendent plus rien.

Et l’afficheur de bouger ses cristaux liquides, le retard n’est plus annoncé et une voix de crécelle percute les murs après trois notes de musiques monocordes : « le train corail N°4578 entre en gare quai n°1 voie 7, éloignez-vous de la bordure du quai, ce train dessert… ». Narbonne, Carcassonne, Toulouse Matabiau, Bordeaux-St-Jean… Litanie de villes qui m’éloigne déjà de mon pilier. Je ne bouge pas, pas envie. L’annonce est à nouveau diffusée, complétée et dans son impulsion double l’effet de langueur. Le billet, ne pas oublier le compostage obligatoire. Il faut partir seul, l’accès aux quais est réservé aux voyageurs. Une chance, on peut dormir, le train couchette est disponible voiture 6. En face, les squatters ne bronchent pas, ils dorment et le clebs me regarde. Soudain, la voix se tait mais le silence des murs est brisé. Le train glisse dans la gare dans un grincement de métaux lourds et un ronflement d’air pulsé bat sous mes pieds. Il est 18h25. Je ne bouge toujours pas. Le chien vient vers moi, langue pendante, tourne autour du pilier et s’assoit sur mon sac. Il n’attend rien, moi non plus.
Et si je ne partais pas ?

12/07/2010
  • 25.8.19

Entre la salière et le poivrier

Il y a ces mots sur la table posés entre la salière et le poivrier. Des mots sur un papillon de papier griffonnés au dos d’une enveloppe entre les vagues du timbre oblitéré. Tu as testé la mine de ton stylo, fait quelques vagues entre les vagues. Toujours à essayer d’endiguer les creux par des secousses. Tu as retourné le papillon, pris le stylo entre tes doigts tremblotants. Le pouce a ripé une première fois, je le vois au trait fuyant de ton premier R. Une ligne d’abandon, une main qui hésite. Le reste est pour nous deux, un mystère que l’amour n’aura jamais éclairé. Des mots débordés, des mots affolés que j’ai lus avec ta voix dans la tête, une voix au timbre rocailleux, un fossé entre les lettres. A chaque espace et saut de ligne, à chercher le sens, je me suis perdu. A vouloir toucher ton esprit, je n’ai trouvé que l’âpreté du manque. Quelques mots posés sur la table entre la salière et le poivrier.

16/04/2017
  • 22.8.19

Il fait un jour à éviter les plaintes

Il fait un jour à éviter les plaintes.
De peur qu’elles n’en engendrent d’autres. On sait que ces bêtes copulent entre elles, enfantent des abîmes. Alors au lieu d’user ses pensées sur la toile cirée des emmerdes, il est temps de passer l’éponge. Et vlan, comme dirait l’autre. Se remettre à table et sucer les petits bonheurs jusqu’à la moelle.
Il fait un jour à éviter les plaintes.
  • 21.8.19

Il fait un jour à boire du vin sans fin

Il fait un jour à boire du vin sans fin.
Un jour où le noir s’étend du dehors vers le dedans. Où les idées frôlent d’autres idées bien plus dangereuses. Jeu d’ombres distillées, fraîchement sorties de l’alambic à pensées. Où l’on peut voir en cinémascope une morne et longue plaine dérouler un vent fatigué avant d'arriver devant ce grand canyon rouge prêt à nous rompre le cou. Une sorte de voyage à faire monter le taux de mélancolie dans le sang.
Il fait un jour à boire du vin sans fin.
  • 17.8.19

Clair comme l’eau du puits

Entre deux orages d’été, par un temps de serpillère mouillée, tu rinces le trottoir d’une eau claire tirée d’un puits imaginaire. Tu redresses les géraniums ébouriffés par le vent, jettes sur eux un regard de compassion. Le rouge fané des fleurs chamboule tes rêves. Le ciel en colère renverse l’horizon. Te voilà le cœur javel, les pieds dans l’eau et un grêlon coincé dans la gorge, à ressasser le beau temps d’hier et les harmonies du ciel.

Un voile dans les yeux, tu fixes l’arc-en-ciel dans le caniveau. Tu balaies les scories d’un passé qui persiste à fixer les couleurs de manière identique. Le trottoir sera bientôt sec et ne reflètera plus rien que le vide de tes pensées désordonnées. Le grêlon tombera dans ton ventre et fixera le fiel. Jusqu’au prochain grondement où l’espoir reviendra, clair comme l’eau du puits.

05/07/2014
  • 16.8.19

Au bord

On est au bord,
dans un état liquide.
Le temps semble plat.
On teste nos réflexes
un pas vers l’autre,
un bras levé,
un regard qui dit,
juste
pour être ensemble,
pour vivre un peu plus,
pour qu’existe l’instant
par ce que nous sommes.
  • 12.8.19

Il fait un jour plein de la lumière des autres

Il fait un jour plein de la lumière des autres.
La lueur des gens heureux que l’on voit au fond des yeux venir manger nos visages ; celle lueur-là aime à se balader sans heurt parmi les autres dont l’humeur tombe trop souvent comme des paupières lasses
Elle résiste à toutes les épreuves, au mauvais temps qui va et qui se pose sur nos joues mais aussi aux petits abandons qui longent les routes et toutes les tristesses qui les traversent.
Il faut s’attarder près d’elle, en prendre régulièrement des surdoses, s’y exposer longtemps pour recharger les sourires.
Il fait un jour plein de la lumière des autres.
  • 11.8.19

Il fait un jour à chercher sa bouée

Il fait un jour à chercher sa bouée.
Un autre jour, une autre nuit avec leur même port où s’amarre le mystère. De longs bateaux au large, tous feux allumés et cette bouée qui frissonne à peine entre les deux.
Le port et la bouée : voilà l’image ou du moins ce qu’il en reste dans l’humidité des draps après ce rêve orageux.
Il fait un jour à chercher sa bouée.
  • 7.8.19

Vague relevé estival #1

Plage de Palavas-les-flots
5 août 17h30, température de l’air 27°, de l’eau 22°, soleil voilé.

La plage est clairsemée de serviettes avec différentes personnes humaines posées dessus.
Ces serviettes dessinent des formes : en étoile, en carré, en rond. Toutes sortes de figures semblent possibles.
Les personnes posées sur les serviettes ont un corps muni de quatre membres, comme on pouvait s’y attendre. Chaque membre évolue en fonction de l’activité du corps. Les pieds bougent peu tandis que les mains sont très actives et dévolues à différentes taches relativement communes sur la plage : tenir un livre ou un téléphone étant les deux plus répandues.
À l’extrémité haute des corps. une tête aléatoirement coiffée d’une casquette, d’un chapeau ou avec des cheveux de couleur et de longueur variables.
On peut observer que certaines personnes quittent momentanément leur serviette pour se rendre à l’intérieur de la mer à proximité. Les pieds, ici, ont une grande importance puisqu’ils semblent jouer un rôle de traction pour amener le corps jusqu’à l’eau. Une fois dans l’eau, le corps disparaît presqu’entièrement. On note cependant que la tête reste majoritairement hors de l’eau, qu’elle dispose d’un couvre-chef ou pas.
Une fois dans l’eau, il est important de mentionner que le corps semble encore se mouvoir compte tenu du déplacement des têtes que l’on peut apercevoir au gré des vagues. Toutefois, le mode de déplacement depuis mon poste d’observation n’a pas pu être identifié à ce stade de l’étude.
Il n’en reste pas moins que le corps sort de l’eau comme il est entré, à l’aide de la force motrice des deux pieds effectuant à tour de rôle des pressions sur le sable, d’abord à l’intérieur de l’eau puis sur la terre ferme afin de rejoindre sa serviette.
On peut alors s’assurer, une fois que la personne a regagné sa serviette, de la véracité du théorème : tout corps plongé dans l’eau ressort mouillé.

J’en étais là de mes constations sur l’étude de l’humain en été sur le bord de la plage qu’une sphère rouge, certainement composée de quelque matière plastique dure, vînt heurter ma tête suspendant, par la violence du choc, la poursuite de mes retranscriptions.
  • 6.8.19

Il fait un jour à écarter ce qui fait trop de bruit

Il fait un jour à écarter ce qui fait trop de bruit.
Dans l’attente de pouvoir s’entendre, je fixe le front de l’aube. Je lui intime d’apaiser son feu pour éteindre le vacarme du jour.
Je sais qu’elle n’en fera rien. Que je devrais être forteresse au milieu des mers d’ombre pour ne plus entendre les vociférations du monde.
Et je sais, encore aujourd’hui, que prendre ta main s’avèrera la meilleure île.
Il fait un jour à écarter ce qui fait trop de bruit.
  • 5.8.19

Le béal

Au village, je me demande
si coule encore ce ruisseau
couleur olive qui longeait
la rue droite vers la rivière.

On le nommait : le béal.
Simple canal d’irrigation,
de Besal ou Bial en Occitan,
langue qui coule dans nos bouches.

Au village, je me demande
si des enfants y font encore
naviguer ces petites embarcations
faites de feuilles mortes et de souvenirs.
  • 4.8.19

Il fait un jour à s’allonger sous les mandariniers

Il fait un jour à s’allonger sous les mandariniers. 
Parce que le fruit rond et doux. Le jus dans la bouche et l’ombre sous les branches.
À la fois douceur et âpreté. 
Parce qu’aussi et surtout Babx et sa chansons entêtante dans laquelle il accompagne Omaya s’endormant paisiblement sous les mandariniers. La ritournelle trotte dans ma tête comme la mort dans sa lancinante terreur, si bien qu’elle en devient pure beauté. Parce que la mort, la guerre et deux boutons de rose qui font écho aux deux trous rouges du Dormeur du val.
Il fait un jour à s’allonger sous les mandariniers.

-



A savoir plus sur l'origine de la chanson : https://poussiere-virtuelle.com/omaya-chanson-babx/
  • 2.8.19

Il fait un jour à fuir vers l’enfance

Il fait un jour à fuir vers l’enfance.
« L'enfance contient les ruines du futur », disait Pirotte qui très vite arrêta de fréquenter sa mère qui ne comprendrait rien à ses rêveries poétiques. Mais l’enfance, il la garda en grande sœur de route.
Comme lui, fuyons la mère et gardons l’enfance. Arrosés de pluie et de vin, tapons des pieds dans les flaques. Égarons nos crottes de nez sous les tables. Giflons l’adulte puis embrassons-nous sur la bouche pour la première fois au fond d’un bois. 
Il fait un jour à fuir vers l’enfance.
  • 31.7.19

Qui l'eût grue

Sur le toit du bureau
à fumer ma cigarette
et le soleil au plus haut.

En face, deux grandes grues
balafrent le bleu peroxydé,
elles tremblent légèrement.

À moins que ce soit moi,
mon regard qui tremble
quand j’aperçois cet oiseau perché.

Moineau ou hirondelle,
trop loin je ne sais dire,
peut-être est-ce une petite grue.

Grue sur grue, ce serait incongru.

13h44 #AuBureau
  • 30.7.19

Il fait un jour à oublier ses clefs quelque part

Il fait un jour à oublier ses clefs quelque part.
Ou plutôt un jour à faire semblant d’oublier ses clefs quelque part et se retrouver seul dans la ville. Un dimanche où les rues sont sans lumière aux vitrines, où les stores sont baissés, sans consommation possible autre qu’un verre à une terrasse de café. Un jour à oublier d’avoir fait semblant d’oublier. Un jour à se faire croire que tout peut recommencer ailleurs, sans rien à devoir rouvrir. Un dimanche où il serait doux d’à nouveau te rencontrer.
Il fait un jour à oublier ses clefs quelque part.
  • 28.7.19

De l’autre côté d’un décor de cinéma

Tu sais, parfois, j’ai envie d’aller me perdre de l’autre côté d’un décor de cinéma.
Ça me prend les jours de pure perte, quand je ne sais plus pourquoi je me suis levé ni si ça vaut vraiment le coup de se coucher. Ces jours-là, il y a toujours un soleil plus blafard que les autres jours, un vent qui fait semblant de souffler et des heures qui semblent tourner à l’intérieur d’une montre molle. Là, je croise un clochard assis sur un trottoir ou quelqu’un qui s’y rapproche et derrière lui, je le vois, ce décor de cinéma dans lequel je voudrais rentrer.
Ça peut être un vieux mur effrité ou une vitrine clinquante de supérette ou encore je ne sais quelle clôture qui encercle un parc où il fait bon se promener mais aussi – et je dis ça parce que c’est cela qui revient le plus souvent – le mur de ma chambre derrière lequel je pense toujours à toi.
  • 26.7.19

Il fait un jour à chasser le Dahu

Il fait un jour à chasser le Dahu. 
Prenons nos rêves pour des bêtes sauvages. L’imaginaire comme seul poids sur nos ailes. À flanc de montagne, allongeons les chimères. Moquons-nous de la peur qui se dresse. Chatouillons nos angoisses pour rejoindre l’animal dans ton regard, celui que l'on n’a jamais pu capturer. 
Il fait un jour à chasser le Dahu.
  • 25.7.19

Quand je suis entré dans ce bar

Quand je suis entré dans ce bar, j'ai bien senti venir le traquenard. Ils étaient deux, accoudés au zinc en train d'écluser un gorgeon. A leurs yeux bordés de rouge vif et de larmes sèches, j'ai bien vu qu'ils n'en étaient pas à leur première tournée.

Un étranger qui entre dans un troquet d'habitués, c'est un chien dans un jeu de quilles. Soit il se fait accepter d'entrée de jeu et c'est le strike, soit il se la joue limonade au citron et il peut s'assurer une soirée à jouer la cible au jeu des fléchettes.

Par chance, la limonade me donne des ballonnements alors que le whisky me calme les convulsions intérieures.
Je fus accepté dès le premier verre comme un des leurs, même si eux tournaient au petit jaune sans glaçon. D'entrée, la parole fut libérée et les agapes liquides pouvaient débuter. 
Au fil des heures, mes yeux commencèrent eux aussi à pleurer des larmes sèches, de celles qu'on coule que pour nous et qu'on garde sous les paupières au cas où on aurait besoin de pleurer plus tard. Parce que pleurer pour les deux gaillards, c'était pas mentionné sur l'ardoise.

En revanche, après le dixième verre ou peut-être s'agissait-il du douzième, le flot de leurs paroles perdit le sens de la retenue en même temps que la prononciation des voyelles — un peu comme quand votre correspondant au téléphone passe sous un tunnel. La conversation vira de bord, des sentiments profonds surgirent du fond des verres comme s’il s’agissait de la partie immergée d'un iceberg.
L'un d'eux évita le naufrage en demandant la note au patron. L'autre, noyé dans ses consonnes, ne fit aucun cas de la demande de son camarade ni de mon état, accroché à mon tabouret comme à la poupe d'un bateau en pleine tempête. Et d'un coup sec, il tapa sur le comptoir : « Bon maintenant, hips, allons au bois dégager les écoutilles ! ».

24/07/16
  • 24.7.19

Il fait un jour à sauter dans un nuage

Il fait un jour à sauter dans un nuage.
Agrippé au bleu du ciel, corps à la recherche de l’oasis blanche. Se laisser dériver par l’humeur du vent. Trouver le bon, gros et moelleux avec un goût de vanille un peu épicée. Y plonger tête la première. Goûter, dormir, goûter à nouveau etc. Et ne plus redescendre que pour raconter l’histoire à ses petits-enfants.
Il fait un jour à sauter dans un nuage.
  • 23.7.19

Que me dit cette vague

Que me dit cette vague
qui s’échoue à mes pieds
comme une bouche de chien ?
Que veut-elle exprimer
qui n’a jamais été dit ?
Qu’est-ce qui la rend si singulière
pour que je m’y attarde ?
Violence ou beauté ? Les deux ?
Ou bien est-ce simplement
parce qu’elle est la dernière.
  • 21.7.19

Il fait un jour à s’assoir sur un banc

Il fait un jour à s’assoir sur un banc. 
Un banc au milieu d’un parc avec ses pigeons qui se disputent quelques quignons de pain. Un banc à lire. Un banc à regarder l’ordinaire se dérouler, nous rouler dessus. Ignorer pour un temps les batailles et ne pas penser à la métaphore qu’affichent les pigeons affairés à se prendre le bec, comme nous le faisons trop souvent. Un banc à chercher des éclaircies à qui parler. 
Il fait un jour à s’assoir sur un banc.
  • 19.7.19

On n'a pas tout compris #3

Ces phrases dont le sens échappe au commun des mortels mais qui parfois ne manquent pas de poésie :
- Faut-il s’inquiéter quand il y a inscrit « néant » sur la feuille ?
- Il refuse l’EAS. Fais-le partir en W.
- On va compter les points à l’arrivée.
- C’est pas moi ! C’est un préop !
- Fais-moi un RHR fictif.
- Il n’y a pas d’incident d’origine.
- On en parle parce que sinon on va se retrouver avec des oignons à Narbonne.
- Toulouse me demande si tu as des chambres ?
- Ce serait bien que les GOF se parlent entre eux.
- Ce n’est pas ma faute si j’ai une marche mal montée.
- On devait pourtant rentrer une patte sur deux.
- Zut ! J’ai du hors-quai en queue !
- J’entame ma treizième FÉM de la journée.
- Et 18 personnes en rupture pour Marseille !
- On va reconstituer les JS.

14h07 #AuBureau
  • 18.7.19

On a rouvert les fenêtres

On a rouvert les fenêtres
pour que l’air balaie nos visages.

De la rue on entend des voix
sous le murmure du tramway.

Une mouette égarée s’offre
une pause sur le toit d’en face.

Un enfant éclate de rire
et un ballon de baudruche.

Il ferait presque doux.

15h58 #AuBureau
  • 17.7.19

Il fait un jour à soutenir les ombres

Il fait un jour à soutenir les ombres. 
Nous devrions courir après les arbres. Les sauver des cueilleurs et des bûcherons. Préserver les longues branches que le vent balance. Nous devrions nous liguer contre les climatiseurs. Courir nus dans les prés jusqu’à ce que la soif nous étreigne. S’allonger et dans l’ombre d’un saule pleureur attraper ton sourire. 
Il fait un jour à soutenir les ombres.
  • 16.7.19

Le parasol

Le vent secoue le parasol.
De la cour remontent des odeurs
de viande et de poisson grillés,
de crème solaire au lait épais.
Le vent retourne le parasol.
Baleines à l’air, son squelette s’ébroue.
De la mer remontent le rire des enfants,
le claquement des bouées sur l’eau,
le rebond des ballons,
le bruit des raquettes
et la chaleur qui crie sous les casquettes.
Tout un lot de souvenirs de tous les étés
comme un parasol tombé dans ma tête.
  • 14.7.19

On n'a pas tout compris #2

Ces phrases dont le sens échappe au commun des mortels mais qui parfois ne manquent pas de poésie :
- Je monte le sillon et je te rappelle.
- On le fait W dans la marche.
- Ah ça y est ! Ils donnent les dépêches.
- Est-ce que vous connaissez la longueur d’un 3 caisses - 4 caisses ?
- Toulouse ne peut pas couvrir de Narbonne à Carca.
- Il y a un trou dans la raquette.
- Tu le commandes en rade à Nîmes.
- On va produire des difficultés de production.
- Cet accélérateur digital permettra de gagner du temps.
- Attention, les évolutions ne sont pas couvertes.
- Pour le 712, tu fais toujours ta coupe ?
- Non, j’ai pas de réserve.
- C’est du BGC, chérie !
- On va transborder au 506.
- Tu fais la rotation ou tu restes sur place ?

15h29 #AuBureau
  • 12.7.19

Repriser

Malgré la fatigue des gestes,
les renoncements mal assumés,
le désarroi qui parfois affleure,
ne pas toucher le bleu du fond.

Faire avec les fissures de l’âme
comme si on reprisait nos frusques,
chercher l’aiguille dans la botte,
ne pas avoir peur d’espérer.

14h27 #AuBureau
  • 11.7.19

La rue se gondole

On dirait bien que le rue se gondole au soleil. On voit au loin son chemin se vriller sur lui-même comme une vis sans fin. C’est l’effet du soleil, un mirage dans nos yeux. Sûrement mais pourtant, la rue souffre aussi bien, aussi mal que nous. De la chaleur et de bien autres affections.
La terre qui la porte garde la mémoire des températures, du temps qu’il fait comme du temps qui va. Sous ses pierres, une immensité de pensées fiévreuses accumulées en autant de strates qu’elle a de douleurs. On dirait bien que la rue se gondole sous l’effet de la somme de tout ce qu’elle a perdu – du très chaud jusqu’au très froid, du très dur jusqu’au très doux – et qui restera irremplaçable.
  • 10.7.19

Personne ne voit

Personne ne voit
ces légers tremblements
sous nos paupières
entre deux francs cillements,
entre deux respirations.

Personne ne voit
ce fourmillement du rêve
quand le cœur ne suit plus
son mouvement quotidien,
quand il sort de nos corps.

14h22 #AuBureau
  • 9.7.19

Il fait un jour à s’énerver comme un chat maigre

Il fait un jour à s’énerver comme un chat maigre.
Tout est à ras de peau. La fleur, longtemps qu’elle est fanée. Les nerfs se pelotent entre les oreilles à chaque mot qui y entre. Il suffit de dire Bonjour pour que la paranoïa s’installe : pourquoi Bonjour ? Et pourquoi il serait pas bon mon jour ? Tu crois peut-être que le tien sera meilleur que le mien ! Tu veux m’encourager ou juste me signifier que ton jour est le plus beau ?
D’accord, calme-toi et embrasse un arbre.
Il fait un jour à s’énerver comme un chat maigre.
  • 8.7.19

Avant le sommeil

L’été bâille sous un ciel de lait.
J’entends râler les caravanes
et à l’intérieur des voitures,
la fatigue trimballe des corps
aussi blancs que le ciel.
Au fond du bruit, des remuements
que la saison affectionne :
quelques insectes sans eau,
des brindilles crissent,
un chien hirsute jappe mollement
et cette vague plus véloce
que les autres
les observe chuchoter.
Il n’en faut pas plus
pour que le sommeil m’écrase.
  • 7.7.19

On n'a pas tout compris #1

Ces phrases dont le sens échappe au commun des mortels mais qui parfois ne manquent pas de poésie :
- J’attends que la journée remonte et te rappelle.
- Je fais La roue tourne et je m’en vais.
- À la voie 4, tu ne peux ranger que deux fois deux engins ?
- Je te fais le Must mais tu me le devras.
- Il faut vigiler l’Aubrac.
- On va attendre la PS comme l’espoir.
- Attention, ça génère de la PHQ !
- On coupe à Narbonne.
- On force à Nîmes.
- Tu penses pas qu’il vaut mieux le laisser ouvert le 250 demain ?
- Vérifie tous les A4 pour les Grau-du-Roi.
- Première porte de queue, côté mer.
- À partir de Béziers, ils sont deux dessus.
- La patte cassée : on fait le 206 dessus.
- On fait Avignon en US.
- On fait des intermédiaires ou pas ?
- En opérationnel, on renforce pas ça.

16h03 #AuBureau
  • 5.7.19

Histoire de bureau

On raconte des histoires de bureau,
quelques blagues dont on prend
plaisir à resucer le souvenir,
juste des sourires pour s’offrir
une pause dans la journée.

Tout le monde connaît la chute,
certains même la révèle avant la fin.
Ça rajoute un sourire aux sourires.
Il nous plaît de rire de nous-mêmes,
d’oublier pourquoi on est encore là.

16h38 #AuBureau
  • 4.7.19

Il fait un jour à faire sauter les frontières

Il fait un jour à faire sauter les frontières. 
On pose des barrières sans s’en rendre compte. Même si elle ne sont que voiles, elles n’en sont pas moins frontières. Frontières que sont nos manières de se vêtir ou se dévêtir, de parler, de rire, de pleurer, de s’aimer, de voir et d’entrevoir. Barrière que c’est d’être. Le monde et nous à distance. Heureusement, il y a toujours ton regard qui m’approche. 
Il fait un jour à faire sauter les frontières.
  • 3.7.19

Prendre le temps

Prendre le temps
(comme si on pouvait le saisir)
revient à s’acharner
à vivre aussi follement
qu’un poème prétentieux,
à vider sa tête des parasites,
en somme à rester sourd
à tout ce qui est trop pour l’homme
en cherchant ailleurs
ou dans une autre réalité
ce qui pourrait le sauver.
  • 2.7.19

On pourrait

On pourrait ignorer
au moins quelques secondes
ce désespoir qui file
entre les tables.

Rentrer nos têtes,
attendre que ça passe,
se faufiler entre les foudres
de ce soleil qui tuent nos nuques.

Arrêter de croire
que tout est perdu,
tendre un peu d’optimisme
entre les branches de nos arbres morts.

On pourrait.

19h04 #AuBureau
  • 1.7.19

Il fait un jour à tailler les oreilles du drame

Il fait un jour à tailler les oreilles du drame.
Sous la colère, des pavés de gloire oubliée. Tout le monde y va de sa présence sur une terre de plus en plus petite. Retirons nos gros sabots, étendons nos jambes sur le sable chaud. Parlons de cette goutte d’eau qui sèche sur ton cou.
Il fait un jour à tailler les oreilles du drame.
  • 30.6.19

Il fait un jour à se rouler nu dans l’herbe mouillée

Il fait un jour à se rouler nu dans l’herbe mouillée. 
Mais la rosée n’existe plus depuis que les petits matins sont livrés au sommeil. Surgit dès lors l’envie entêtante d’un long champ couché sur l’aurore, d’un ciel miroir à ses herbes humides, de terre verte entre les orteils, de mantes religieuses sur le dos pour seule dévotion. Que du vert où se baigner, l’esprit abandonné à une chanson d’été. 
Il fait un jour à se rouler nu dans l’herbe mouillée.
  • 26.6.19

Écrire ici

Écrire ici s’apparente
à écrire à la table d’un bistrot
avec le tintement des verres,
les éclats de rires,
l’intensité des voix
aussi variable qu’est
notre attention au monde.
Écrire ici est comme
écrire dans un zoo humain
où chacun semble vivre
en se fichant éperdument
des autres animaux.
Écrire ici, contraint à rattraper
les mots, à les rassembler
dans un panier percé,
procure souvent un doux vertige.

13h55 #AuBureau
  • 26.6.19

Scoliose

On aimerait s’allonger,
soulager les corps
qui assis se tordent
dans l’attente d’une scoliose.

La maladie nous parle
de folies, de vieillesse
qui compte les points
retraite comme des coups.

16h16 #AuBureau
  • 25.6.19

Il fait un jour à mordre du bois

Il fait un jour à mordre du bois. 
Tant de possibilités entre terre et ciel que les bras m’en tombent et mes jambes coupées dansent d’un dernier soubresaut. Voilà le tronc à abattre. À filer la métaphore forestière, je me perds dans la clairière. 
Il fait un jour à mordre du bois.
  • 25.6.19

Il fait un jour à retenir les vagues

Il fait un jour à retenir les vagues.
Des crabes avancent en marche avant. Tout fout le calme. Le vent est mort. Vive le vent ! On peut approcher du bord du monde, seulement si on le veut. L’eau est verte comme une prairie. La plage est morte. Vive la plage !
Il fait un jour à retenir les vagues.
  • 24.6.19

Il fait un jour à repeindre nos visages

Il fait un jour à repeindre nos visages.
Des yeux roulent et se lèvent dans le ciel. Un peu de bleu, un peu de vert pour rehausser le gris qui empoisonne. Un tableau réussi se juge à l’émotion qu’il provoque. Ici rien ne surprend le vol des goélands sur le fade des terrasses. Ton sur ton, la mer bave sur le ciel. Il n’y a plus qu’à inventer des paysages parallèles, inviter la montagne à se baigner, main dans la main avec quelques rêves.
Il fait un jour à repeindre nos visages.
  • 23.6.19

Écume

Le ciel
toujours le ciel
nargue la mer.

Échange de bleu
sous le regard moqueur
des vagues.

Écume d’yeux
enclins à battre
toutes les mesures.

On restera là
ni trop près ni trop loin
à essuyer les larmes.
  • 22.6.19

Taisez-vous !

Cet oiseau fou
qui crie dans ma tête
quand le grondement des voix
autour de moi monte,
voix contre voix gagne et monte
comme monte une migraine
comme l’animal guette sa proie.
Taisez-vous !
Je ne sens plus battre le vide,
je ne m’entends plus me taire.

15h19 #AuBureau
  • 21.6.19

Épeler

Il y a toujours ce trou
d’où le vide remonte.

Vacuité du mouvement
des doigts sur le clavier.

Les regards s’épuisent,
ne se croisent même plus.

J’épelle quelques mots
que je n’écrirai jamais.

16h39 #AuBureau
  • 20.6.19

Nique la police

Par la fenêtre,
toujours ce regard errant.

Le mur d’en face
et ses graffitis qui flottent.

Reflets de mes mirages,
gentille excursion dans l’irréel.

Et ce « nique la police »
qui danse sur une mare de soleil.

16h27 #AuBureau
  • 19.6.19

Condamné

Tout est condamné
à rester sourd.

Il va de nos envies
comme de nos désillusions.

On avance sans
croire au chemin.

Nos corps aveugles
sous raison bâillonnée.

15h30 #AuBureau
  • 18.6.19

Pixels

On écrit des mots identiques
sur des écrans formatés.

Écriture si impersonnelle
qu’on ne sait jamais qui écrit.

Qui dit quoi au travers
de ces pixels sans âme

alors que peu à peu
meurent nos paroles.

16h08 #AuBureau
  • 17.6.19

Manège

Le soir tombe
sur une première ombre,
laquelle le snobe en filant
sous un rayon de soleil.

De l’autre côté du balcon
on aperçoit le même manège,
à qui sera le plus rapide
pour tirer les vers du jour.
  • 16.6.19

Regardons ailleurs

On apure peu à peu
ce trop plein de tensions.

Il se peut qu’à un moment
nous soyons heureux.

La semaine fait craquer ses doigts,
regardons ailleurs.

Vendredi est un seau,
le vider et la joie reviendra.

15h10 #AuBureau
  • 14.6.19

Bulles intimes

On se cale
sur les battements
de l’autre.

Nous, l’autre
et l’espace ouvert,
la ventilation régule nos valvules.

L’arythmie nous guette,
on la prévient
en resserrant nos bulles intimes.

17h46 #AuBureau
  • 13.6.19

Propre vide

Le jour a du mal à se tenir
entre tables et écrans.

Il avance à tâtons, bute
et titube dans les couloirs.

Certains tentent de le guider,
de le relancer d’un sourire.

Rien n’y fera, il tombera
happé par son propre vide.

17h03 #AuBureau
  • 12.6.19

Ronger les angles

La plupart du temps,
tout se passe
comme il n’était pas prévu.

C’est souvent mettre
des carrés dans des ronds
en rongeant les angles.

Nos dents en gardent l’usure
tant reste serrée la mâchoire
sur nos certitudes.

13h13 #AuBureau
  • 11.6.19

Quelques soleils

On attend l’été des terrasses
et des pins parasols.

Sous les soupirs pointent
quelques soleils à ressusciter.

Mais le nuage est plus gros
que nos échevelés espoirs.

On attend l’été des avoirs.
  • 10.6.19

Habiter

La lumière baisse,
on dirait que s’installe
l’automne en juin.

Les lampes de bureau
une à une s’allument
sur nos visages fermés.

La pluie nous sourit,
il faudra habiter chaque goutte
pour à nouveau respirer.

16h45 #AuBureau
  • 7.6.19

Oscillo-battant

On a laissé
une fenêtre
ouverte
en oscillo-battant.

Quelque chose
se trame
dans les interstices
de nos voix.

Tapant le vantail,
levant la torpeur,
l’air malgré son courant
est toujours vicié.

16h50 #AuBureau
  • 6.6.19

Même

On pointe aux mêmes heures
dans les mêmes sourires feints.

On traîne à la même machine à café,
le regard rivé sur la même horloge.

On ouvre les mêmes écrans
où nos yeux déplient les mêmes cils.

On ne peut rien nous reprocher
sinon ce même délit d’habitude.

16h23 #AuBureau
  • 5.6.19

Mirage

On voit une nuée d’oiseaux blancs
saillir au loin des pyramides.

Puis on rentre ce mirage
dans nos corps recourbés.

On suit des arbres bouffis
trouer de joie un pré à l’herbe rase.

Mais on reste dans nos têtes
à chercher d’autres couleurs.

16h52 #AuBureau
  • 4.6.19

Pesanteur

Tandis que je cherchais
le moyen le régime
qui feraient maigrir mes mots,

voilà que s’ouvre la fenêtre
dans un courant d’air parfait
pour oublier l’instant

et sa pesanteur.

16h55 #AuBureau
  • 3.6.19

Cinémascope

Le ciel ne respire plus.

L’humeur du jour
est aussi sanglante
qu’un film de Tarantino.

La mer ne danse plus.

Au loin se battent
un otage et son ravisseur
pris dans les filets du diable.

Le scénario ne tient plus.

Il faut réparer le cinémascope,
remonter les scènes
qui croupissent au fond de l’eau.
  • 1.6.19

Promesse

Le mistral tape à la vitre
et force nos têtes folles.

Il faudra beaucoup
de café long et fort
pour combler l’attente,

pour faire de ces heures repliées
une promesse au vent
de taire nos atermoiements.

15h35 #AuBureau
  • 29.5.19

Ouvrir un visage

On cherche tous à goûter
un sourire qui ferait poème.

Même si nous ne sommes pas ici
pour compter nos peines.

Chacun pourtant les porte
dans son visage fermé.

En ouvrir ne serait-ce qu’un seul
pour que le jour ne soit pas vain.

18h18 #AuBureau
  • 28.5.19

Verte voix

Un lundi après les urnes
ne se vit qu’en taciturne.
Vague noire contre vague verte,
chacun y va de son adverbe.
Je me dis qu’il vaut mieux
garder la réserve
tandis qu’un collègue
déclare à verte voix :
J’ai la flemme de ne rien faire.

16h20 #AuBureau
  • 27.5.19

Château de sable

On n’a plus grand chose à offrir
à l’enfant qui vient jusqu’à nous
gonfler son envie de vivre
si ce n’est ce sourire un peu las
de le savoir sur nos pas
à chercher la joie
dans le grand plat de la vie.

On n’a plus grand chose à offrir
depuis qu’il ne saute plus
sur nos genoux,
depuis qu’il a pris le parti
d’être plus grand que nous.
Dans quelques années, il verra
ce château de sable qui vit en nous.
  • 25.5.19

Vraiment peu

On accueille
devant sa porte
les refrains du printemps.

Le ciel
enfin bleu
caresse nos espoirs.

Il en faudrait
vraiment peu
pour s’aimer vivre.

Écrire un regard
et laisser la lumière
tenir ses promesses.
  • 22.5.19

Vagues anciennes

On voit la mer
changer de temps,
changer de rôle.
On voit s’arrondir nos dos,
souvenir des vagues anciennes
et quand elle perce
à jour nos complaintes,
on voit rouler
sur nous toutes les pertes.
  • 20.5.19

À tâtons

On entend un enfant à l’étage,
son rire courir dans la pièce,
puis l’eau couler dans son bain.

Quand le rire glisse vers les pleurs,
on sait la bouche pleine de savon,
la mousse dense qui pique l’œil.

On sait ces instants aveugles
à chercher à tâtons la main
d’une mère plutôt qu’une serviette.
  • 18.5.19

De nous

Et oublier
de nous
ce que nous sommes

De nous,
la singularité
passée à la trappe.

De nous,
ce qui fait joie,
légèreté et sincérité.

Déchirer le contrat,
recommencer.

15h43 #AuBureau
  • 16.5.19

Balancement

Toujours ce balancement
intérieur, extérieur.

D’une part, nos têtes vides
qui disent Oui bien sûr
et pensent Non vraiment.

De l’autre, la cime de l’arbre
qui dans son déhanché
dit à la rue Oui mais non

Calmez-vous.

16h32 #AuBureau
  • 15.5.19

Tsss Ouille Pong Floc Ouiii

Parler une langue
que tout le monde comprend
même si pour ce faire
on doit convoquer
borborygmes
et onomatopées
pour faire passer le message
Tsss Ouille Pong Floc Ouiii
et ne pas terminer ses...
Laisser le corps s’exprimer.

13h07 #AuBureau
  • 14.5.19

On joue

On joue des stores
pour ajuster nos humeurs.

On joue des épaules
pour garder nos places.

On joue des sourires
pour cacher nos douleurs.

On joue toujours
à être quelqu’un d’autre.

Tandis qu’autour,
on cherche en nous
ce qui n’est pas du jeu.

16h14 #AuBureau
  • 13.5.19

Quelque angoisse

Il y a des jours comme ça
où l’on voudrait juste caresser
le vent qui passe sur les nuages.
Faire glisser nos doigts
comme dans des cheveux fous,
pour calmer le ciel
et ses atermoiements.
Mais voilà quelque angoisse
nous impose ses règles,
nous laisse croire
qu’on ne sait pas voler.
  • 12.5.19

Un peu de soi

On a encore reçu
des pelletées
de vent
sur nos visages ouverts.

Cette année,
mai est une langue
gouailleuse
qui dévore tout nuage.

On aimerait
entendre nos voix
dans ce tumulte,
y glisser un peu de soi.
  • 11.5.19

Gogo

Il faudrait se rendre
à l’évidence et ailleurs,
un peu plus loin,
hors de nos zones intimes,
pour comprendre
que chacun ne se bat
que pour lui,
que l’unité « corporate »
prônée par certains
n’est qu’un instrument marketing
pour gogo élevé à trop peu
d’assurance de soi.

15h50 #AuBureau
  • 10.5.19

Regard perdu

Grands pins et lilas
par la fenêtre
balancent leurs longs bras.

Regard perdu
à fouiller leur ouvrage,
à la recherche d’inspiration.

Au dedans, les paupières expirent
sous les fausses collines vertes
des économiseurs d’écran.

16h37 #AuBureau
  • 9.5.19

Bonnes pratiques

Vous devriez vous référer
au guide des bonnes pratiques.

Le nouveau en version 6.1,
la 6.0 étant obsolète.

Les pratiques d’hier
ne sont plus les bonnes.

C’est noté mais sachez-le :
je suis souvent impraticable.

17h53 #AuBureau
  • 6.5.19

La couleur du jour

Le vent prend dans ses bras
les plis et replis de la mer.

La couleur du jour
pourrait être mauve
si on s’attardait
sur les couches de suie
laissées par la nuit.

La couleur du jour
pourrait être fauve
si on prenait le vent
dans nos bras,
si on le plaquait sur le sable.
  • 5.5.19

Si ce n'est

Mes pensées bougent
d’un coin à l’autre de la pièce.

Quelqu’un passe sur mon regard,
vague silhouette grise.

Le monde s’agite autour de moi
mais rien où fixer mon esprit.

Si ce n’est cette mouche prise
entre la vitre, la colère et mon souffle.

13h40 #AuBureau
  • 3.5.19

L'ombre qui grandit

Un rayon de soleil
sur le coin
d’un bureau vide

comme si on voulait
souligner l’absence :

Ici manque
un individu
à son poste

— regardez l’ombre qui grandit.

Empressez-vous
de la combler avant
qu’il ne soit trop tard.

16h15 #AuBureau
  • 2.5.19

Ondulation

Si on regardait les jours
défiler sous les arbres,

s’abriter des ombres
que les branches agitent,

ce serait rendre
nos vies plus rassurantes,

débarrassées de tous
les soleils qui aveuglent,

ici au calme précieux
de l’ondulation du temps.
  • 1.5.19

Se faire silence

Au-delà du bruit,
il faut se faire silence.

À l’intérieur,
ne plus penser à rien,
laisser la place
à l’imprévu vagabond.

A l’extérieur,
agir comme un automate,
travailler à la chaîne
tout ce qui peut se huiler.

16h58 #AuBureau
  • 30.4.19

À répandre

La désuétude éclate
sous les bureaux où
s’entassent nos vieux papiers.

Ici on coule dans la masse
toute vacuité comme vérité
à répandre jusqu’à l’infini.

En résultent tonnes de feuillets,
notes et diagrammes fragiles,
obsolètes dès qu’ils touchent le sol.

16h25 #AuBureau
  • 29.4.19

Silence orphelin

Sur la mer ce matin,
un voile de brume
aussi léger
qu’un battement de cil.

La proue d’un bateau au loin
creuse le silence orphelin
des goélands partis
rejoindre quelque naufrage.

Brisure du temps,
souvenirs éparpillés
sur le tapis du salon,
encore du sable sous les dents.
  • 27.4.19

Vieille rue

Une nouvelle fois, le jour a recouvert la rue de lumières. Allumeur de vie, fossoyeur des ombres, le voilà guilleret qui parcourt les trottoirs à vouloir encore gagner sur les mélancolies. Il y parvient, parfois. Les belles heures, au plus haut du soleil, sont pour lui. Mais, la plupart du temps, personne n’est dupe de ces agissements. Tout cela n’est qu’un masque pour nous cacher les affres de la rue ; pleine d’une durée accablante et déprimée par l’usure de la pierre, elle ne se pare que de dentelles factices. Qui voudra bien y voir, démontera la supercherie, dénichera dans ses recoins, le cancer qui la ronge.
Toi, vieille rue qui se maquille, outrancière et improbable, veule et mensongère, tu retourneras à la nuit qui est ton véritable monde, celui des passages étroits et des impasses, des murs que l’on ne franchira jamais, des portes qui n’existent pas. 

  • 26.4.19

À la faim

À partir de dix-huit heures,
on se demande si on mange ici,

au bureau,

car c’est l’heure
où la faim pointe les ventres.

Je réponds que non,
je mange chez moi,
merci bien,
c’est gentil de proposer,

comme tout bon
misanthrope mondain*

18h35 #AuBureau

*C’est ainsi que se qualifiait le regretté Jean-Pierre Marielle
  • 25.4.19

Trop haut

Au vent qui pousse
des cris d’orfraie,

on répond avec
des claquements de porte.

Courants d’air
dans nos oreilles,

témoins affligés
de notre vie de peu,

on va causer trop haut
jusqu’à vingt heures.

16h30 #AuBureau
  • 25.4.19

Sous le mascara

Relevant la tête
de son téléphone,
lequel lui sert de miroir,

ma collègue me dit,
dans un sourire
un peu triste :

Mon liner
est mieux tracé
que mon avenir.

Poésie fugace
et minimale
passée au mascara.

19h34 #AuBureau
  • 24.4.19

Gargouilles

Autant s’y faire,
nous ne sortirons pas d’ici.

Notre vie professionnelle
n’intéresse personne.

Faire carrière
ne veut plus rien dire.

Sinon à casser les pierres
des murs invisibles
qui nous emprisonnent.

Nos têtes tapent dessus :
autant le savoir, ils rient tous
comme des gargouilles.

10h47 #AuBureau
  • 24.4.19

Je griffe

Je suis derrière toi à griffer tes cheveux. Mes ongles ont durci avec les années. A force, ils sont devenus de véritables peignes à chasser les angoisses. Je griffe, masse et biffe le temps sur ta crinière folle. J’ai les doigts enroulés dans un poème. J’en tisse quelques vers tandis que s’allonge ta nuque au fur et à mesure que ma main traverse ton crâne. Je peigne et tu es le métronome. Chaque passage donne la note et la cadence, de la fourche à la pointe. Gestes maintes fois repris, gestes imprimés dans nos mémoires, gestes de retrouvailles quand les mots s’épuisent à trop vouloir dire. Je griffe, tu tends le cou. Je griffe, tu lèves les épaules. Jamais compris comment ces gestes sont venus à moi, pourquoi ils sont devenus rituel. Ils sont là spontanés, descendus de l’instinct animal, besoin primaire que personne ne pourra plus jamais nous retirer. 
  • 22.4.19

Pas vraiment

On se reproche des choses
qui n’existent pas vraiment.

On suppose des choses
qui n’existent pas vraiment.

On dit des choses
qui n’existent pas vraiment.

On pense des choses
qui n’existent pas vraiment.

On finit des choses
qui n’existent pas vraiment.

On cherche des choses
qui n’existent pas vraiment.

On écrit des choses
qui n’existent pas vraiment.

On subit des choses
qui n’existent pas vraiment.

En définitive, on sait qu’ici
on n’existe pas vraiment.

17h03 #AuBureau
  • 19.4.19

Rebelles

Aussi bien que moi,
ma collègue de gauche
et mon collègue de droite

savons que nous avons
en commun cette colère
rebelle sur les tâches ratées,

que nos petites frustrations
enfouies sous nos enfances
ne nous quittent jamais

mais, nous n’en dirons rien
trop occupés que nous sommes
à jouer aux adultes responsables.

15h08 #AuBureau
  • 18.4.19

Soupirs

Entre écrans et claviers
passent quelque soupirs,

songe du jour
qui prépare la nuit.

ou

agacement d’un rien
qui détoure les tensions.

Rien ne dit vraiment
ce qui se trame dans nos têtes.

Souffler est un effacement.

17h55 - #AuBureau
  • 17.4.19