La rue lève les yeux au ciel. Lasse et les cernes lourds, elle semble vouloir en vain chasser ces gros nuages noirs qui lui font de l’ombre. À moins qu’elle ne songe à demain, aux combats qu’il faudra mener pour garder la tête haute. Ses trottoirs se froncent comme des sourcils. Son front se ride de venelles sombres qui viennent encore alourdir son moral.
Elle aimerait, elle aussi, prendre d’assaut les rondpoints où les feux réfléchissants de la colère n’en finissent plus de brûler. Elle souhaiterait, elle aussi, avoir le pouvoir d’achat des belles avenues, scintiller de guirlandes électroniques multicolores, de neige synthétique où glisse le traîneau des plus riches. Mais voilà, elle n’est qu’une rue de province, parée de nains vieux et paresseux qui se balancent mollement en haut de ses réverbères. Elle clignote un peu mais sans joie, juste pour donner le change à cet avenir qui l’aveugle.