La question

La lumière lécha un jour la tapisserie ornée de grosses fleurs et dans son reflet se posa la question. Dans la lueur, elle variait, tournoyait, pollinisait et finit par s’installer. 
La question naquit ici, dans la chambre de l’enfant. Elle y grandit taraudant les fleurs comme l’esprit.
Bien plus tard, je revins dans la maison aux fleurs fanées, berceau de la question, tournant autour comme le fit autrefois la lumière. Depuis, je suis ce derviche sans repos.
  • 29.10.23

La question

La question ne se posait plus. Mais elle rôdait dans les contreforts de la mémoire, ressemblait à une vieille bêtise d’enfance dont on aurait oublié l’importance et qui revenait de temps à autre sous forme de souvenirs. De bons ou mauvais souvenirs ? C’est bien cette réponse que la question ne portait plus. 
En attendant, elle était devenue cette chaussette sale oubliée sous un meuble. Il y a bien un moment où il faudra pousser le meuble et la découvrir.
  • 26.10.23

La question

Il se posa la question à six heures du matin et, étrangement, n’obtint pas la même réponse que la veille dans l’après-midi. Il se posa la question à minuit, à midi, les réponses étaient encore différentes. Les réponses semblaient vivre de façon autonome, sans la question. À côté, très proches, mais sans tenir compte du propos initial. C’était comme demander l’heure et répondre qu’elle était ronde ou s’enquérir de la santé d’une personne et s’entendre dire qu’elle était blonde. 
Il finit par ne plus se poser la question.
  • 24.10.23

L’hiver sera long

Elle lui dit qu’elle ne va pas passer l’hiver là, à tourner en rond. Que c’en est trop, ça suffit, basta !
S’ensuit une longue attente, le téléphone collé à l’oreille, bouée à laquelle elle s’accroche. Elle écoute son correspondant longuement essayer de la calmer. 
Hiver. Pas ici. Non. Trop. 
Elle place des mots du bout des lèvres, des débuts de colère pour l’entrecouper qui tombent de sa bouche en pure perte. Le téléphone sur sa joue est une île, un coquillage seul sur cette île ou une poignée qui n’ouvre plus rien. Elle raccroche. 
L’hiver sera long sur le balcon.
  • 21.10.23

Qu’est-ce qu’on en parle

À bien regarder son œil en spirale 
La fenêtre s’en va seule profonde
Découvrir les dessus et dessous du ciel
On ne sait rien des lignes qui fuient
Des plis replis contournements et garde-fous
Pas plus le chemin que la finalité
Nos regards plongent en elle en lui en quoi ?
On ne sait rien mais qu’est-ce qu’on en parle
  • 18.10.23

Ça glousse dans les allées

Ça glousse dans les allées. Les voix se mélangent, se sautent dessus mais lentement. À la faveur des bruits, à l’octave près, on se constitue des paroles. Les mots vont avec les gestes. L’ouverture du portail automatique allume son gyrophare, puis les chaînes cliquètent comme s’il s’agissait d’un pont-levis. Les clés de la voiture sont sonores, elles aussi. Deux alertes rapprochées, bip, bip et un éclair entre les voix porte haut dans la brume du soir. Portail, télécommande de clés, autant de sons quotidiens, formules et babils naissent et disparaissent. Grave et sombre, c’est la bascule dans les allées. La nuit gagne et écoute.
  • 16.10.23

Devant derrière

Le jour a pris le premier pull qui venait. Là au pied du lit, sans réfléchir. L’a mis à l’envers, devant derrière si bien qu’il a le col dans le dos, l’étiquette visible sur la nuque. 
Ça donne un ciel ébouriffé avec des joues creuses, sans allure et avec des poils de nuit dans les yeux. Rien qui ne donne envie de l’embrasser. Voilà un jour né d’une couleur mal réveillée, d’un mauvais pastel. Pas même gris. Grège, mélange de malgré et de fausse neige. Je vais me recoucher.
  • 14.10.23

Je vois le rouge

Je vois le rouge sur le toit qui monte, rampe entre les tuiles. Le ciel tient une lampe, m’impose un silence dans le brouhaha du soir. Tient une lampe sur les rires de deux enfants sortant d’une voiture, têtes et pieds en avant dans le même désordre, deux boules de feu dont l’énergie déborde de la rue. 
Je vois le rouge sur le toit qui monte avec la grâce des heures d’automne lorsque le soleil pour son coucher, descend lentement,  descend sur les enfants encore en chahut comme pour les border.
  • 7.10.23