Débrayage

Quand le moteur du jour débraye, jeter une pensée espiègle dans le cambouis du ciel en soudant d’un regard une ombre grasse, en décalant d’un doigt les rouages d’un nuage ou en freinant d’un soupir l’effacement naissant d’un arbre ; puis s’en remettre au sommeil des bêtes sans vraiment comprendre à quoi rime toute cette mécanique.

2017
  • 11.6.25

Aux heures où

Regarder l’envers de l’instant 
qui rôde entre deux averses.
Y voir une nuée de lèvres tendues
comme autant de baisers à voler
ou au contraire un vol de corbeaux
qui se confond dans une cape d’ombre ;
à moins que ce soit la même et seule vision
avec laquelle il faudra compter demain
aux heures où tu te crois poète.
  • 3.4.25

À leurs oreilles

J'entends les enfants
chahuter depuis la fenêtre

leur voix, dans la rue gelée,
former des ronds de fumée.

Quelque souvenir s’y cogne
comme les années sur mon visage.

Une ride de plus quand la mère
crie à la soupe à leur oreilles rougies.
  • 28.1.19

Extrait de L'instant à côté - Éditions du Cygne

Derrière la naïveté des nuages,
une pâle douleur se contient
entre deux brassées de ciel
aux couleurs surmenées.

Elle cache un visage inconnu
à la peau flétrie par les âges
qui ressemble à cette pomme
sur la table restée à l’air libre.

Avec un rien d’acide en plus
quand on y plante les dents,
un relent de sucs mal digérés
par l’estomac du monde.

*

Extrait de L'instant à côté paru le mois dernier aux Editions du Cygne
http://www.editionsducygne.com/editions-du-cygne-instant-a-cote.html
  • 4.10.18

Parution de « L'instant à côté » aux Éditions du Cygne

Parution de « L'instant à côté » aux Éditions du Cygne. Le recueil est désormais disponible en ligne auprès de l’éditeur > http://www.editionsducygne.com/editions-du-cygne-instant-a-cote.html

Extrait de la préface rédigée par Dominique Boudou :

Des rumeurs passent, venues de la ville. Voitures et motos dans les mirages. Cigales ou grillons au cœur des fatigues. Lampadaires comme des promontoires pour les mouettes égarées. Les trottoirs mêmes sont en sueur quand la rosée perle mal.
Puis la mélancolie rabat les vagues en lisière du chagrin. Les oiseaux sont pris en tenaille entre le ciel haut et le ciel bas. Il faudrait vivre pourtant. [La fenêtre même a envie de lumière]. Il faudrait saisir la langue étrangère de l’instant tout en répudiant [les joues du crépuscule] et [les peurs enfantines à l’heure du coupe-gorge].
Mais comment s’y prendre avec les plis et les déplis du visible, ses envers et ses revers ? Comment venir à bout du rouleau des questions ? Se croire poète suffira-t-il ?



  • 10.9.18

Ivre

Ivre, le jour tremble,
à la joue une couperose
jusqu’au bout du nez
que la nuit va moucher
entre deux nuages épais
comme des piliers de bar.
  • 30.12.17

Couturier

Une fermeture éclair
pour le trou dans mon nuage.

Deux points de laine bleue
pour réparer l’accroc du froid.

Sourire au cri d’un enfant
pour rapiécer le creux de la vague.

Raccourcir les ourlets de brume
tombés aux chevilles de l’étang.

Tailler les ombres au couchant
pour évaser l’encolure du vent.

Bref, j’ai passé l’après-midi à recoudre le ciel.

  • 28.12.17

L'envers

Regarder l’envers de l’instant qui rôde entre deux averses. Y voir une nuée de lèvres tendues comme autant de baisers à voler ou au contraire un vol de corbeaux belliqueux qui se confond dans une cape d’ombre ; à moins que ce soit la même et seule vision avec laquelle il faudra compter demain aux heures où tu te crois poète.
  • 25.12.17

Meurtrières

Le jour saigne
les dernières heures
d’avant l’ombre

et toi tu joues
à compter les morts
derrière la vitre.

Sur ta peau,
des meurtrières
par où regarder
les défuntes.
  • 23.12.17

Un peu de rouge sang

Aujourd’hui est une faim coincée dans le ventre de la semaine. Il lui faudrait un morceau de viande à cuire pour apaiser la lumière trop crue, un peu de rouge sang pour assouvir quelques pulsions carnivores.
À défaut, les heures se tordent, cherchent à se mettre quelque chose sous la langue, rôdent dans les rayons surgelés du temps pour sucer un vieux nuage ou gober un trait tordu dans le ciel. Un petit larcin pour calmer les contractions du jour.
  • 20.12.17

Mécanique

Quand le moteur du jour débraye, jeter une pensée espiègle dans le cambouis du ciel en soudant d’un regard une ombre grasse, en décalant d’un doigt les rouages d’un nuage ou en freinant d’un soupir l’effacement naissant d’un arbre ; puis s’en remettre au sommeil des bêtes sans vraiment comprendre à quoi rime toute cette mécanique.
  • 18.12.17

Un symbole

Un chemin dans le ciel s’embrase,
trace une ligne au reflet mouvant.

On pourrait y saisir un symbole,
conserver cette seconde éternelle

pour que chacun en fasse un souvenir.

  • 16.12.17

Coup de feu

Au loin, un coup de feu sans raison.
L’arbre frémit et lâche un oiseau apeuré.
Un chien fatigué aboie au silence d’après.
La voisine à la fenêtre tire à elle ses volets.
Sur la grève, une vague éclate dans l’ignorance générale.
Rien en somme que l’instant ne retient.
  • 13.12.17

Au bord d'un café noir

On a voulu tremper la lune
dans le ciel le plus sombre,

asseoir la nuit sur la digue
comme au bord d’un café noir,

décocher un sourire pour voir
si l’espoir ricochait dans l’eau,

puis on est partis sans rien dire,
une mélancolie sucrée sur les lèvres.
  • 10.12.17

Déjà-vu

Sous ces airs de déjà-vu, voilà la nuit qui descend prendre son verre quotidien. Cul-sec, vider le jour sans que personne ne puisse rien y changer. La nuit est une vieille ivrogne. Une sangsue qui pompe la lumière chaque soir, accoudée au zinc. Et le pire c’est que, dès la première ombre, le crépuscule remet la sienne.
  • 8.12.17

A ces deux mouches

A ces deux mouches qui se rencontrent sous la lampe, je voudrais dire la tendresse de l’approche, les jeux d’enfants dans la cour d’école quand elles se cherchent des ailes, mais aussi l’automne qu’elles provoquent dans la main du soir
  • 8.12.17

Peau flétrie

Derrière la naïveté des nuages,
une pâle douleur se contient
entre deux brassées de ciel
aux couleurs surmenées.

Elle cache un visage inconnu
à la peau flétrie par les âges
qui ressemble à cette pomme
sur la table restée à l’air libre.

Avec un rien d’acide en plus
quand on y plante les dents,
un relent de sucs mal digérés
par l’estomac du monde.
  • 7.12.17

Une idée ?

Accrochée à sa faible lumière,
une idée balance les pieds

d’un nuage à un autre nuage,
ne sachant que faire du regard

que porte sur elle des milliers
d’autres idées qui puent des pieds.
  • 2.12.17

Chair de houle

Percée par une lumière trop crue,
la mer frémit au survol de l’oiseau.

Une chair de houle te surprend
redoutant la vague puis le silence,

cette larme déposée sur ta peau
entre battements d’ailes et d’écume,

entre l’instant fixé et sa fuite,
entre la lumière, la mer et toi.
  • 30.11.17

Vocabulaire à cordes

Parfois l’instant est si fragile qu’il parle une autre langue.

Pour le saisir, il faudrait d’autres mots que les siens, un vocabulaire à cordes que l’on pourrait frotter, une musique avec des notes aussi rondes qu’affûtées.

Mais tout verbe est lent, isolé dans son sens premier. A peine émis il est démis, achevé par sa propre vanité quand il s’agit comme ici d’un instant qui s’enfuit.
  • 27.11.17