Un jour, je n’ai plus entendu ton rire. J’avais beau relire tes lettres empreintes d’un humour fin et intelligent, sourire dans un souffle de nostalgie à tes calembours, à tes saillies teintées d’un léger cynisme, je ne discernais plus ta voix. Je n’entendais plus tes éclats de rire d’autrefois, si singuliers, si réels à chaque mot que j’avalais goulûment. Avant, je te lisais de tellement près que tu apparaissais entre les lignes. Chaque texte de toi me promettait l’ivresse, chassait l’angoisse comme chaque printemps balaye l’hiver. Longtemps, je me suis enfoui dans ta correspondance. Quand les jours étaient trop lourds à porter, j’ouvrais au hasard une lettre de toi et c’était à nouveau te faire rire à gorge déployée, voir s’ouvrir ta bouche, ta nuque se tendre, ta tête basculer en arrière, ton corps se secouer de spasmes, ta langue se dévoiler dans ton palais, entendre et entendre encore ce rire résonner dans la pièce et enfin te voir surgir face à moi, tellement présent.
Mais, un jour, je n’ai plus lu ton rire. J’ai lu l’absence. C’en était fini. Je t’avais trop lu. J’avais cessé de te faire rire.
- 29.4.17