Je me souviens que lors du bal du samedi soir, nous mélangions le punk des seventies avec nos rythmes new wave du moment. Nous « pogotions » comme des fous. Le pogo était une « danse » consistant à se jeter sur son prochain en faisant de grandes enjambés de kangourou en rut. Un grand coup d’épaule à votre voisin sur le refrain de « close to me » et il rebondissait sur le comptoir déversant des dizaines de gobelets plastiques de bières kronenbourg. Ainsi, imbiber d’houblons pouasseux, il revenait à la charge en vous écrasant le pied de son 45 fillette coqué.
Le pogo et la new wave post-punk nous permettait le défoulement le plus total et dans notre village de quelques milliers d’âmes, nous passions pour des rebelles de haute volée. « Ah, ces jeunes d’aujourd’hui, tu sais que quand même pfiou… » marmonnaient les grands-mères assises sur le muret dominant la piste de danse. Le « pfiou » exprimait tout leur désarroi devant cette danse de sauvage. « Ils ne dansent pas, ils sautent et en plus, ils gâchent la bière» répondaient leurs maris accoudés au bar.
A la fin de la soirée, nos doc martens souillées de boue et de liquide jaunâtre, nous peinions à rentrer nos carcasses aux épaules usées. Titubant sur le dernier slow des Scorpions, les cheveux toujours hirsutes, nous finissions flasques sur le banc du jardin public. Certains vomissaient la kronembourg malmenée dans leurs estomacs par les secousses « pogotantes ». D’autres rêvaient de finir la soirée avec Annie Lennox ou Dave Stewart suivant leurs appartenances sexuelles. Au petit matin, la bouche pâteuse, nous fredonnions de concert un « such a shame » emprunté à Talk Talk.. Dégrisés, nous retournions penauds vers nos maisons redoutant les explications à donner à nos parents encore fans des pas aseptisés du Madison.
- 30.9.09