Rien vraiment ne bouge

Rien vraiment ne bouge 
quand la pluie prend les pensées. 
Pas même l’onde des flaques
quand sautent des bottes d’enfants. 
Seuls quelques craquements  
dans la respiration des vieux meubles. 
Seuls quelques mots vagabonds
dans le passage des ressassements.
Mais rien vraiment ne bouge.
  • 28.4.24

J’ai fait le compte

J’ai fait le compte avec moi-même des petites espérances, des derniers soupirs, des pièces à raccrocher au mauvais wagon, des chances de trouver un trèfle à… (ai laissé tomber l’idée des quatre feuilles). 
Refais, encore, parfois, le chemin à l’envers ; comme un touriste, je pousse des oh et des ah, des bof aussi, sur les images qui passent au format carré, grêlées ou un peu fanées. 
Fais, défais le monde, croise, décroise les jambes ; ouvre, corne, crayonne lentement un livre et bâille souvent (trop) sur les bancs publics en regardant tomber l’été.
  • 24.4.24

Un ciel de fin de semaine

Le ciel a de gros yeux, l’air fatigué et un teint de cancéreux. C’est un ciel de fin de semaine avec son paquet de soucis sous le bras. Ce genre de ciel qui fume des Gitanes maïs et sent fort de la bouche. 
Il oublie son bleu, vire au rouge qui tache, un temps se cache, puis réapparaît en faisant mine de ne pas goûter à son amertume, à son envie de se tirer loin sous un autre hémisphère. 
Le ciel fait le fier derrière ses gros yeux. Il n’avouera rien. Je l’entends marmonner dans sa barbe : quoi ? Qu’est-ce que t’as à me regarder comme ça ?
  • 19.4.24

Drôle de son

Dimanche fait un drôle de son dans ma tête, aussi dense que l’harmonium résonnant dans l’église, aussi pesant que le silence suivant sa dernière note. 
Je glisse à la fois mystique et mécréant dans ce jour de trop de lumière. Dans cette patte molle dont on fait le pain. Amen. Je serai son claviériste ou son ostie, à ce drôle de son qui court dans ma tête.
  • 14.4.24

Ce garçon

Ce garçon croisé sur le trottoir. À son visage, à son regard, je l’ai reconnu. Comme revient un mal de tête pour un ancien migraineux. La maladie de l’enfance avec ses médecins déguisés en gendarmes, les injonctions et les poncifs, les mots lancés sans discernement et dans les oreilles neuves, leur poids de pierre. Oh ! Aucun bâton, ni de joues ou de fesses rouges, non, pas de maltraitance visible à l’œil nu mais une maladie qui pique le dedans et continue de dire : qu’est-ce que je fais là ?
  • 8.4.24

Le jour fait ses valises

Le jour fait ses valises. Déjà descend son souvenir que le soir tout à son ombre fabrique.
Plus besoin de nuit. Quand tout part trop clair, trop loin, dans le ciel l’œil invente ses obscurités.
Tu es dans les nuages, dit la mère pour qui le jour ne fait que revenir, revenir sans saveur ni voyage. 
Redescends tes idées plus près du sol, marre d’éponger tes effusions lunaires. 
Finis ta soupe, range ton sac et va au lit.
  • 4.4.24

Toujours une voix plus haute

La rue a ses paresses qui comblent l’existence.
Propices à l’allongement des jours et des jambes. 
Mais toujours une voix plus haute que les autres perce, va et brise calme vociférant d’on ne sait où. 
Face obscure d’une lune gibbeuse, elle prend toute la place, tous les murs à son ombre, ceux aux oreilles comme les autres. 
Fabrique des échos, tape les murs, s’agite sur des cordes, rend le ciel zinzolin, agite la tête de notes dégingandées. 
Il y a toujours une voix plus haute et la tienne, tu ne l’entends plus.
  • 1.4.24