Qui dans la nuit me chausse

La fenêtre suffit à éclairer, les choses et mes pas
Qui dans la nuit se chaussent, seul le réverbère sa clarté 
Tranquille son souffle discret n’aveugle personne 
Dans la nuit me chausse, doucement dans l’attente du jour 
Aux heures pareilles à des ombres, il est ma fenêtre  
Le réverbère suffit à éclairer, les choses et mon monde petit
  • 31.3.23

Le jour n’est pas fini

Le jour n’est pas fini, pourtant je le pousse
Pour m’assoir à sa place, découvrant le repos 
J’imagine un feu de cheminée, le froid sur le nez
Un bon livre caché sous un mauvais, j’organise le cliché
Le jour n’est pas fini, c’est le printemps pas de feu
Pas plus de froid que de cliché à consommer 
J‘écris pour rien, juste pour que les jours continuent de finir
  • 29.3.23

Vénus

C’est faire confiance aux étoiles que de se promener la nuit
Quand on en voit aucune, même pas celle du berger 
C’est faire abstraction de soi, un instant ne pas exister 
Chercher l’œil d’un passant interlope, ne pas lui parler
Mais savoir qu’on pourrait être lui, d’un seul souffle 
Prendre le trottoir comme territoire, les étoiles à la nuit
  • 28.3.23

Que dire de ce mur douché de soleil

Que dire de ce mur douché de soleil
Sinon qu’il réchauffe le ventre
Coule lent en moi

Le gobe par les yeux bouche nez pores
Caméléon je change de couleurs 
Me fonds dans le mur voudrais être le mur 
S’il n’avait pas en lui l’impasse

En lui le soleil qui se retire déjà
En lui les ombres qui montent
Pores yeux bouche nez
La faille la sienne la mienne
qui dans le ventre font siphon sans fin 

Que dire de ce mur douché de soleil
Que dire que je ne sais garder
  • 26.3.23

J’ai balancé de la mémoire sur les murs

J’ai balancé de la mémoire sur les murs 
Comme de la peinture noire matière brute 
Morceaux épars sans queue ni tête  
Pensant que quelque chose reviendrait
Vers moi aggloméré dans une balle 
Contenant passé présent et briques d’avenir  
Oui j’ai pensé en forme de balle une histoire
Avec ses halètements et ses temps morts
Ses joies et ses terrassements
Bien entendu, c’est ce qu’il s’est passé 
J’attends juste qu’elle arrête de rebondir
  • 25.3.23

Pas plus gros qu’une pièce d’un euro

Le jour fuit d’un trou pas plus gros qu’une pièce d’un euro. Je sais qu’il faudrait appeler pour mettre de la résine avant que le plan qui s’affiche en cent quatre-vingts degrés devant moi ne se fissure. Mais je laisse couler, passer la lumière avec la musique. Je me dis que ce serait bien de pouvoir juste le déplacer, le trou, le glisser aux quatre points cardinaux, à ma guise, pour entendre comme ça, tout le jour et du côté de mon choix, couler la lumière et la musique. 

(Ce texte est disponible sur fut-il.net, n’oubliez pas le .NET)
  • 23.3.23

Ainsi les bruits quotidiens

Ainsi le grincement des volets
Ainsi la ventilation des toilettes
Ainsi le claquement du robinet
Ainsi le bavardage de la machine à café 
Ainsi le ronflement du frigidaire 

Les bruits quotidiens sont des éponges 
Ils naissent au matin pour absorber 
La nuit et l’épreuve que c’est d’aligner
Le corps la tête la folie à ses ergots 
Pour raccrocher ce qui fuit à la réalité
Pour qu’en soi le jour soit plus acceptable
  • 22.3.23

Jusqu’aux premières fenêtres

Le ciel noir descend sur les murs jusqu’aux premières fenêtres. Les étages n’existent plus, pris dans un brouillard dont on ne connaît pas le nom. J’ai en secours du regard une petite entrée au rez-de-chaussée qui demeure allumée. Une ampoule nue y brûle jour et nuit, derrière la porte. Elle est une veilleuse dans la nuit noire, point de lumière pour qui ne trouve plus de lampe. Je pense à la soupe que l’on gardait autrefois pour le pauvre hère. On n’a plus qu’un rai de lumière à lui offrir. Je pense à ça, au ciel qui descend et au pain noir trempé dans la soupe.
  • 21.3.23

Avec son allure de témoin

Cet homme avec son allure de témoin, de Jéhovah ou de quelque autre religion 
Que lui-même peine à identifier, je lui laisse la liberté d’esprit 
De croyance à qui il voudra vouer son temps 
À ainsi errer dans la rue, une mallette de représentant
Sous le bras et des tracts et le trac quand il me tend tremblant  
Sa prédication, de bonne foi qui appelle à me sauver
Tant qu’il est encore temps, répète-il en s’éloignant 
Tant qu’il est encore temps, cet homme timide fervent me plait bien
  • 20.3.23

La rue rouillée

La rue rouillée de calme tourne un mauvais film. La caméra balaie du flou, là-bas au fond se débat un personnage que personne ne voie. La rue rouillée tremble. On entend la caméra grincer, un à un bute sur des engrenages grippés. L’image ne démarrera pas. Elle n’est pas sûre, son cadre est trop imprécis, son silence trop plein. Là-bas au fond, j’attends une histoire qui ne viendra pas.



  • 19.3.23

10 minutes, jardin du Champ-de-mars

La ville est belle 
Chaque jour les rues sont plus belles
L’éboueur sur son smartphone
prend une pause
Bien méritée la ville est belle
L’éboueur a rendu la ville belle
Il peut se reposer 
Prendre la pause 
Côté passager du camion-benne
La ville est belle 
La vie belle sur ton smartphone
Calme et benne
Puis accélère puis ralentit
La ville est belle 
Prends la pause
  • 18.3.23

Un long manteau triste

Elle sort avec la nuit d’une porte cochère. Un long manteau triste la couvre jusqu’aux pieds J’avance dans la rue, vers elle sans le vouloir. Elle est au loin une tache sombre qui sort d’un immeuble de roman noir. Je lui mets un chapeau sur la tête, un regard humide, du rouge et une cigarette à la bouche. J’attaque le fantasme par la peau. Parvenu à sa hauteur, son air fatigué et revenu de tout me redescend. Nos chemins se croisent, elle prend la contre-allée et moi son manteau triste.
  • 18.3.23

J’étais d’un sommeil léger mais grave

J’étais d’un sommeil léger mais grave 
Avec un temps après chaque phrase 
Que la nuit m’apportait dans un linge 
Un linge noué à ses quatre extrémités 
J’étais d’un sommeil léger mais grave 
Une respiration pour chaque temps 
Dans un balluchon sur mon dos
Assemblé de quatre linges noués 
Aux quatre extrémités – j’étais un chemin
La nuit d’un sommeil léger mais grave 

(un rêve dissipé)

Image générée par l’IA DALL-E
à partir de ce texte

  • 17.3.23

Une idée pas finie

Me revient au réveil l’idée pas finie, j’entends par idée pas finie un restant de rêve qui a surgi lorsque mon corps s’est déplié pour passer de la position horizontale à la verticale, un restant de rêve qui ne forme pas vraiment une idée mais tout un tas de débuts d’idées comme des copeaux ; voilà, si je travaillais dans le bois, en tant que menuisier, ce serait des résidus de coups de scie, une première découpe qui aurait produit des scories d’une idée prototype, que sais-je, d’un meuble ou plus humblement d’une petite table basse. Mon jaillissement en bois aurait produit des copeaux, une tentative d’idée sans aucun respect de proportions, mes pensées à ce moment-là se resserrant dans ma tête comme si quelqu’un (l’aide-menuisier ?) y passait violemment le balai, rassemblant tant bien que mal les copeaux dans une pelle, avec la poussière et les moutons gris. C’est ça, copeaux, poussières et moutons gris !
Enfin, bref, il m’est revenu cette idée pas finie et, étant donné que j’ai pris beaucoup trop de temps à vous expliquer ce que finalement je comprends à peine, parce qu’il faut toujours que je vous explique tout, surtout quand je ne sais pas grand chose, et bien pfuit l’idée pas finie s’est enfuie.
  • 16.3.23

La lumière du réverbère

La lumière du réverbère qui coule dans la rue me parvient
Par la fenêtre se dédouble dans les vieux carreaux 
Comme prise dans une loupe se déforme 
Grandit jusqu’à éclairer ce qu’il faudrait cacher
J’éteins quelqu’un en moi chaque fois que trop la fixe
  • 15.3.23

Quel sens à ce monde qui tangue

Quel sens à ce monde qui tangue
Jusque dans l’intime pénètre
Dans les esprits sécrète un effet flou
Sommes malades de stroboscopie
Qu’une mise au point ne corrige plus 
Ajuster nuancer ralentir plus rien 
Ne fait la correction plus de discernement 
Ni de savoir-penser plus de langue
Pour équilibrer ce qui vient lancinant
Agacer yeux et sens dessus-dessous 
Défait – quel sens à ce monde qui tangue 

(OK BOOMER)
  • 13.3.23

Le col de la nuit

Je prends la nuit par le col, la soulève. La nuit et sa traînée de bleu autour du cou que lui fait un vieux nuage. 
Je prends la nuit par le col. J’ai le geste. L’empoigne sévère alors que tout est posé autour du moi. Alors qu’à peine écrite cette phrase se dégonfle. À peine né le geste s’évanouit.
Je prends la nuit par le col. À quoi bon. Je lâche, lâche. Le jour montera assez vite au col de la nuit, qui n’aura rien à faire de mes petites violences.
  • 12.3.23

Les sept variations ressortent

Je rouvre un souvenir 
Les variations de ce souvenir
L’image saccade déjà vieillie
Comme si je repassais un film en super 8
Les sept variations ressortent 
On dira que c’est une huitième, d’accord ?

Extrait :
Au plus loin des lignes, l'horizon se confond avec la mer. La limite est sans cesse repoussée à une mémoire perdue. La rupture du ciel est un mensonge et l'absoudre nous plonge dans le creux d'un univers sans frontière. Alors plus rien ne pèse que tes yeux dans mes yeux, que ta main dans ma main, que ce châle infini recouvrant nos tourments. Il n'y a d'autre corps sensible que le nôtre.



  • 11.3.23

J’attends qu’elle bouge

La rue déserte est immobile
J’attends qu’elle bouge 
Que trottoir bitume panneaux feu rouge
Traversent s’animent soulèvent
Les artères comme coeur de bipède irrigue 
La rue déserte est immobile 
Sans corps sans vie je gomme l’inertie 
Si je fixe longtemps je la verrais
Se peupler dans les ciseaux de l’ombre
que forment murs fenêtres toits et moi
Et le réverbère en son halo qui déjà  
Fait onduler la nuit de la rue qui va bouger  
Je garde la vigie derrière le rideau
Vous tiens informés dès qu’elle frémit
  • 11.3.23

Je ne sais rien

Je ne sais rien de la profondeur du ciel 
Ouvrant les volets qui grincent 
Pareil au couinement d’un chien 
Je ne sais rien de ce gros nuage 
Qui cette nuit a fait la pluie ni même 
Si c’est celui-là resté après le fracas
À attendre - et pourquoi ? - que j’ouvre le jour 
Je sais la nuit de pluie et le cri des volets
C’est tout, faudra avec ce peu échafauder
  • 10.3.23

Le jour a commencé sans moi

Le jour a commencé sans moi
Glissant sous la porte une lumière  
De déjà-vu une odeur d’ordinaire  
De petites sensations sans charme 
Vont viennent avec leur éternité  
De gestes rassurant la tête le corps
Vont viennent avec leur entêtement 
Leur odeur et leur lumière craintives 
Le jour a commencé sans moi, tant mieux
  • 9.3.23

Cahin-caha

J’ai vu passer une solitude ce matin
Tôt avec son charriot d’angoisses  
Sur le trottoir cahin-caha trottant
Comme une enfant un premier jour d’école
Le regard tombé sur ses souliers neufs 
Ceux qui brillent un peu trop 
Qu’elle aimerait vite salir patiner 
Pour pouvoir marcher un peu plus droit
  • 8.3.23

Marcher c’est tomber

Il y a le mouvement puis le poids
Marcher, c’est tomber et se rattraper
Dans le mouvement, dans les courbes

La rue avec ses marches
Ses murs glissières guides
Ne pas déborder, tomber, se rattraper.

Le poids que ça fait le corps qui tombe
Les bonds, les rebonds
Il y a le mouvement puis le poids
  • 7.3.23

Turbo(t)s

Je me lève avec le mot Turbo. Il s’est invité dès que j’ai ouvert les yeux avec son air de poisson mort et ses seize soupapes. Le poisson, le moteur. Turbo. Turbot. Des turbo(t)s. 

Je pense aux voitures, évidement, pas au poisson. Aux autos des années quatre-vingt toutes affublées de la mention Turbo à l’arrière avec de grosses lettres métalliques rehaussées de rouge ou de flammes promettant des accélérations du diable. Que ce mot si moderne m’apparaît désuet, ce matin, à peine levé, avec pas grand chose sous le capot !

Turbo injection. Turbo 16. Turbocompressé. Turbo. Turbine. Turbin. Turbo. Boulot. Dodo. Je vais me recoucher.
  • 7.3.23

Autour du Dôme

Elle traîne dans le coin autour du Dôme
Le café-restaurant où l’on sert demis 
De bière à midi et gros rouge le soir
Même si soiffards on peut prendre des deux
Matin midi soir elle traîne dans le coin 
Mais jamais ne rentre pour consommer
Le Dôme est là pour la faire tourner 
Un pas en avant un pas en arrière
Parfois s’arrête s’assoit sur le trottoir 
Par cœur déclame des poèmes d’amour 
Au Dôme aux hommes à qui voudra 
Entre demis et coups de rouge les recevoir
  • 6.3.23

Pas de bruit

Il ne fait pas de bruit 
Le petit monsieur 
À l’entrée du cinéma  
Pour la première séance 
Du dimanche matin
Ses petits pas 
Son air blasé 
Ses cheveux blancs longs 
Réunis dans un catogan
Le petit monsieur et moi
dans le hall du cinéma
Avec son mur jaune
Où s’affichent  
Le titre la salle et l’heure du film
Ce que l’on sait déjà 
Mais on les fixe tous les deux
Pour se rassurer
Pour pas rater
Le petit monsieur et moi
On ne fait pas de bruit
Dans le hall du cinéma 
Nos petits pas 
Notre air blasé 
Nos cheveux blancs 
Me reste plus 
Qu’à laisser pousser
  • 5.3.23

À l’affût des symétries

Je marche à l’affût des symétries. La lumière et l’ombre toujours partagent. Un équilibre, une obsession des proportions jusqu’au bout de la fatigue. Mes pensées se plissent sous les persiennes que forment les toits dans leur chevauchement. Si j’allonge la vue, la rue me tend des arêtes électriques. Donne un fond à mes contrastes. L’attente fait son manège jusqu’à l’épuisement des solitudes. J’attends. Que de l’ombre une lumière change le réel.




  • 5.3.23

Samedi en vrac

Samedi en vrac 
La fenêtre tient sa place 
La permanence des choses 
Comme une télévision
Bloquée sur un même programme 
Seule la colorimétrie bouge

Samedi en vrac 
À côté de la fenêtre la télévision
La vraie avec son écran
Envahi de livres lus et à lire 
Éteinte depuis des mois 
Elle disparaît peu à peu 
Dans la progression des piles

Samedi en vrac 
J’écris dans un journal extime 
Ce mot Extime était à la mode
Dans les années deux mille 
Aujourd’hui l’impression
Qu’il est oublié commun ou désuet 
Remplacé par des filtres TikTok 
Ou des IA génératrices de fantasmes

Samedi en vrac
Je pense à la mire de nuit 
De ma télé d’enfant 
Comme je la fixais longtemps
Espérant qu’elle bouge 

Samedi en vrac  
Le noir de la fenêtre varie 
Il devient gris bientôt grège 
Le dehors filtre le dedans 
Intelligence naturelle
En attendant le jour 
Je vais scroller vos fenêtres 
Sur Instagram ou TikTok




  • 4.3.23

Je cherche un lieu

Je cherche un lieu où poser mon corps
Une embrasure dans un ciel porteur  
Un endroit sûr sous une lumière solide 
J’y mettrai ma couche de paille 
Entrains paresses et lendemains
Quelques amuse-bouches puis du vin
Pour les jours où le ciel porte bas 
Loin de toute géographie connue 
Je cherche un lieu qui ne tremble pas
  • 3.3.23

Pas un mot à la fatigue

Il ne faudrait pas laisser un mot à la fatigue
Dans ce courant d’air dans lequel se tient la vie 
Elle n’est qu’un éternuement – un atermoiement
Les mots sonnent dans le même temps, fugaces et répétés 
Comme des adverbes, à vos souhaits et après que vogue le verbe
  • 2.3.23

MASH-UP MORNING

Jeudi 10 décembre 2015

La nuit a tellement serré
Les dents qu’elle a mal
À la mâchoire et au cou
Du matin d’où elle pend
Nue

Le silence greffé à la glotte
De la rue ocre des lumières
Du réverbère file un doute
Dans les bajoues du jour
Etendu

*

Vendredi 11 décembre 2015

Le camion de la voirie
Cache la voix du dedans
D’un souffle long et laisse
La rue au silence trancher
Mon absence

Son gyro crée à la vitre
Sale un miroir d’éclairs
Gelé d’une nuit de cierge
Où la mort a tapé au lieu
Du rêve

_
Extraits de « Morning à la fenêtre » paru aux éditions Tarmac

.
  • 2.3.23

Il fait un soir à écouter de la pop douce.

Il fait un soir à écouter de la pop douce.
Voyez de quoi il s’agit ? Certains l’appelle « slow pop », musique au tempo lent mais sûr, saturée de graves mais légère comme de la mousse et sucrée, si sucrée qu’à force d’ingurgiter ces morceaux plein de glucides, on se dit que nos esgourdes font choper du diabète, du sucre du sucre jusqu’à l’écœurement, jusqu’à la dépression, jusqu’au suicide. Mais on continue parce que le sucre, c’est bon. La pop douce et lente ! Enfin, ça ne peut pas faire de mal ! Bon anti-dépresseur et moins ravageur que la bibine. Puis, à ma connaissance, on compte peu de suicides liés à la consommation de mauvaises musiques.
Il fait un soir à écouter de la pop douce.
  • 1.3.23