Fête des mamans

J’aurai dû préparer une poésie pour maman, cette semaine. Sur du papier Clairefontaine, au stylo à plumes, près de moi un buvard pour boire les taches du temps. Compter les pieds la langue tirée, manger les vers, les recracher, chercher les sentiments dans les sonorités du printemps.
Ou bien lui faire un collier de pâtes, oublier les nouilles, préférer les penne, nouer chaque pensée comme un joli noeud. 
Ou encore un herbier dans un vieux livre aux pages couleur de rouille, des feuilles des fleurs de toutes les teintes, des herbes arrachées, bonnes ou mauvaises, du coquelicot au chiendent, peu importe. 
J’aurai dû préparer une poésie avec tout ça, en remuant longtemps les années, à feu doux. J’aurai dû, parce qu’à quatre-vingt-dix ans, il ne va pas s’en présenter beaucoup d’autres, des fêtes à maman.
Mais voilà, je ne sais pas écrire des poésies d’amour.
  • 4.6.23

Petit-déjeuner

L’air est doux aux oiseaux qui bectent le ciel
Le café passe dans un ronronnement de chat
Le pain de mie conserve une humeur stable 
Le beurre tendre continue d’être tendre
Il doit exister une mélodie au piano qui dit 
La douceur à l’heure du petit-déjeuner
Avant que l’on se mette à tanner les pensées
  • 3.6.23

Vente creuse

J’ai oublié le jour d’avant, un creux un vent 
Le matin a des boutons sur le visage
Acné d’hier et d’avant-hier né de l’oubli 
J’incline, vente creuse, cherche le disparu
  • 31.5.23

Poème décadent

J’ai pendu un poème au plafond 
Un texte décadent qui souffre et colle
Moi qui n’en fais jamais, de poèmes 
Décadents, à dire tant qu’il est chaud
Un vrai papier serpentin tue-mouches 
Avec au bout une petite fièvre rouge
  • 29.5.23

Je marche vite

Je marche vite
comme si j’allais quelque part
Devant moi la lumière cavale 
Un jardin grimpe aux murs 
L’air glisse par les chevilles 
Je marche vite
comme si je voulais les rattraper
  • 28.5.23

Ça me fera la journée

Dans la cuisine à l’heure où le calme amplifie les acouphènes du monde, près  d’un café, je fixe mes pensées sur la moitié d’un abricot. Elle ressemble à une oreille que le noyau a rendu sourde. Un temps, j’ai cru la voir bouger. Un vers, certainement.
  • 27.5.23

Mal dormi

J’ai dormi tout habillé, comme un vieil enfant 
Les dents dans l’oreiller, le coeur dans les pieds 
Reste ce matin une odeur d’ado pas lavé 
Du dernier rêve des épis nerveux dans les cheveux
  • 26.5.23

Épaisse mais fragile

L’heure est épaisse, je l’entends remuer 
Une eau fragile, prête à éclater 
Le temps soudain me semble une flaque 
Un coup de talon et tout peut éclabousser
Puis retomber dans un brouhaha d’écoliers 
Oui, l’heure est épaisse mais fragile
  • 25.5.23

Même temps

les mots me prennent, me laissent
à l’heure où descend la nuit 
et monte mon jeune voisin 

six heures, je me lève
lui se couche
dans le lait caillé du matin 

est-ce encore le même temps
qui nous tient ?
  • 24.5.23

À petits pas

Une lumière à petits pas descend, pure sur le mur 
Lavée des pluies rose des joues, on dirait qu’elle gratte
Pour prévenir du jour comme un petit rongeur craintif  
Avec un air de campagne que je ne lui connaissais pas
  • 23.5.23

Un réveil

encore un peu d’obscurité 
pour terminer l’éternité

un décibel monte trop haut
une porte craque 
un réveil 

le rêve tire sur les bras
le jour gonfle les joues 
retenir ce qui fuit 
l’histoire incroyable de soi
  • 22.5.23

Extraordinaire

… le bassin central du jardin brassa l’eau comme s’il venait de se réveiller, brusquement. Sursaut qu’un homme reprit en enlevant sa casquette, pour mieux se gratter la nuque. Ce geste effectué tout en continuant sa marche autour du bassin surprit le chien couché non loin, la truffe dans l’herbe ; il dût y voir un appel à jouer, la casquette étant la balle, le geste un lancer vers la clairière que formaient trois arbres en conciliabule. Arbres qui frissonnèrent comme si quelque chose venait agacer leurs pieds : une balle, une casquette, la truffe du chien ou les pas de l’homme ? Ce qui fît sortir du bosquet deux merles parmi une flopée de pigeons trop gras pour suivre leur envol. Tout se déroula avec une précision et un enchaînement extraordinaires, sans vraiment savoir quel événement avait participé à créer le suivant. Sursaut, jappement, frémissement, sifflement, envol, battement d’ailes et…
  • 21.5.23

Les pensées tarabiscotées

J’ai jeté un tas de pensées tarabiscotées sur l’écran avec l’espoir qu’elles trouvent 
seules le chemin de la corbeille. En quelque sorte qu’elles s’annulent elles-mêmes au regard de leur fatuité.
Elle n’en ont rien fait.
Elles continuent à parader, tambours trompettes, avec cet air narquois que je leur connais bien. Plus je souhaite qu’elles disparaissent, les annulant sur la page à une allure de poinçonneur, plus elles grandissent, prennent de l’assurance, se gargarisent de leur prétention comme si elles étaient nées du premier rossignol.
Vas-y qu’elles persiflent en serif corps 14, du gras, du souligné, de l’italique, césures et cadratins en veux-tu, en voilà. Ça cabotine. C’est bien simple, on dirait qu’elles forment exprès pour m’embêter une espace insécable entre elles et moi. C’est dégoûtant. J’éteins tout (même si je sais qu’elles continuent sans moi).
  • 19.5.23

10 minutes, à chercher le nom des rues

Je cherche le nom des rues, non pas l’odonyme qui figure au coin de chacune, je ne les retiens de toute façon pas, mais leur sobriquet, celui que je leur donnerai une fois que je l’aurai trouvé. 
Je cherche un nom, peut-être porteraient-elles alors toutes le même, qui saurait dire pourquoi j’erre ainsi en m’efforçant de les prendre par la gauche ou par le haut ou par le bas, là où je me souviens la fois précédente les avoir prises par la droite, le bas ou le haut. Et vice-versa. Pourquoi ce besoin de découvrir, sinon une nouvelle rue, un nouveau sens de marche puisque, il faudrait que je regarde sur une carte pour en être certain, je crois les avoir toutes empruntées au moins une fois, enfin non deux, gauche, droite, haut, bas, donc dans tous les sens. Pourquoi ?
  • 18.5.23

De soi à soi

On insiste sur la douleur
quand vient le soir, trop
pour être crédible 

De soi à soi,
on construit des montagnes
avec la peur de l’abandon 

Au sommet, c’est le vertige
qui accouche d’une souris
On se plaît à monter puis à gratter
Ô petit bonheur des supplices !
  • 18.5.23

Bruit nouveau

À écouter les bruits naissant de la rue, il m’apparaît que les véhicules électriques de livraison font un bruit nouveau. Enfin, pas tout à fait nouveau mais quand même singulier. Comme un chut continu : chuuuuuuuuu sans que jamais le T final n’advienne. Ou alors un hue de cocher à son cheval : huuuuuuuuuu mais un peu plus sifflé. Sans le e qui, bien sûr, est muet. Pour l’obtenir, il faut mettre sa bouche en cul de poule et souffler. Voilà le hue du cocher électrique. Mais il doit y en avoir d’autres, d’autres véhicules électriques, d’autres sons.
  • 17.5.23

Comme un geyser

Tu croises, décroises nerveusement les jambes. Les points d’appui sont précaires, la zone exiguë. La cigarette entre tes doigts pourrait crier. Tu tires dessus en pressant les lèvres si fort que ton visage se déforme. Tu es prise de spasmes, souffles, ventiles, la fumée sort. Comme un geyser. 
Tu croises, décroises l’anxiété et ton corps rumine par saccades. Il faudrait te voir. Tu ne te vois pas, tes pensées sont bien trop imposantes pour un retour sur soi. Tu tiens comme tu peux dans ce réduit qu’est ton petit balcon.Tu pourrais déborder. Refuge et magma, comme un geyser.
  • 16.5.23

Paresseux

Senti le jour paresseux ce matin, une gueule pas finie
Comme si la nuit n’avait pas terminé son Meccano
Sans oiseaux qui piaillent ni cloche qui sonne
Pas plus de chaleur que de voisine à la fenêtre 
Faudra tenir le jour entre les crocs, serrer fort et penser demain
  • 14.5.23

Une lumière d’automne

La lumière s’est posée sur le balcon, avec envie d’y rester 
Une lumière d’automne grise et fatiguée 
J’ai allumé la lampe pour lui tenir compagnie
Elle a ouvert des gros yeux de chien mais pas ses mâchoires
Écarquillée et sans paupières, à tirer des larmes 
Une lumière de pluie mais il ne pleuvait pas
  • 12.5.23

Didascalies

Une porte, le bruit de la poignée, une clé 
Le son étouffé des pas dans l’escalier
Les marches doucement noires et blanches

Depuis mon lit jardin à peine éveillé, je lis 
Et les pas légers du voisin suivent la ligne 
S’arrêtent reprennent, didascalies du jour
  • 11.5.23

Tout va bien

Il y a la table et la lampe pour toute solitude
Un livre attend, la nuit se tasse, les yeux s’ouvrent
Les oiseaux de mai à la fenêtre ont le temps clair
Tout va bien 
J’aimerais juste ajouter une odeur de pluie 
Les parfums y sont plus nombreux, il me semble
  • 9.5.23

Jet-lag

Arrivé au salon, c’est à peine si je me souviens des pas qui m’ont glissé de la chambre sous le livre que je tiens maintenant en lecture dense. 
À tel point que j’ai le sentiment d’être davantage dans l’histoire qui m’est contée que dans le fauteuil qui me porte. J’en prends conscience comme si je venais de naître. Pour un peu, je crierais puis pleurerais. Le jaillissement du réel est parfois cruel.
  • 8.5.23

Variations du noir

Il me plait, en le fixant, d’imaginer les variations du noir
Dans lequel les premières heures plongent les mains
Instant de flottement où l’œil s’accorde avec l’obscurité 
Remet les balances des couleurs à jour, règle et monte le son
Les odeurs aussi ne sont pas en reste, aigre-doux du corps
Sa légère transpiration, son besoin d’eau qui se sentent jusque dans les murs 
(Nous sommes pleins de salpêtre)
Je suis chaque matin épaté par cette machine éprise d’habitudes
Qui sans lumière va avec son cierge de sensations 
Il n’y a qu’à tâtons que je les éprouve autant
  • 5.5.23

De grandes oreilles rouges

Le soir a de grandes oreilles rouges, de larges baies  
Pour laisser passer l’air, un petit goût d’églantines 
Je le précise pour ceux qui ont déjà mangé de l’églantine 
Pour les autres imaginez, les baies et le rouge devraient 
Vous y aider ; je ne peux en dire plus le ciel m’écoute
  • 3.5.23

À mesure que le mur mange les ombres

À mesure que le mur mange les ombres, que la lumière renaît par petits aplats beiges, j’ouvre les yeux. Oh pas que j’en ai envie. Je resterais bien fermé comme un jour férié. Moi et le canapé, un livre et au bout le souper comme seul objectif. Mais voilà le mur mange les ombres, vorace à dents longues, assoiffé de lumière, aussi fier qu’un gars du sud prenant le maquis. Je râle, râle. Beaucoup sous mon corps lourd. À mesure que le jour me réveille.
  • 1.5.23

10 minutes, sur trois bancs

Trois bancs au soleil 
Un homme sourit à son téléphone et parle fort
Deux jeunes filles : 
Une lit, l’autre sourit aussi à son miroir mais se tait
Un couple d’amoureux : 
Lui étendu sur ses genoux à elle
Lui gratte les joues  
Lui fait les points noirs
Le soleil luit, descend puis remonte, sourit, se tait
Presque noir
Trois bancs avant l’orage

  • 29.4.23

Lente observation

Il n’y a qu’une lente observation qui permet de voir ce que dessine le ciel à travers la fenêtre. J’y suis derrière, en poste comme consigné de force. Je prends mon quart pour tenir entier le reste de la journée. Là, avant les bruits, je regarde les éléments qui se présentent. Parfois, rien. 
Mais aujourd’hui, une ombre joue des arabesques sur le mur d’en face. Née du réverbère qui regarde fier le jour avant de s’éteindre et du balancement d’un fil électrique orphelin, elle donne une seconde vie sur le paysage de théâtre que m’offre le mur naissant. Je n’ai plus qu’à l’observer danser. Lentement.
  • 27.4.23

Les choses simples

Là à chercher les choses simples dans le jour finissant
On descend de la pluie par les chéneaux, quelques gouttes 
À peine, le temps de se demander qui est ce « On »
Que s’oublie l’intention, le plus simple se dérobe
Reste le temps sous les toits et aux murs cet écoulement d’entonnoir
  • 25.4.23

Le peu ou le trop

je marche avec une enfance peu sûre
mes pas sur le gravier garde le souvenir
des poursuites sous les préaux

j’avance avec le souvenir du manque
le peu ou le trop 
tout ce qui pour moi pèse
pour les autres n’est que caprice
frustration d’enfant gâté

pour un peu je tape des pieds
je marche pour qui tire le maillot
me poursuive jusque sous les préaux
  • 23.4.23

Elle vient et revient

Elle vient et revient sur le balcon. Craignant le crachin d’avril, avant de s’asseoir, elle regarde le ciel, fait une moue et s’installe. Sur son dos, une couverture en guise de bâche. Elle se recroqueville dans son espace réduit comme on se blottirait au fond d’un puits. Je ne vois que son dos, lignes courbes d’une petite montagne de duvet bleu. Posée sur le balconnet, son territoire à tabac et à téléphone, elle porte la voix jusqu’à l’appareil, fume, respire. Je sais qu’elle respire parce que la montagne bouge, vaguelettes de son cou jusqu’au bas du dos, poussées par le vent quand il crache ou les vibrations de sa voix qu’elle a, en alternance, aussi douce et violente qu’un temps d’avril.
  • 22.4.23

La nuit n’a pas suffi

La nuit n’a pas suffi, je cherche le poème 
À lire qui dirait la fatigue étalée sur la table
Le rai de soleil complexe qui cogne à la vitre 
Je plie les pensées aligne trie croise toise 
Me viennent des verbes sans conjugaison 
Les mots n’ouvrent rien, la nuit n’a pas suffi
  • 19.4.23

Parfois une ombre

Parfois une ombre suggère un souvenir. Ça arrive quand on s’y attend le moins. L’ombre de la branche de cet arbre par exemple danse exactement comme ma mère quand elle entendait Julio Iglesias à la télé, le samedi soir dans les émissions de Maritie et Gilbert Carpentier. Son micro argenté avec des paillettes qui agaçaient l’iris, sa drôle de façon de tordre la bouche et son coup de nuque vers le haut qui ne suggérait pas le souvenir mais bien un coup de reins. Parfois l’ombre d’une branche sur un mur et c’est maman qui à nouveau se déhanche, discrètement émoustillée par le crooner espagnol. Le tombeur de ces dames est là, dans cet arbre avec toute sa sève. Maman danse. Parfois une ombre.
  • 17.4.23

Je n’ai plus de corps

Je n’ai plus de corps. Je me suis réveillé avec ça, ce matin. Ou plutôt sans ça. Sans le corps ni l’odeur. Mais j’ai gardé ma tête. Montée sur un mât, elle ressemble à ces têtes rétrécies par quelque tribu primitive, sur un mât et plantée dans la terre en haut d’une colline. Le soir descend alors qu’il n’est que sept heures. La colline est brune, un chien aboie ; quelques nuages gris, une odeur de brûlé à la place des émanations naturelles et un vent froid qui ne prend plus mon corps puisque disparu mais me siffle dans les oreilles. Je n’ai plus de corps. Je me suis réveillé avec ça, ce matin. Se recoucher.
  • 15.4.23

Les choses tremblent

Ce matin les choses tremblent sur la table
La tasse de café a peur du livre qui s’ouvre 
Le livre de la main la main du livre je bois 
Quelques mots de la nuit avant de les oublier 
Les choses tremblent ne rien y chercher d’autre
  • 14.4.23

Me prend ces temps-ci

Me prend ces temps-ci 
D’aller par les rues la nuit 
Voir si j’y suis – d’abord 
Puis si j’y peux prendre l’aube de vitesse
Je ne cours pas je marche 
Je ralentis puis j’accélère je la feinte
Un jour je l’aurai 
Ce qui doit me donner une drôle d’allure
À qui de sa fenêtre 
Ces temps-ci dans la nuit 
Voit ce vieux – d’abord 
Tous les jours avant l’aube  
Sur le trottoir s’envoyer promener
  • 11.4.23

La dame au cinéma

Hier après-midi, la dame au cinéma qui se déplace d’un siège puis d’un autre au fur et à mesure qu’une nouvelle personne s’installe au rang précédent juste devant elle parce que, me dit-elle, je ne vois pas l’écran, je suis petite et le monde est peuplé de grandes personnes à grosses têtes ; 
cette dame qui, dans ses déplacements, fait suivre toutes ses affaires du siège d’à-coté au nouveau siège d’à-coté, ses vêtements - manteau, chaussures qu’elle a enlevées et posées entre les bonbons et le magazine des sorties (j’ai les pieds qui gonflent) puis pull qu’elle remettra en se levant en plein milieu du film parce qu’il fait frais dans ce cinéma quand même, c’est encore trop tôt pour mettre la clim à fond, non, vous ne trouvez pas ? – mais aussi une petite collation avec bouteille de coca en plastique qui, une fois qu’elle l’aura bue, fera craquer entre ses doigts au trois-quarts du film, pile au moment où l’intrigue tend le suspense à son maximum, masquant ainsi l’un des dialogues les plus importants ;
cette dame, eh bien, j’en aurai bien fait Mon Crime.
  • 9.4.23

Douleur et bateau

Le jour naissant porte une vieille douleur
Entre deux nuages l’esquisse d’un bateau
Perdu comme je le suis dans un songe
Ou alors est-ce un rêve : douleur et bateau
Je cherche le signifiant, ce que tient mon regard 
Lourd sous les signes opaques du matin
  • 7.4.23

Comme on retrousse une chaussette

Elle est sortie en trombes et à chaudes larmes. Son visage a tourné sur lui-même comme on retrousse une chaussette. Elle a évacué tout ce qu’elle ne pouvait plus tenir dans un si petit corps. Elle a choisi le balcon pour une série de sanglots longs, d’abord retenus puis lâchés à la rue et à ma fenêtre. Ça a duré, respiration et haut-le-cœur se sont enchaînés la secouant mais lui donnant aussi force et élan pour les pleurs suivants. Ça a duré. Elle a fait de la peine à tout le quartier. Ça va ? Elle m’a vu démuni fixer son regard enflé par le chagrin. N’y tenant plus, la honte l’a rentrée chez elle comme par effraction. La femme au balcon a pleuré ce soir, beaucoup.
  • 6.4.23

La rue est à la nuit

La rue est à la nuit, occupé à regarder 
Sur ses bords ce qui dépasse de lumière
Il me semble pénétrer des choses lointaines
Qui n’existent que parce qu’à moi s’opposent
Les unes se retrouvant dans les autres  
Gigognes de l’aussi vieux que merveilleux
Jeu d’ombres et de lumières
La nuit est à la rue, je peux vivre un peu
  • 5.4.23

J’habite un orage

J’habite un orage avec à l’intérieur des bouts de silence. Quand le vent pousse, ils se transforment en bâtons. Ce qui ne se dit pas ne peut déclencher d’orage. Quelques bourrasques et la nuit passe et le jour passe. On est demain. N’y pensons plus. Rangeons les bâtons. Sachons garder nos orages pour plus tard. Pour jamais.
  • 3.4.23

La boucle de nuit

La boucle de nuit, la poésie me sauvera
Bientôt de la mélancolie, déjà elle court entre les pieds
S’agace des petites léthargies bloquées dans les yeux 
Les heures tournent autour de la lampe, la poésie sauve 
Les meubles et donne consistance aux formes, les heures refont
  • 1.4.23

Qui dans la nuit me chausse

La fenêtre suffit à éclairer, les choses et mes pas
Qui dans la nuit se chaussent, seul le réverbère sa clarté 
Tranquille son souffle discret n’aveugle personne 
Dans la nuit me chausse, doucement dans l’attente du jour 
Aux heures pareilles à des ombres, il est ma fenêtre  
Le réverbère suffit à éclairer, les choses et mon monde petit
  • 31.3.23

Le jour n’est pas fini

Le jour n’est pas fini, pourtant je le pousse
Pour m’assoir à sa place, découvrant le repos 
J’imagine un feu de cheminée, le froid sur le nez
Un bon livre caché sous un mauvais, j’organise le cliché
Le jour n’est pas fini, c’est le printemps pas de feu
Pas plus de froid que de cliché à consommer 
J‘écris pour rien, juste pour que les jours continuent de finir
  • 29.3.23

Vénus

C’est faire confiance aux étoiles que de se promener la nuit
Quand on en voit aucune, même pas celle du berger 
C’est faire abstraction de soi, un instant ne pas exister 
Chercher l’œil d’un passant interlope, ne pas lui parler
Mais savoir qu’on pourrait être lui, d’un seul souffle 
Prendre le trottoir comme territoire, les étoiles à la nuit
  • 28.3.23

Que dire de ce mur douché de soleil

Que dire de ce mur douché de soleil
Sinon qu’il réchauffe le ventre
Coule lent en moi

Le gobe par les yeux bouche nez pores
Caméléon je change de couleurs 
Me fonds dans le mur voudrais être le mur 
S’il n’avait pas en lui l’impasse

En lui le soleil qui se retire déjà
En lui les ombres qui montent
Pores yeux bouche nez
La faille la sienne la mienne
qui dans le ventre font siphon sans fin 

Que dire de ce mur douché de soleil
Que dire que je ne sais garder
  • 26.3.23

J’ai balancé de la mémoire sur les murs

J’ai balancé de la mémoire sur les murs 
Comme de la peinture noire matière brute 
Morceaux épars sans queue ni tête  
Pensant que quelque chose reviendrait
Vers moi aggloméré dans une balle 
Contenant passé présent et briques d’avenir  
Oui j’ai pensé en forme de balle une histoire
Avec ses halètements et ses temps morts
Ses joies et ses terrassements
Bien entendu, c’est ce qu’il s’est passé 
J’attends juste qu’elle arrête de rebondir
  • 25.3.23

Pas plus gros qu’une pièce d’un euro

Le jour fuit d’un trou pas plus gros qu’une pièce d’un euro. Je sais qu’il faudrait appeler pour mettre de la résine avant que le plan qui s’affiche en cent quatre-vingts degrés devant moi ne se fissure. Mais je laisse couler, passer la lumière avec la musique. Je me dis que ce serait bien de pouvoir juste le déplacer, le trou, le glisser aux quatre points cardinaux, à ma guise, pour entendre comme ça, tout le jour et du côté de mon choix, couler la lumière et la musique. 

(Ce texte est disponible sur fut-il.net, n’oubliez pas le .NET)
  • 23.3.23

Ainsi les bruits quotidiens

Ainsi le grincement des volets
Ainsi la ventilation des toilettes
Ainsi le claquement du robinet
Ainsi le bavardage de la machine à café 
Ainsi le ronflement du frigidaire 

Les bruits quotidiens sont des éponges 
Ils naissent au matin pour absorber 
La nuit et l’épreuve que c’est d’aligner
Le corps la tête la folie à ses ergots 
Pour raccrocher ce qui fuit à la réalité
Pour qu’en soi le jour soit plus acceptable
  • 22.3.23

Jusqu’aux premières fenêtres

Le ciel noir descend sur les murs jusqu’aux premières fenêtres. Les étages n’existent plus, pris dans un brouillard dont on ne connaît pas le nom. J’ai en secours du regard une petite entrée au rez-de-chaussée qui demeure allumée. Une ampoule nue y brûle jour et nuit, derrière la porte. Elle est une veilleuse dans la nuit noire, point de lumière pour qui ne trouve plus de lampe. Je pense à la soupe que l’on gardait autrefois pour le pauvre hère. On n’a plus qu’un rai de lumière à lui offrir. Je pense à ça, au ciel qui descend et au pain noir trempé dans la soupe.
  • 21.3.23

Avec son allure de témoin

Cet homme avec son allure de témoin, de Jéhovah ou de quelque autre religion 
Que lui-même peine à identifier, je lui laisse la liberté d’esprit 
De croyance à qui il voudra vouer son temps 
À ainsi errer dans la rue, une mallette de représentant
Sous le bras et des tracts et le trac quand il me tend tremblant  
Sa prédication, de bonne foi qui appelle à me sauver
Tant qu’il est encore temps, répète-il en s’éloignant 
Tant qu’il est encore temps, cet homme timide fervent me plait bien
  • 20.3.23

La rue rouillée

La rue rouillée de calme tourne un mauvais film. La caméra balaie du flou, là-bas au fond se débat un personnage que personne ne voie. La rue rouillée tremble. On entend la caméra grincer, un à un bute sur des engrenages grippés. L’image ne démarrera pas. Elle n’est pas sûre, son cadre est trop imprécis, son silence trop plein. Là-bas au fond, j’attends une histoire qui ne viendra pas.



  • 19.3.23

10 minutes, jardin du Champ-de-mars

La ville est belle 
Chaque jour les rues sont plus belles
L’éboueur sur son smartphone
prend une pause
Bien méritée la ville est belle
L’éboueur a rendu la ville belle
Il peut se reposer 
Prendre la pause 
Côté passager du camion-benne
La ville est belle 
La vie belle sur ton smartphone
Calme et benne
Puis accélère puis ralentit
La ville est belle 
Prends la pause
  • 18.3.23

Un long manteau triste

Elle sort avec la nuit d’une porte cochère. Un long manteau triste la couvre jusqu’aux pieds J’avance dans la rue, vers elle sans le vouloir. Elle est au loin une tache sombre qui sort d’un immeuble de roman noir. Je lui mets un chapeau sur la tête, un regard humide, du rouge et une cigarette à la bouche. J’attaque le fantasme par la peau. Parvenu à sa hauteur, son air fatigué et revenu de tout me redescend. Nos chemins se croisent, elle prend la contre-allée et moi son manteau triste.
  • 18.3.23

J’étais d’un sommeil léger mais grave

J’étais d’un sommeil léger mais grave 
Avec un temps après chaque phrase 
Que la nuit m’apportait dans un linge 
Un linge noué à ses quatre extrémités 
J’étais d’un sommeil léger mais grave 
Une respiration pour chaque temps 
Dans un balluchon sur mon dos
Assemblé de quatre linges noués 
Aux quatre extrémités – j’étais un chemin
La nuit d’un sommeil léger mais grave 

(un rêve dissipé)

Image générée par l’IA DALL-E
à partir de ce texte

  • 17.3.23

Une idée pas finie

Me revient au réveil l’idée pas finie, j’entends par idée pas finie un restant de rêve qui a surgi lorsque mon corps s’est déplié pour passer de la position horizontale à la verticale, un restant de rêve qui ne forme pas vraiment une idée mais tout un tas de débuts d’idées comme des copeaux ; voilà, si je travaillais dans le bois, en tant que menuisier, ce serait des résidus de coups de scie, une première découpe qui aurait produit des scories d’une idée prototype, que sais-je, d’un meuble ou plus humblement d’une petite table basse. Mon jaillissement en bois aurait produit des copeaux, une tentative d’idée sans aucun respect de proportions, mes pensées à ce moment-là se resserrant dans ma tête comme si quelqu’un (l’aide-menuisier ?) y passait violemment le balai, rassemblant tant bien que mal les copeaux dans une pelle, avec la poussière et les moutons gris. C’est ça, copeaux, poussières et moutons gris !
Enfin, bref, il m’est revenu cette idée pas finie et, étant donné que j’ai pris beaucoup trop de temps à vous expliquer ce que finalement je comprends à peine, parce qu’il faut toujours que je vous explique tout, surtout quand je ne sais pas grand chose, et bien pfuit l’idée pas finie s’est enfuie.
  • 16.3.23

La lumière du réverbère

La lumière du réverbère qui coule dans la rue me parvient
Par la fenêtre se dédouble dans les vieux carreaux 
Comme prise dans une loupe se déforme 
Grandit jusqu’à éclairer ce qu’il faudrait cacher
J’éteins quelqu’un en moi chaque fois que trop la fixe
  • 15.3.23

Quel sens à ce monde qui tangue

Quel sens à ce monde qui tangue
Jusque dans l’intime pénètre
Dans les esprits sécrète un effet flou
Sommes malades de stroboscopie
Qu’une mise au point ne corrige plus 
Ajuster nuancer ralentir plus rien 
Ne fait la correction plus de discernement 
Ni de savoir-penser plus de langue
Pour équilibrer ce qui vient lancinant
Agacer yeux et sens dessus-dessous 
Défait – quel sens à ce monde qui tangue 

(OK BOOMER)
  • 13.3.23

Le col de la nuit

Je prends la nuit par le col, la soulève. La nuit et sa traînée de bleu autour du cou que lui fait un vieux nuage. 
Je prends la nuit par le col. J’ai le geste. L’empoigne sévère alors que tout est posé autour du moi. Alors qu’à peine écrite cette phrase se dégonfle. À peine né le geste s’évanouit.
Je prends la nuit par le col. À quoi bon. Je lâche, lâche. Le jour montera assez vite au col de la nuit, qui n’aura rien à faire de mes petites violences.
  • 12.3.23

Les sept variations ressortent

Je rouvre un souvenir 
Les variations de ce souvenir
L’image saccade déjà vieillie
Comme si je repassais un film en super 8
Les sept variations ressortent 
On dira que c’est une huitième, d’accord ?

Extrait :
Au plus loin des lignes, l'horizon se confond avec la mer. La limite est sans cesse repoussée à une mémoire perdue. La rupture du ciel est un mensonge et l'absoudre nous plonge dans le creux d'un univers sans frontière. Alors plus rien ne pèse que tes yeux dans mes yeux, que ta main dans ma main, que ce châle infini recouvrant nos tourments. Il n'y a d'autre corps sensible que le nôtre.



  • 11.3.23

J’attends qu’elle bouge

La rue déserte est immobile
J’attends qu’elle bouge 
Que trottoir bitume panneaux feu rouge
Traversent s’animent soulèvent
Les artères comme coeur de bipède irrigue 
La rue déserte est immobile 
Sans corps sans vie je gomme l’inertie 
Si je fixe longtemps je la verrais
Se peupler dans les ciseaux de l’ombre
que forment murs fenêtres toits et moi
Et le réverbère en son halo qui déjà  
Fait onduler la nuit de la rue qui va bouger  
Je garde la vigie derrière le rideau
Vous tiens informés dès qu’elle frémit
  • 11.3.23

Je ne sais rien

Je ne sais rien de la profondeur du ciel 
Ouvrant les volets qui grincent 
Pareil au couinement d’un chien 
Je ne sais rien de ce gros nuage 
Qui cette nuit a fait la pluie ni même 
Si c’est celui-là resté après le fracas
À attendre - et pourquoi ? - que j’ouvre le jour 
Je sais la nuit de pluie et le cri des volets
C’est tout, faudra avec ce peu échafauder
  • 10.3.23

Le jour a commencé sans moi

Le jour a commencé sans moi
Glissant sous la porte une lumière  
De déjà-vu une odeur d’ordinaire  
De petites sensations sans charme 
Vont viennent avec leur éternité  
De gestes rassurant la tête le corps
Vont viennent avec leur entêtement 
Leur odeur et leur lumière craintives 
Le jour a commencé sans moi, tant mieux
  • 9.3.23

Cahin-caha

J’ai vu passer une solitude ce matin
Tôt avec son charriot d’angoisses  
Sur le trottoir cahin-caha trottant
Comme une enfant un premier jour d’école
Le regard tombé sur ses souliers neufs 
Ceux qui brillent un peu trop 
Qu’elle aimerait vite salir patiner 
Pour pouvoir marcher un peu plus droit
  • 8.3.23

Marcher c’est tomber

Il y a le mouvement puis le poids
Marcher, c’est tomber et se rattraper
Dans le mouvement, dans les courbes

La rue avec ses marches
Ses murs glissières guides
Ne pas déborder, tomber, se rattraper.

Le poids que ça fait le corps qui tombe
Les bonds, les rebonds
Il y a le mouvement puis le poids
  • 7.3.23

Turbo(t)s

Je me lève avec le mot Turbo. Il s’est invité dès que j’ai ouvert les yeux avec son air de poisson mort et ses seize soupapes. Le poisson, le moteur. Turbo. Turbot. Des turbo(t)s. 

Je pense aux voitures, évidement, pas au poisson. Aux autos des années quatre-vingt toutes affublées de la mention Turbo à l’arrière avec de grosses lettres métalliques rehaussées de rouge ou de flammes promettant des accélérations du diable. Que ce mot si moderne m’apparaît désuet, ce matin, à peine levé, avec pas grand chose sous le capot !

Turbo injection. Turbo 16. Turbocompressé. Turbo. Turbine. Turbin. Turbo. Boulot. Dodo. Je vais me recoucher.
  • 7.3.23

Autour du Dôme

Elle traîne dans le coin autour du Dôme
Le café-restaurant où l’on sert demis 
De bière à midi et gros rouge le soir
Même si soiffards on peut prendre des deux
Matin midi soir elle traîne dans le coin 
Mais jamais ne rentre pour consommer
Le Dôme est là pour la faire tourner 
Un pas en avant un pas en arrière
Parfois s’arrête s’assoit sur le trottoir 
Par cœur déclame des poèmes d’amour 
Au Dôme aux hommes à qui voudra 
Entre demis et coups de rouge les recevoir
  • 6.3.23

Pas de bruit

Il ne fait pas de bruit 
Le petit monsieur 
À l’entrée du cinéma  
Pour la première séance 
Du dimanche matin
Ses petits pas 
Son air blasé 
Ses cheveux blancs longs 
Réunis dans un catogan
Le petit monsieur et moi
dans le hall du cinéma
Avec son mur jaune
Où s’affichent  
Le titre la salle et l’heure du film
Ce que l’on sait déjà 
Mais on les fixe tous les deux
Pour se rassurer
Pour pas rater
Le petit monsieur et moi
On ne fait pas de bruit
Dans le hall du cinéma 
Nos petits pas 
Notre air blasé 
Nos cheveux blancs 
Me reste plus 
Qu’à laisser pousser
  • 5.3.23

À l’affût des symétries

Je marche à l’affût des symétries. La lumière et l’ombre toujours partagent. Un équilibre, une obsession des proportions jusqu’au bout de la fatigue. Mes pensées se plissent sous les persiennes que forment les toits dans leur chevauchement. Si j’allonge la vue, la rue me tend des arêtes électriques. Donne un fond à mes contrastes. L’attente fait son manège jusqu’à l’épuisement des solitudes. J’attends. Que de l’ombre une lumière change le réel.




  • 5.3.23

Samedi en vrac

Samedi en vrac 
La fenêtre tient sa place 
La permanence des choses 
Comme une télévision
Bloquée sur un même programme 
Seule la colorimétrie bouge

Samedi en vrac 
À côté de la fenêtre la télévision
La vraie avec son écran
Envahi de livres lus et à lire 
Éteinte depuis des mois 
Elle disparaît peu à peu 
Dans la progression des piles

Samedi en vrac 
J’écris dans un journal extime 
Ce mot Extime était à la mode
Dans les années deux mille 
Aujourd’hui l’impression
Qu’il est oublié commun ou désuet 
Remplacé par des filtres TikTok 
Ou des IA génératrices de fantasmes

Samedi en vrac
Je pense à la mire de nuit 
De ma télé d’enfant 
Comme je la fixais longtemps
Espérant qu’elle bouge 

Samedi en vrac  
Le noir de la fenêtre varie 
Il devient gris bientôt grège 
Le dehors filtre le dedans 
Intelligence naturelle
En attendant le jour 
Je vais scroller vos fenêtres 
Sur Instagram ou TikTok




  • 4.3.23

Je cherche un lieu

Je cherche un lieu où poser mon corps
Une embrasure dans un ciel porteur  
Un endroit sûr sous une lumière solide 
J’y mettrai ma couche de paille 
Entrains paresses et lendemains
Quelques amuse-bouches puis du vin
Pour les jours où le ciel porte bas 
Loin de toute géographie connue 
Je cherche un lieu qui ne tremble pas
  • 3.3.23

Pas un mot à la fatigue

Il ne faudrait pas laisser un mot à la fatigue
Dans ce courant d’air dans lequel se tient la vie 
Elle n’est qu’un éternuement – un atermoiement
Les mots sonnent dans le même temps, fugaces et répétés 
Comme des adverbes, à vos souhaits et après que vogue le verbe
  • 2.3.23

MASH-UP MORNING

Jeudi 10 décembre 2015

La nuit a tellement serré
Les dents qu’elle a mal
À la mâchoire et au cou
Du matin d’où elle pend
Nue

Le silence greffé à la glotte
De la rue ocre des lumières
Du réverbère file un doute
Dans les bajoues du jour
Etendu

*

Vendredi 11 décembre 2015

Le camion de la voirie
Cache la voix du dedans
D’un souffle long et laisse
La rue au silence trancher
Mon absence

Son gyro crée à la vitre
Sale un miroir d’éclairs
Gelé d’une nuit de cierge
Où la mort a tapé au lieu
Du rêve

_
Extraits de « Morning à la fenêtre » paru aux éditions Tarmac

.
  • 2.3.23

Il fait un soir à écouter de la pop douce.

Il fait un soir à écouter de la pop douce.
Voyez de quoi il s’agit ? Certains l’appelle « slow pop », musique au tempo lent mais sûr, saturée de graves mais légère comme de la mousse et sucrée, si sucrée qu’à force d’ingurgiter ces morceaux plein de glucides, on se dit que nos esgourdes font choper du diabète, du sucre du sucre jusqu’à l’écœurement, jusqu’à la dépression, jusqu’au suicide. Mais on continue parce que le sucre, c’est bon. La pop douce et lente ! Enfin, ça ne peut pas faire de mal ! Bon anti-dépresseur et moins ravageur que la bibine. Puis, à ma connaissance, on compte peu de suicides liés à la consommation de mauvaises musiques.
Il fait un soir à écouter de la pop douce.
  • 1.3.23

10 minutes, Musée du Vieux Montpellier

L’Hôtel de Varennes a des passions tristes. Sous ses volants, son air distingué, il déprime. Chaque escalier parle d’une voix sans timbre, monocorde. J’entends le pas des fantômes sous mes pas, porter a mes oreilles des cris et des sirènes. Les statues posées sur des commodes ont le vide pour compagnon. Regards enchâssés dans des miroirs sans fin, leur souvenir est fondu dans la glaise. Je m’amuse à les faire sourire. Ça ne colle pas, personne ne les imagine ainsi. Ce n’est pas sérieux. Je m’englue dans les sottises. Il faudra bien plus de dix minutes pour me sortir du bourbier du Musée du Vieux Montpellier.
  • 28.2.23

L’art d’être à côté

Aujourd’hui, il a neigé à Montpellier. Ça n’a échappé à personne, à part peut-être à toi qui cultives l’art d’être à côté. À côté des choses comme de la société. D’ailleurs, en ce moment, tu es à côté d’un poêle à bois, tu remues un tas de vieilles cendres à la recherche de la flammèche qui fera revivre l’hiver douillet de mon enfance. Tu chiques un morceau de tabac. Quand je dis que tu es à côté, plus personne ne fait ça. Tu risques d’être colonisé par des aphtes   et à la moindre occasion, un crabe peut venir crécher dans ta mâchoire. Mais tu t’en moques. Tu le fais depuis toujours. Alors pourquoi arrêter. Laisse tomber la neige, c’est ce que tu me dis de là où tu es, à côté des choses, de la société, au tison tout près de moi.
  • 27.2.23

Cette façon qu’ont les gens

Cette façon qu’ont les gens tout juste assis à la terrasse d’un café d’être gênés. Légèrement mais ils sentent bien une tension au moment de prendre place - la plupart du temps à une table où se trouvent déjà des verres des tasses, des restes des occupants précédents : leur ticket de caisse, paquet de cigarettes écrasé dans le cendrier, de l’eau malencontreusement versée quand il a fallu sortir le sachet de thé de la tasse ou que le verre de bière frais a formé de la condensation avec cette chaleur, ce beau soleil d’hiver qui commence à chauffer sur la terrasse - sur cette terrasse où décidément les gens sont bien gênés lorsqu’ils s’attablent en attendant la délivrance, parfois de longues minutes, délivrance qui n’arrive qu’avec le serveur et qu’après que celui-ci a débarrassé vite fait la table sur son plateau instable - là encore lors des opérations de débarrassement, la gêne la tension sont palpables, il ne faudrait pas avoir déposé quelque chose sur la table, par inadvertance, et que le serveur, dans son empressement, prenne cette chose sur son plateau et disparaisse à jamais, sans prendre la commande car bon c’est le feu aujourd’hui, dimanche quasi printanier sur la place gavée de soleil sur laquelle des quantités extravagantes de gens gênés défilent depuis des heures sans discontinuer – oui, néanmoins cette façon qu’ont les gens d’être gênés reste étonnante.
  • 26.2.23

Ce ciel et ces oiseaux-là

De ces oiseaux posés
Par grappes dans le ciel 
Sans majesté ni vol
À peine esquissés 
Vagues punaises dans le décor
Sur un gris sans fond

Ce ciel-là ressemble au mur
D’une chambre d’ado en mal de vivre
Cheveux gras et grosse peine
Sous les draps 
Ado dans son ennui  
À griffonner des semblants de piafs
sur le mur défraîchi 
Un ciel plat d’espérance
D’oiseaux en devenir 
Tout en rongeant le bout de son stylo
Allongé sur le lit
Ses pensées en apostrophes
Virgules points suspendus
Tombent par la gouttière du vide

Mais tout cela ne dure pas
Juste le temps de digresser 
Que le ciel reprend oiseaux et ado
Les fait battre des ailes
Pour que je passe à autre chose
Que le gris du jour va rater
  • 26.2.23

10 minutes, Cours Gambetta

8.6 pour le degré non pas de l’air mais de la bière 
Laissée là sur un muret prés des bureaux de la Sécu 
La voir, vestige de nuit, s’imaginer l’histoire qui va avec
L’ébriété le social l’insécurité des émotions au moment
Où cul-sec 8.6 degrés d’alcool coulent dans le sang
Et la Sécurité Sociale brille un peu, ivre dans les yeux 
Du quidam qui boit, seul dans la nuit Cours Gambetta
  • 25.2.23

JE JE JE

J’ai de la brume dans la tête, les idées pas très claires. Je sors dans la rue, par les pieds ma fatigue que j’écrase. La suspension puis la charge de mon poids sur le sol. Les rebonds sont lents et lourds, comme dans un rêve. Le rêve que je rêve que je rêve tourne autour de mon nombril. Mes Je sont indécents, mes pas théâtraux au cœur d’un envoûtement de l’espace et du temps. 
J’ai de la brume dans la tête. Depuis six mois, je marche pour oublier. Et mon corps va tout seul sans parler à la brume. J’avance et l’univers est à côté de moi. Je Je Je. Je ne suis plus dans la réalité. Le manque rit dans les creux. Il y a six mois. J’en suis fier et triste. Il y a six mois, je suis devenu un fumeur abstinent. Depuis, j’ai de  la brume dans la tête, les idées pas très claires.
  • 25.2.23

La femme au balcon reçoit

Ce soir, la femme au balcon reçoit. Un groupe d’amis dans la cuisine, autour de la table, un verre à la main, tous largement empruntés, devisent de tout de rien. Les têtes cherchent de la consistance alors on dandine, quelques pas sur place, piétine, trépigne. On se cherche du regard, un appui qui permet de durer, d’exister, malgré les solitudes modernes qui réfrènent et donnent à l’assemblée une bonne humeur factice. Les sourires sont trop appuyés, les bouches sèches, la pointe des pieds un repère quand la gêne tangue.
Heureusement, l’alcool descend dans les poches pour soulager l’anxiété des mains, remonte jusqu’à la tête, fulgurant remue-ménage dans les méninges, et les maxillaires se détendent. 
La fête peut commencer et moi fermer les volets.
  • 24.2.23

Pas me sortir l’idée

J’avais envie et il n’a pas plu
Malgré le gros jour son nez pris
Dans la sphère des ombres grises 
Gris un peu clair mais grises
Le jour n’a pas plu pas d’eau 
Tant pis j’avais envie qu’il pleu-
Ve pas me sortir l’idée de la tête 
(Caprice)
  • 23.2.23

Milène Tournier

Je suis avec Milène Tournier
À faire tourner la ville 
Comme un manège
Avec le même vertige
Debout sur la moto l’auto
Ou l’autruche à vouloir 
Attraper le pompon
De l’instant caché derrière 
Chaque geste que la ville souffle 

-

(Lisez « Ce que m’a soufflé la ville » de Milène Tournier paru au Castor Astral puis les autres textes parus ou à paraître. J’ai pensé à Marlène Tissot, à Thomas Vinau, plus loin plus loin à Félix Fénéon et ses nouvelles en trois lignes ; puis j’ai arrêté de penser, c’est Milène Tournier, c’est elle, elle si singulière)
  • 23.2.23

On en a plein le poème

On en a plein le poème de la Mort 
Plein les pages elle transpire 
Est-ce morbide de versifier la Mort ?
A-t-on le droit dans un sourire 
De l’évoquer en ironie et peur mêlées ?
On en a plein le poème de la Mort 
C’est du silence en barre, du commun
Qui à force de métaphores fera péter
Mon ciboulot de poète du dimanche
De poète de Facebook de ses morts 
Est-ce morbide de versifier la Mort ?
  • 23.2.23

flou caillé malade

On devrait tous être fiers d’être
Un peu flous caillés malades
De cette maladie que l’on attrape
À la naissance : la vie dure
L’avidure, mot-valise d’une souillure
Qu’apporte la vie dès qu’elle naît 
À nos coeurs flous caillés malades
  • 22.2.23

La figure tordue

Elle s’est levée brusquement avec la figure tordue. J’ai cru d’abord à une douleur, un faux mouvement, son pied nu pris sous la rambarde du balcon ou quelque chose comme ça.
Il s’agit, je le sais maintenant, d’une mauvaise nouvelle qui lui est sortie du téléphone qu’elle tient en permanence dans la main.
Lèvre inférieure remontée sur la supérieure, moue des grandes peines, elle a fixé ma fenêtre mais c’est en dedans qu’elle posait le regard comme on pose une stèle. Noir le regard, aussi noir que ses cheveux. Tignasse dans laquelle, après cet instant flottant où j’étais gêné dans son champ de vision, elle a plongé ses mains, téléphone compris, les a relevés grandes mèches au ciel puis un œil vers moi est rentrée affolée chez elle.
La fenêtre est encore ouverte au vent. Les deux battants tapent régulièrement, l’un sur l’autre comme sonne le glas.
  • 21.2.23

Envie de pluie

J’ai soudain envie de pluie 
Que les gouttes cliquent 
Sur la vitre en piqué doux 
Que coule l’eau sur les peaux
Mortes de trop de soleil

J’ai soudain envie de pluie 
Comme envie de plisser 
Les yeux gros de larmes 
Que l’eau coule fasse taire
Les poux les poussières
  • 21.2.23

Qu’est-ce qui fait

Qu’est-ce qui fait qu’on marche 
Tout le temps vers qui vers quoi 
Dans le son mat de nos pas 
Qu’est-ce qui fait le talon dur
Au son plus fort, au pas plus marqué
Dès nos pieds besoin d’exister
De montrer : écoutez je marche
Et mon bruit est plus fort que le vôtre
  • 20.2.23

L’homme près de l’esplanade

Je repense à cet homme près de l’esplanade hier après-midi. Il est arrivé quelques minutes après moi alors que je m’étais installé au centre d’un banc. Il ne m’a pas parlé, ne m’a pas demandé de me pousser un peu, à gauche ou à droite, pour qu’il puisse s’asseoir. 

Je repense à cet homme assis à côté de moi. Il lisait un programme de télévision, l’a ouvert à plusieurs reprises pour s’assurer des infos de son émission du soir :  l’heure de diffusion, vingt-et-une heures dix, enfin, si la publicité ne s’éternise pas, les invités, sont-ils connus intéressants, la durée, pour savoir à quelle heure ça va le faire aller se coucher, cette affaire. Mais il ne m’a pas parlé. 

Cet homme près de l’esplanade alors que je prenais toute la place sur le banc est venu s’asseoir à côté de moi sans que je ne m’en aperçoive, sans me parler. 
Cet homme-là, bardé de solitude, auquel je repense et qui, hier, s’apprêtait à regarder une émission en prime-time sur TF1, eh bien je sais ce matin qu’il n’a jamais existé.
  • 19.2.23

10 minutes, esplanade Charles-de-Gaulle

J’ai acheté un petit Poésie/Gallimard
Au marché du samedi 
Esplanade Charles-de-Gaulle
Travailler fatigue
Suivi de La mort viendra
et elle aura tes yeux
Hasard je parlais l’autre jour du Métier de vivre 
Du même Pavese ; tout de même 
Il aimait bien les titres plombants 
J’ai peu dormi, même le soleil
Qui tape sur le banc où je lis
Les premiers poèmes du jeune Cesare
N’arrive pas à me sortir de la fatigue
De vivre ? Certainement 
Une jeune et belle fille passe 
Je me demande quels yeux elle aura
La mort 
(Ambiance)
  • 18.2.23

Sur une lune bien jaune

Cet homme encore à la lumière 
D’un soir de lune bien jaune 
Avec son casque sur les oreilles
Les yeux en appel de phares 
Le corps en secousses qui veut parler
Cet homme chantant à tue-tête 
Est-ce la lune la tombée du jour 
Ou mon imagination qui me fait des tours ?
Mais j’ai vu une bête hurlant à la mort 
Un désespoir dans son chant joyeux
Sa danse sur le trottoir une incantation
À je ne sais quel dieu du soleil 
Qui lui manque, sûr qui lui manque 
Du soleil pour chanter comme ça 
Dans la rue avec le soir tombant
Sur une lune bien jaune
  • 17.2.23

Au bistrot de Jeannot

Je suis au bistrot de Jeannot
Y a le Marcel puis le Robert 
Arrimés au comptoir comme  
Deux esquifs au port
Un jour de tempête 
Y a des coupelles de cahouètes
qui trempent dans l’eau croupie  
Des cendriers jaunes en triangle 
Avec Ricard inscrit autour
De la fumée jusque dans les oreilles 
Michel Sardou dans le juke-box
Et Marcel et Robert, ces baltringues
Qui tanguent sur les tabourets
Avec leurs taches rouges dans les yeux
Leurs haleines d’alligators 
Leurs cancers pliés entre les dents 
Y a aussi des olives noires toutes fripées
Et des salades plein leurs bouches 
À Marcel à Robert, à toi à moi
À qui dira la plus grosse connerie 
Je dénoyaute des souvenirs 
Peinard en butant le flipper 
Celui à afficheurs à rouleaux
Avec le chanteur de Kiss au milieu
Qui tire sa longue langue 
Je suis là, décontracté du gland 
Quand ça me fait tilt dans la tête :
Tant que je suis au bistrot de Jeannot 
À claquer les extra-balles du souvenir
Le Marcel le Robert sont pas vraiment morts
  • 17.2.23

Plus que son poids

Le jour est dans le carreau
Juste à la place où il faut 
Forcer un peu
Y mettre un sourire avec les yeux
Pour ce que ça coûte 
D’être léger quand tout pèse 
Plus que son poids
  • 16.2.23

C’est à peu près tout

Un calme hésitant. Des paroles au loin étouffées par le gris du ciel. Les murs dans leur fonction de murs, protection et barrières. Midi se tient à plat. Un klaxon essaie bien de briser une boucle de temps. Mais rien n’y fait. Une hulotte hulule. La gâche d’une porte puis son claquement. Une odeur de cuisine, relevée mais furtive. Part une voiture. Son ronronnement ne dérange rien. Un calme hésitant étrange. C’est à peu près tout.
  • 15.2.23

Mais pour de faux

L’espace est blanc, les lubies sont aux affaires
La fenêtre a des vagues sous le regard
Un flou où les idées abondent, pêle-mêle 
L’espace est rempli d’eau mais pour de faux
Me rate et manque, rate et manque 
Je m’affaire pour fuir l’important  
Qui met les yeux en alerte, oblige à voir clair
Quand je préfère que persiste le flou de l’eau
  • 15.2.23

Ça bouloche

Un haut en polaire d’un marron discutable, un marron qui lui-même ne croit pas à son couleur, sans parler de cette capuche avec, à l’intérieur, cette fausse laine de mouton qui bouloche dans les coins. Non vraiment ce sweat ne me dit rien qui vaille et le balcon le sait, il n’y diffuse pas la lumière habituelle. Il se dit : pas la peine de soigner l’éclairage si le costume n’est pas un minimum soigné.
C’est comme ça. Aujourd’hui, la femme au balcon est mal éclairée, mal attifée, en un mot : décevante.  Je me console en me disant qu’elle est raccord avec le temps, doux mais gris, un temps à sortir en polaire juste pour le courant d’air qui pourrait surprendre. Et ce n’est pas le rayon de soleil qui vient de rebondir sur une bouloche qui me fera changer d’avis.
  • 14.2.23

Le jeu de l’arbre

Entre le lit le café et un reste de calme
Les tensions reviennent bourrasques
Pareilles à un vent qui se serait endormi
De fatigue contre un arbre dans une clairière
Et qui aurait rêvé toute la nuit durant
De s’échapper de cet apaisement subi
Au lever c’est l’heure du jeu de l’arbre
Lire écrire écrire lire dissiper le vent – tenter
De retrouver une place dans la clairière
  • 14.2.23

Sans cesse

Derrière ma chambre il y a une lumière
Sans cesse allumée jour nuit elle brûle
La surface des murs elle paraît irréelle 
Certaines nuits quand je la fixe 
Elle se trouble devient une plaque 
Qui pourrait bouger de son mur
Pour venir sur le mur d’en face
Car sur le mur d’en face sans
Cesse aucune lumière ne brûle
  • 13.2.23

Avec sa façon

Avec sa façon si personnelle d’avancer à coups de fragments 
L’homme me parle sans dire de mots, sortent
Des pensées par paquets, il dit venir de Paris
Arrivé dans la nuit comme toutes les choses importantes 
Arrivent la nuit, c’est lui qui dit ça avançant 
Vers moi avec tout le bruit qu’il a en lui, s’ensuit 
Un discours qu’il semble avoir appris par coeur 
Par convention ; je lui dis ne pas avoir d’argent 
Merci de m’avoir écouté les mots sont des dangers et part 

(Ce matin dans la rue)
  • 12.2.23

Tu as des misères

Tu as des misères à te faire pardonner, disait ma mère 
Quand je rentrais tard le samedi soir, dimanche tôt
Vers six sept heures les misères pour elle étaient des erreurs 
Petite nuit dans le couloir, au bout sa chambre 
Avec la lumière sous la porte, mon haleine sur les murs
Ma barbe clairsemée de tabac et d’alcool, j’avais des misères oui
Quelques fleurs dans la tête, m’a-t-elle pardonné ?
  • 12.2.23

10 minutes, place François Jaumes

Le soleil tombe sur la table 
Me chauffe les jambes 
Des fenêtres sort une musique
Par saccades une sorte de beat
Content de soi rappé chanté
J’y mélange Antoine Emaz
« Caisse claire » à sons lourds
Un chien couine sous un banc
Il n’aime pas le rap 
Le soleil tombe sur la table 
N’arrête pas de tomber 
Je termine le premier poème 
« Poème du mur » le beat se tait
Le chien aussi j’écoute le vide en moi
  • 11.2.23

Ç’aurait pu

Ç’aurait pu être un poème vite plié
Cet homme marchant droit
Plié droit 
L’opposition aurait fait tressaillir le lecteur 
Jusqu’au bout du poème 
Plié droit 
L’homme marchant dans la rue 
Engoncé(e) rue ou homme même foulée 
Taillé(e) dans la même rigidité
Plié droit 
Oui vraiment il aurait été vite plié
Ce poème sur l’homme droit dans la rue
Mais voilà il est passé c’est fichu
  • 10.2.23

Quelque chose de vain

Quelque chose de vain traverse la pièce, à la fois intime et étranger. L’envie de tout changer côtoie la permanence. 
Elles se regardent, tournent en rond. L’envie par la fenêtre pose un regard froid. Le jour est là, passive passion. La permanence est une coquille vide mais garde la capacité de flotter. Le songe près du radiateur est ce qu’on fait de mieux pour partir sans rien déranger.
Quelque chose de vain traverse la pièce. Je le saisis, étranger et messager.
  • 10.2.23

Il y a des soirs

Il y a des soirs où le calme ne vient pas
Le jour fait ses affaires avec les habitudes
La lumière tombe sensible aux choses 
Le monde descend sans rechigner
Mais un bouillon secoue les ombres 
Oh rien ne passe qui vaille une histoire
Le visible reste lisible, le commun à sa place 
Mais le calme ne vient pas avec le soir
  • 9.2.23

Petits pas dans la nuit

Petits pas dans la nuit d’un poème de rien, poème Kleenex
À jeter dans la corbeille du réel après usage 
Attention pas celle réservée aux cartons ni celle pour le recyclé 
Voilà celle-là la poubelle verte, pour le tout-venant 
Et le rien d’advenu, c’est un poème sans importance 
Si ce n’est sa façon de marcher dans la nuit, écoutez 
Comme ça dure mais allez-y, je veux pas vous déranger
Si vous n’avez pas le temps, il en passera d’autres, des poèmes
À petits pas des poèmes de rien des poèmes à jeter
  • 9.2.23

Je regrette les ratures

Je regrette les ratures, à peine levé 
Devant mon café cette idée un peu réac
Taraude ma pensée : la rature est devenue invisible 
Les écrans ont oublié l’erreur, rayé le souillon du système 
Le pattes de mouches, le mot biffé illisible n’existent plus 
Je regrette de ne plus voir de ratures
Cette idée plume ressortie de l’encrier de la mémoire  
Passe aussi vite qu’un buvard sur la page
Même si relevant la tête, en moi au fond du café
Et jusqu’à la pointe du jour, persistent d’étranges ratés
  • 8.2.23

Pour y faire de la buée

Un homme sur un banc souffle sur ses lunettes, pour y faire de la buée 
D’un mouchoir en papier puis du revers de son écharpe
Nettoie le verre, le regard porté vers un intérieur de soi
Au soir quand baisse la lumière, un homme sur un banc
Pesant de nostalgie, d’un geste que je croyais oublié
Au profit d'une lingette à la lotion odorante dégraissante
Allez savoir pourquoi cet homme sur ce banc m'émeut
  • 7.2.23

La fosse aux loups

Ne sais pourquoi, cette nuit m’est revenue la fosse aux loups
Mon père la nommait ainsi, au bord d’un chemin assis
Sur un muret en face du grand trou, il me faisait peur 
Criait aux loups de la fosse avec un rire moqueur qui tirait
Les rides de ses yeux vers le haut et en bas profond 
Les bêtes noires tout droit sorties d’une légende ancestrale  
Ourdissaient de sombres desseins à mon encontre ; frousse que j’ai eue
Cette nuit où sont revenus, non pas les loups mais les yeux de mon père
  • 7.2.23

Insérer ici un soupir

Les mots ont commencé leur conquête, je veux dire 
Que je ne maîtrise pas plus ce que j’écris que mon destin
(Insérer ici un soupir ou un sourire tant la liberté des mots chez
Celui qui écrit est un marronnier de toutes les saisons)
Néanmoins moi qui essaie de classer numéroter sérialiser 
En somme contrôler, les mots matin midi soir ont tendance
À n’en faire qu’à leur tête : tenez, ce texte va terminer sa course
Bête comme il l’a débutée, les mots ont commencé leur conquête
  • 6.2.23

Ce matin rouille

Rouille. Ce matin, rouille.

Elle est descendue du lit, a enfilé son pull, ce vieux pull rouille qui lui sert de haut de pyjama, de robe de chambre, il est court mais lui couvre quand même les cuisses. Il est élimé, ça bouloche mais elle l’aime bien, il n’a rien perdu de sa douceur. Une maille de laine parce que la maison est fraîche, le matin.

Durant la nuit, elle baisse la température de ses radiateurs. Alors, au petit jour, le pull rouille, elle aime bien le retrouver sur le fauteuil crapaud. Les pieds nus sur la carpette, elle l’enfile machinalement. C’est un rituel de l’hiver, s’étirer tout en essayant de ne pas sortir les bras de la couette, se frotter les yeux, lâcher une bouche ouverte au jour qui filtre des volets et pieds nus, carpette et rouille.

C’est rassurant ces gestes quotidiens, rien qu’à soi, avant que ces deux enfants ne s’éveillent, crient, chahutent, dissipent la rouille dans laquelle elle aime s’envelopper.
  • 5.2.23

Mémoire de forme

Je vais céder ma mémoire à plus jeune que moi, la nuit me parle 
D’obsolescence programmée, passe la main dit-elle 
Comme si on pouvait y échapper, appuyer sur retour 
Nettoyer les chevilles grippées et repartir 
Non je garde mémoire de forme le pli l’élégance de celui
Qui sait se retirer docile, avant l’éclat qui tombe à l’eau 
Je cède ma mémoire pour presque rien, de toute façon 
Quelque messagerie intelligente a déjà toutes les réponses 
Que vaut l’expérience sensible, rien rien qu’une mémoire pour la forme
  • 5.2.23

10 minutes, à la table du poète

Le poète est absent. J’aurais aimé le voir à sa table de fer, affairé à écrire entre les couleurs écaillées. Je me demande la tête qu’il a, ce poète. À laisser sa table vide dans la rue, il n’est pas bien prudent. 

Je marche, rue Haguenot, les idées emberlificotées dans la fatigue. Je marche contre le vent qui se faufile dans les rues. L’impression qu’il me suit. Dès que je m’engouffre dans une ruelle où je me dis là, le vent ne passera pas, trop étroit, il m’attend au prochain croisement, emportant ma casquette et mes pensées sur le trottoir d’en face.

Bref, je déambule péniblement quand je me trouve face à la table du poète. À la table vide qui invite à écrire ou dessiner, à laisser une trace. Pas de poète et sur la cordelette – qui délimite l’espace du poète absent, devant son petit portail rue Haguenot, abandonnée aux quatre vents – sur la cordelette une feuille épinglée et il est inscrit dessus ce qui s’apparente à un poème, enfin plus à une mystérieuse quête qu’à un poème. 

En l’absence du poète, je me suis installé. C’est au 7, rue Haguenot. Le poète est présent. Je vous attends.
  • 4.2.23

Le corps a des attentes

Le corps a des attentes, fièvre qui coule sous les doigts 
Je le sais aux aguets, ancré dans quelque maison 
Où je ne veux plus aller ; ça sent un corps qui attend
Dans une couche qui n’existe plus, les peaux mortes la sueur 
Tout ce qui suinte dans les plis jusque dans l’esprit 
Où le rêve monte des images baroques et noires
D’une fièvre le matin qui me coule sous les doigts
  • 4.2.23

Va comme je te pousse

La semaine traîne des pieds et vendredi soir arrive avec son air
De fête qui n’y croit pas, c’est février loti de somnolences
Les paupières de l’hiver tombent dans la rue ; entre la boulangère
Qui baisse son rideau et le gars du bar qui prend son service
Des années de bonsoirs murmurés ne changent rien
Rien ne vient entre eux, ça ne lève plus les yeux
C’est un vendredi soir de février qui va là comme ils s’ignorent
  • 3.2.23

Je suis sombre

Je suis sombre, ne tiens pas à ce que ça se voie
Un paysage d’ombres sous un soleil d’été, ne dis pas ce que je vois
Ne tiens pas à verser des noirs des gris des fausses notes 
On m’a appris à dissimuler, à ne pas étirer trop mes bras
Tout le monde a ses problèmes, n’ennuie pas les gens avec ça
Je suis sombre, ne tiens pas de plaintes à haute voix
Les cache, en fais des jais, au fond tout au fond dans le ventre du mot
  • 3.2.23

Le dedans du dedans

Je dis au corps de se détendre, regarde l’air libre 
Dehors est une énigme, sa légèreté pèse
Dans le dedans je compte, petites flétrissures quantifie
Classe puis oublie, le corps bouge ne se détend pas
De la tête au corps, ça tire à soi n’écoute pas
Le poids du bruit dedans, tout occupé par le vol de l’air
  • 2.2.23

Jacques ROUBAUD

Avec Jacques ROUBAUD, j’ai passé quelques jours noir 
Un noir singulier, une peine astronomique qu’il ne chiffre pas 
Qu’il ne peut pas chiffrer, les mathématiques qu’il a
Pour famille l’empêchent tant l’émotion n’est pas chose quantifiable 
Il n’y a pas de probabilité ou d’algorithme au chagrin 
ROUBAUD pose un et retient le deuil , le magnifie
À la moulinette de l’Oulipo comme si l’amour était une contrainte 
Sous la bosse des chiffres glisse l’élégance des mots disant la perte
Ce « quelque chose noir »
  • 2.2.23

Un tempo lourd

La nuit a dansé sur les toits, un tempo lourd l’a tenue 
Éveillée les bras tendus, la tête ballante à dégingander la mort 
Au lever reste le mot qu’hier je n’arrivais pas à avaler 
Avec le mot elle a dansé pour oublier, la nuit a soûlé le doute 
Leurrée par la danse, les basses très basses le tempo lourd très lourd
  • 2.2.23

Ce mot n’existe pas

Peut-être que ce mot n’existe pas, que je le fabrique 
Pour être en accord avec moi-même, peut-être 
Pour faire briller mes nuances, rendre quelque reflet chatoyant 
Ou alors je l’ai lu dans un livre, l’ai fait mien en écho
Il n’est peut-être qu’une résonance, un déchet cosmique 
Qui rôde dans l’univers depuis l’origine des temps, va savoir
Ou bien tout le monde croit qu’il existe et il vit de la seule force de nos croyances 
En attendant le mot court, dans mon corps chat sauvage
Aux griffes acérées, le mot écorche, le mot écrase, le mot doute
  • 1.2.23

Présence à soi

On peut oublier la présence, sa présence à soi 
Quand au lever encore dans les limbes,
heurter le coin du lit
Ou ne pas trouver son chausson gauche nous rappelle qu’on est peu
Maniable avec notre chair flasque, nos encoignures mal jointés
Nous rappelle que les objets gouvernent nos errances 
Cachent notre présence à soi, sous le lit bien au milieu – inaccessible
  • 1.2.23

Le hoquet

L’enfance boit la tasse, c’est souvent le soir
Que revient le hoquet au souvenir des crépuscules ratés 
Le besoin d’amour boude dans la soupe, la cuiller remue 
Racle les peurs séchées au fond comme des algues 
Le soleil descend avec moi sous la table, tendrement  
Voudrais l’eau qui enveloppe, respirer ne jamais boire la tasse
  • 31.1.23

Pour dire vrai

Midi et j’ai les yeux suspendus aux fils électriques
Qui passent devant les fenêtres de l’immeuble voisin
C’est beau, les fils électriques, le charme de la désuétude 
Ils tiennent à la rue comme à ma petite mélancolie, de par 
Leur lent balancement entre une brise sans importance
Et le cataclysme chimique qui occupe mon esprit 
Si un quidam passait, il dirait de ma tête qu’elle est ailleurs ; oui ailleurs
À cheval sur un déséquilibre, en porte-à-faux pour dire vrai
  • 31.1.23

Vieille carne

Ce matin a les dents longues, une odeur de chien crevé 
Il se traîne sur le pavé, vieille carne la gueule en sang
Ce matin a les crocs, grogne et mord dans la nuit 
Comme si c’était un morceau de barbaque ; oublie
L’aube claire couleur curaçao, coulis d’orange sur les toits 
C’est un matin de boucher, une trace rouge sur le tablier 
Du jour duquel il faudra sortir les boyaux pour avancer
  • 31.1.23

Autant au monde

Il se pourrait que je sois autant au monde
Que cet objet devant moi qui m’écoute
Autant au monde que ce cylindre de métal
Qui va de sa base rétrécissant jusqu’à un trou
À son chef parfaitement circulaire 
Autant au monde si l’on considère
Que tout est affaire d’ouverture à la tête, de trou
Qui mène plus au néant qu’à une tangible présence au monde
  • 30.1.23

10 minutes, dans le canal

Je file dans la ville, le ronronnement du tram sous les paupières 
Station Les Aubes comme si le nom devait me réveiller
Je descends du tram puis dans le canal du Verdanson
Maigre cours d’eau qui charrie vases et petite eau noire 
Je descends dans la couleur des artistes de rue ; ici dans le canal
À l’abri des gesticulations urbaines, les bruits de la ville
Deviennent sourds, tombent dans la fosse bigarrée
Je suis leur cortège de lumières légères qui battent froid le gris du ciel 
Je songe à la mer plus loin vers laquelle le Verdanson court 
Le froid pique ma peau, l’endroit pourrait effrayer mais je suis bien
  • 30.1.23

Gabatch

La table souffre de tant de poids. 

Tu œuvres dans la souillarde, à dégager le fatras amassé là par le temps. 

Chaque chose est pour moi un objet de découverte. Sur la table se posent ta voix, ta colère et ta vie de gabatch. 

Grand-mère au corps diaphane, à la peau élastique, au cœur de tombe. 

Tu ranges des siècles par pile. Des casseroles sans queue, des marmites cabossées, des poêles de rouille. 

Tu souffres de tant de poids.
  • 29.1.23

Un point

Je regarde par la fenêtre un point sur un balcon voisin ; mes idées dans le coton de la nuit, je tourne autour, du point et des idées. 
Ma main tremble, hésite, recule. Je n’écrirai rien, ce matin. Sur la table, le café brulant n’ose pas fumer. Les livres habituellement si loquaces se taisent. 
Je regarde par la fenêtre un point sur un balcon voisin ; il se pourrait que ce point soit une fin.
  • 29.1.23

Quatre couleurs

Encapuchonnée comme un stylo quatre couleurs, tu marches vite devant moi. Tes jambes font des ombres en anneaux sur le trottoir, sortes de cercles qui varient en volume et intensité selon les caprices de la lumière que projète un grand réverbère. 

On avance tous les deux, l’un derrière l’autre. Quelques dizaines de mètres et je suis saisi d’un malaise. Si quelqu’un nous regarde, il pourrait croire que je te suis, toi avec ton bonnet quatre couleurs, ta silhouette en anneaux, tes petites jambes qui courbent le trottoir. 

J’accélère pour te dépasser, tu accélères aussi. Celui ou celle qui regarde, si quelqu’un regarde, ne comprend pas ce petit manège de couleurs et d’ombres. Car la mienne d’ombre, silhouette de grand échalas, te recouvre presque entièrement depuis que nous avons ensemble bifurquer rue Carlencas et que le réverbère derrière nous ressemble désormais à un gros spot en forme de lune couchante.

Nous continuons jusqu’au seuil de mon immeuble. Je m’arrête. Tu prends à gauche tandis que je prends mon temps pour chercher mes clés, les glisser dans la serrure ; tu sautes sur l’autre trottoir tout en faisant tourner quatre couleurs dans mes yeux qui te suivent en coin.
Tu es vite devant ta porte, penches la tête, me tends à ton tour le coin d’un œil et entres chez toi. 
Je ne t’ai pas reconnue, chère femme au balcon.
  • 28.1.23

Fort clos

Le volets sont clos comme des dossiers que l’on ne voudrait pas rouvrir.
Dossier clos. Cette nuit a manqué d’ouverture. Elle rampe sous la fenêtre, péniblement résiste à l’assaut de la lumière. Les volets, le dossier, le matin sont clos. Fort clos. Forclos : en Droit, exclu d’un acte à cause de l’expiration du délai imparti. Pars. Sors, faut. 
Les volets sont clos comme des dossiers que l’on ne voudrait pas rouvrir.
  • 27.1.23

Va tombe

Le soir glisse dans la rue, avec ses manières de sioux tendre
À qui passe ressasse des frustrations, des coups de coudes dans le ventre 
Qui font le lot des vacillements, lents pas mauvais mais sûrs

Ma langue pavoise sur le rebord d’un muret détruit 
Quelqu’un ici à essayer un passage, un coup d’épaule
Un coup de coude dans le ventre pour remettre viscères et vie en place

Va, le soir, tombe ne t’en fais pas j’essuierai ton passage
  • 26.1.23

J’en étais à mon être

J’en étais à mon être 
tout de paraître et de
minutie, de cheveux 
qu’en quatre il ne suffit 
pas de couper il faut 
sectionner disséquer 
comprendre l’inutile 
l’inessentiel et terre 
peut bien tourner 
dans un sens ou
dans l’autre il faut 
sectionner disséquer 
comprendre l’ustensile
sensible fébrile vibratile
qui permet de vivre
pour se dire un jour :
j’en étais là et quoi ?
  • 26.1.23

NEUROTRANSMISSION

Mon cerveau est un amas 
de cellules gloutonnes 
Je n’entends plus que
le bruit de leurs bouches
Elles absorbent mâchent 
déglutissent graissent 
puis dégraissent glissent
puis salivent et appellent 
leurs nouvelles charges 
leurs nouvelles nourritures

Envoie balance envoie envoie 
la charge envoie envoie 
le positif la bouffe grasse 
envoie du plaisir envoie envoie 

Mon cerveau est un amas 
de cellules gloutonnes
Il ingurgite il rend sa bile 
envoie renvoie vomit 
de la neurotransmission 
Oh dopamine chérie !
Me voilà !
Je suis devenu 
un neurotransmetteur
un bon gros neurotransmetteur
à hélices qui bourdonne
à l’oreille des cellules gloutonnes
  • 25.1.23

J’en étais là

J’en étais à imaginer des trucs à suspendre dans la nuit : un accroche-lune basse tension, un trapèze à nuages solaire, un pèse-ombres connecté ou encore une ampoule LED belle. 
Je jouais à l’inventeur du dimanche, de ceux que l’on invite aux dîners de cons et dont on se moque du rire gras en riant encore plus bêtement.
J’en étais là quand il ne s’est rien passé de plus. J’imaginais qu’en imaginant des objets rocambolesques à vocation écologique bien de notre époque, quelque chose d’extraordinaire adviendrait. Le Eurêka du rêveur, le génie né d’une serendipité poussée à l’extrême. Eh bien, ça ne venait pas. 
J’allais renoncer, frustré, redescendre mon trapèze, décrocher toutes les accroches quand apparut par la fenêtre l’extraordinaire attendu. Pas une, ni deux mais trois femmes au balcon alimentées par trois belles ampoules LED vissés sur la tête : trois vierges Marie cerclées comme des anges basse consommation. Alléluia ! Dieu est grand ! Dieu répond ! Dieu est énergétiquemenf sobre !
  • 25.1.23

JEAN-CLAUDE PIROTTE

En suivant Jean-Claude Pirotte, je longe le vin et les chemins
De traverse sur les coteaux de Bourgogne où même d’ailleurs
Tête à la cavale, toute une vie fragile tient dans sa phrase
Sûre, elle ne discute pas le poème qui sort de sa barbe de clochard céleste 
Ironique facétieux, je souris avec Pirotte, pris sous sa langue élégante,
Son histoire de Rocambole et sa voix de pierre ponce
Je le mélange au père, aux volutes de tabac, à la poudre d’escampette
Depuis sa table d’écriture, au chevet de la maladie jusque dans la mort
Je sais qu’il noircit encore des feuillets de vrais faux souvenirs
  • 24.1.23

Lundhiver

L’hiver retrousse ses manches, je le sens tapi sous les volets 
À fomenter son plan froid, l’œil sec et le regard droit 
Il est ce monstre au corps invisible, aux dents qui mâchent la peau
Tapi sous une laine bouclier, j’attends qu’il sorte du bois, m’arrache 
Du canapé pour le grand combat – bref c’est un lundi de janvier
Lundhiver de janvier, affûte ton vent ! Je suis prêt !
  • 23.1.23