Hors de toute attente llegaré / j'arriverai là

1.4.11

Hors de toute attente llegaré / j'arriverai là.



Hors de toute attente llegaré / j'arriverai là, quelque part, loin de ce chemin sombre / voix dispersées llegaré / j'arriverai.



L'absence a versé du noir de la nuit sur des fragments d'images des fragments de lieux des fragments de paroles, llegaré / j'arriverai loin de ce chemin sombre / voix reliées.



Tourner tourner retourner réveiller saisir quelques mots, ces mots comme une lumière douce de fin de jour, pour dire je peux me tenir là quelque part dans ce souvenir, quelque part dans ces lieux sans nom, ces lieux de passage commun, une gare un square, ce lieu de passage éphémère un théâtre grec, llegaré / j'arriverai loin de ce chemin sombre / voix mêlées.



Je peux me tenir là, quelque part dans cette répétition de mots :

allez on y va on peut y aller on y va allez allez tu verras c'est oui je sais mais Barcelone Barcelone c'est pas si loin allez on y va on y va on s'arrangera je ne sais pas avant six heures le train et bien on attendra on attendra quelque part on pourra attendre le train oui on pourra attendre le train quelque part allez on y va allez après le spectacle et bien oui on attendra quelque part on attendra cinq heures six heures on prendra le premier train pour Sabadell allez c'est rien cinq six heures on y va d'accord tu es d'accord.



Je peux me tenir là, llegaré / j'arriverai llegaré hors de toute attente llegaré llegaré con los últimos ecos llegaré avec les derniers échos de ta voix llegaré / j'arriverai avec nos silences.



Nous sommes maintenant dans la nuit, la nuit de l'arrivée des danseurs de Sankai Juku, Yoichiro Yoshikawa, Amagatsu Ushio, Semimaru, Sho Takeuchi, Taiyo Tochiaki sur la scène du théâtre grec de Barcelone. Nous sommes toi et moi dans le silence, le silence dans nos corps le silence dans nos bouches, le silence sur les pierres fraîches, le silence dans les arbres lointains le silence dans le ciel.



Je peux me tenir là dans le mouvement suspendu d'un corps de danseur, dans le mouvement désordonné de nos silences.



Cinq corps dessinent maintenant l'imperceptible avancée vers le chaos dans un espace de chutes d'eau et de sable, cinq corps étirés entre le bas enraciné et le haut de l'obscurité, cinq corps fluides lumineux dans une vaste pénombre, je me tiens là quelque part, dans le mouvement intense et minuscule, dans le noir du chaos et la lumière du mouvement, allez on y va on peut y aller on y va allez tu verras. Le danseur Amagetsu Ushio disparaît sous l'infini chute du temps.



Et plus loin dans mon souvenir, la nuit au square et plus tard le retour dans le train de Sabadell. Nous sommes maintenant spectateurs immobiles. J'ai répété le nom de cette compagnie de butô, nous avons parlé de ce danseur Min Tanaka que nous avions vu, accompagné par un batteur dans un garage désaffecté, et puis d'autres noms des noms de musiciens japonais écouté ici, et à Berlin et en Autriche plus tard. Plus tard dans la fin de la nuit, parfois nos têtes tournées vers le passage rapide de jeunes personnes, nous ne parlons plus, nous restons éveillés toi et moi, nous fumons quelques cigarettes, moi jambes pliées sur le banc, bras enserrant les genoux, toi bras croisés tête droite, tu veilles, je ne dors pas. Il est quatre heures, bientôt le point du jour. J'aime ce moment de fatigue du corps et de la tête jusqu'au bout des doigts, je peux me tenir là, dans la nuit, je ferme les yeux, le corps du danseur avant la chute.



Ahora tu voz duerme con los últimos ecos de nuestro souvenir / Maintenant ta voix dort avec les derniers échos de notre souvenir.



Ce texte a été rédigé par Ana NB dans le cadre des vases communicants. Vous pouvez la suivre sur ses deux blogs : effacements et le jardin sauvage sur lequel elle accueille aujourd’hui mon texte.

Et voici la liste des autres participants à ces vases communicants d’avril :
Sandra Hinège et Pierre Ménard
Guillaume Vissac et Laurent Margantin
Joachim Séné et Marc Pautrel
Dominique Hasselmann et François Bon
Michel Brosseau et Stéphane Bataillon
Franck Queyraud et Samuel Dixneuf-Mocozet
Anne Savelli et Piero Cohen-Hadria
Christine Jeanney et Maryse Hache
Claire Dutrait et Jacques Bon
Cécile Portier et Bertrand Redonnet
Isabelle Pariente-Butterlin et Jean Prod'hom
Christopher Selac et Franck Thomas
Morgan Riet et Vincent Motard-Avargues
Brigitte Célérier et Benoît Vincent

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