Il en aurait fallu de peu

On a commencé par parler 
du temps, des soleils 
qui n’en finissent pas,
des astres dégingandés. 

Puis de la pluie qui ne vient pas 
et des rigoles sèches 
que ça fait à la terre
et sous nos yeux. 

De là on a regardé glisser
les rides sur nos joues,
esquissé un sourire triste 
en montrant l’éclat de nos dents. 

Il en aurait fallu de peu
qu’avec ce peu on s’aimât.
  • 30.11.24

J’ai le froid qui passe par les pieds.

J’ai le froid qui passe par les pieds. 
Au fond du lit la mémoire veille,
ressasse et tord des refrains d’enfant. 

La neige que j’ai dans la tête goutte 
sur mon ombre qui compte, une à une,
chaque chose tombée ou qui tombera.

J’ai le froid qui passe par les pieds,
au-dedans les souvenirs en garde-corps. 
J’essaie le reste de la nuit comme un oubli.
  • 24.11.24

Trop vite

Le jour a des impatiences
dans les jambes et les mains
serrées sur le cœur.

Il faudrait faire craquer
les courbes du ciel,
revoir le pays des orages
les prendre en espérance,
retrouver la sortie
dans le petit couloir de lumières
qu’il nous offre.

Mais tout court trop vite
dans nos corps endoloris
pour dénouer la parole
qui nous monte à la gorge.
  • 20.11.24

Obscur

J’éteins la lumière
comme si je soufflais
sur un reste de bougie.

Avec la même perte,
la même fumée noire
qui prend à la gorge.

La nuit dans la bouche
et dans mon regard, 
le souvenir de la flamme.

C’est là que se tiennent
deux trois mots obscurs
qui se disputent un poème.
  • 17.11.24

Un peu de nuit

Il reste un peu de nuit collée à la fenêtre. Une ombre tenace menace au fond de l’œil. 

Le jour éclate en petites bulles de vie. Persuadé d’être le plus grand, il est cette âme d’enfant qui croit à l’infini. 

Un chien renifle derrière la vitre. Sa truffe crée la buée, chasse l’ombre. On aimerait lâcher tous les chiens pour retrouver la lumière.
  • 15.11.24

Dernier verre

L’arbre me fixe dans son remuement.
Une blessure s’ouvre, balance des mots
par-dessus l’automne.

Je lui offre ma table, une nappe propre pour ses pensées, un reste de vieux vin à peine piqué
et l’invite à souper sous les arabesques que dessine l’arbre dans le couchant. 

Le vent se pose. Le dernier verre est pour nous, envahis comme un éclair d’été. 
  • 7.11.24

De puits en lacs

Je cherche un langage commun
sur le mur que soudain le soleil éclaire.

Les mots vont d’eux-mêmes,
de fissures en craquements,

de puits en lacs,
malgré moi, l’entrave et l’ombre.

Libres de toute grammaire,
ils crient de tout leur sens.

Langue en partage, depuis moi
l’autre, le mur et la lumière.
  • 2.11.24