Touche

5.2.12

imageEncadrée, je suis désormais suspendue au mur. Comment suis-je arrivée dans cette position, au-dessus des gens,  leur tournant le dos au mépris de toutes les valeurs que l’on m’a inculquées ? Je ne sais pas. Ou plutôt, si, je sais, je fais mine de ne pas savoir mais je sais, je me colle au déni, pleine de la tristesse que j’éprouve, la tête penchée sur ces notes : blanches, noires, quelle symbolique !

Ma vie sur un clavier, des touches, juste des touches effleurées du bout des doigts : basses notes et dièses survoltées. Je ne veux plus savoir, ne souhaite plus voir, j’ai appris à composer entre les croches et anicroches. Je tiens ma vie sur la touche. Je connais aujourd’hui le prix de la mélodie, le sourd que provoque, au creux de mon corps,  les basses ronflantes. Je connais que trop les acouphènes en suraigu qui se logent au pavillon de ma tête. Déchirante, je connais la chanson et les ritournelles belles.

Je ne veux plus que vous croyiez que je sais. Je veux du blanc tout le temps, ne veux que de larges touches blanches sur mon clavier. Je veux que vous m’aimiez. Alors, je vous tourne le dos, je me la joue mélomane jazzy au fond du bar. Le bar. Le mystère et les vapeurs qui vont avec.

Et c’est moi que vous accroche au mur, c’est moi qui vous touche mais vous n’aurez plus que mon derrière, je ne vous donnerai plus que l’excavation de mes épaules, l’ombre de mes omoplates et si un jour je me levais du tabouret qui donne dans les plis rougeoyants de ma robe la silhouette élégante et femelle que vous souhaitez voir, ce n‘est que mon visage défait que vous aurez, un regard voilé en auréoles saoules d‘une existence sans touche.

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