A l'arrachage

9.4.16

Il faudra laisser du temps pour oublier. Un temps que je ne mesure pas. Un temps pour oublier l’ancien. La vigne n’est plus. Tu n’es plus. Tu es parti avec. Ou plutôt je t’ai fait partir avec. Faut dire qu’il y avait une prime à l’arrachage. Alors, j’ai tout arraché. Une prime à ton arrachement. Chaque souche est sortie de la terre pendant que, toi, tu y entrais, pour toujours. C’est cynique la mort d’un viticulteur. C’est cynique un fils de viticulteur. J’ai tout vendu à l’arrachage – il ne reste qu’un terrain vague aujourd’hui. Une terre de regrets. Les herbes hautes ont pris la place de ta vigne. Sur des hectares, une vie anarchique s’est organisée. Souris et rats taupiers jouent à cache-cache dans les ronces, se souviennent qu’ici avant, ils étaient chassés. Désormais, c’est leur domaine Si je débroussaillais, peut-être, je trouverais un outil, une vieille semelle ou un mouchoir en tissu que tu nouais à ton front les jours de grand soleil. Si je débroussaillais, je te trouverais, peut-être, près du grand olivier envahi, assis là avec un morceau de fromage et une bouteille de vin. Mais tu es si bien en face, à te reposer. Je te laisse du temps pour oublier.

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