Bleu souillé

5.4.16

Tu t’en vas tôt. Toujours trop tôt. Pour que je ne te voie. Pour que je puisse te surprendre au réveil, les cheveux hirsutes et mal rasé. Tu as la pudeur des anciens, des gens qui se taisent et ne se montrent pas. Jamais je ne t’ai croisé dans le couloir sans qu’au préalable tu aies pris soin de toi. Lavé, habillé, coiffé. De toi, le paysan, je n’ai vu que le bleu souillé de ton âme. A l’extérieur, tout était brillance et convenance. Le regard est démis, l’obédience au père est préservée. Tu ne m’auras jamais infligé le doute sur la prescience de ta mort pas plus que sur ton savoir-vivre.

Les matins à rallonge, au dernier coup de midi, je me relève de mes nuits de souffre. Toi, tu as fait ta journée. Douché deux fois et l’eau de Cologne aspergée à outrance traine derrière toi des senteurs de faussaire. Tu habilles ton mal-être comme on raccommode des chaussettes trouées. Avec du gros fil blanc sur le noir de tes pensées. Je suis dupe jusqu’au point d’admirer ta virtuosité à masquer. Parce que tu ne veux pas qu’on parle de toi. Le col est haut monté. A coups d’amidon, tu lisses et assèches les coups qui ravagent ton ventre. La parole est perdue et nos regards sont des malaises.  

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