Lecture des Rats taupiers à la galerie Première ligne, Bordeaux

Vendredi 3 mars à partir de 18h30, j'aurai le plaisir de lire quelques pages des "Rats taupiers", paru aux Éditions des Vanneaux, aux côtés de Cécile Odartchenko et Didier Cros pour l'inauguration de son exposition à la Galerie Première Ligne, 8 rue Teulère à Bordeaux.

Le livre > bit.ly/ratstaupiers_vanneaux
Extraits et critiques > http://www.fut-il.net/search/label/RatsTaupiers

Plus d'infos sur l'exposition > https://www.facebook.com/events/168097357027746/

https://www.facebook.com/events/168097357027746/


Vendredi 3 mars à la Galerie Première Ligne à Bordeaux :

  • 27.2.17

7 variations sur le même thème #6

  1. Une lueur dans le fossé et c’est le monde qui nous revient. Un vieux monde qu’on n’attendait pas ici, enfoui sous la terre des anciens. Son souvenir se blottit entre deux cailloux dans le reflet d’un bout de verre. Pas assez de nos yeux dans l'éclat suscité pour voir les années de lumière. Nous passons en l’ignorant. Le déni est notre bâton d’aveugle.
  2. Un couple a hissé une ombre à ses pieds comme une voile à son mât. La direction est claire, la barre fièrement tenue. Derrière eux nous marchons. Nos corps se cognent à l’ombre. On tangue, on vire, on avale le sel jeté à nos bouches. Notre embarcation est un frêle esquif, plus à l’aise à la cale qu’à la mer. Un grain sur l’ombre et nous sommes déjà loin, emportés par l'impact de la vague. 
  3. A l’épreuve des terres, sous l’amas des boues, nous passons chaque automne dans le chas d’une aiguille. La vue baisse et nos yeux se mouillent au refrain pauvre des saisons. Le temps gonfle et fissure nos mémoires exiguës comme la pluie marque les châtaignes. L’œil de l’aiguille se referme sur nos vanités inavouées. On se pique les doigts à vouloir passer le fil du temps dans un si petit vide.
  4. On suit le soc de la charrue. Luisant au soleil, tranchant la terre nourricière. Il creuse pour nous le sillon sous nos pas. On s’y engage, sans fortune, avec le seul désir d’aimer. On chemine entre deux terres. Une terre solide où nos corps sensibles se tiennent, rampent, mordent et une terre légère aux quatre vents, éphémère poussière qui cache à nos visages le terreau des funérailles. Un jour nos yeux s’ouvrent puis aussitôt se referment. La glèbe épaisse prend le dessus, glisse dans le grand couloir taillée par tous les socs –  lentement nous recouvre.
  5. Le jour où j’ai pénétré la terre, tu fus l’espoir entre les racines. Quelque regard enroulé dans la brume n’osait y croire. Face à face flottaient l’immensité de l’être et sa perception fragile. La sensation l’emporte toujours. Nous sommes une bulle de vie où s’est enfermé un chardon – dans l’attente pure qu’elle éclate.
  6. On a le silence avec nous et la nuit comme gardienne. Loin dans les terres, là où le soleil semble disparaître pour toujours, le bruissement d’un arbre parle de nous. De nous et de la couverture de nos peaux dans le matin blanc. C’est un silence qui s’ajoute au silence, une sorte de rumeur réservée, quelques mots à accrocher au feuillage de tes bras. 
  7. Après la secousse de la terre, à l’instant où tout bascule, tu serres mon bras comme tu t’accrocherais à une branche. Je n’ai pas le corps d’un arbre, pas même celui d’un buisson dans lequel tu pourrais te réfugier. Je suis simplement l’homme qui boit ta terre, surtout quand elle me secoue.
  • 23.2.17

7 variations sur le même thème #5

  1. N’oublie pas la blessure. Le pansement ne cache rien. Dans la plaie résiste une peur que tu ne peux soigner. L’onguent du temps ne soulage rien. La douleur passe à travers la peau malgré l’oubli des peines. Elle est têtue, purulence d’un destin caillé dans notre for intérieur. Sur nos corps affaiblis, au matin des sirènes hurlantes lorsque nous vient l’idée de réformer le monde, elle se gorge de son propre pus. La blessure explose aussi résolue que le regain d’une tumeur – pleine et ardente, à vicier nos vies. 
  2. Le soleil sur ta joue donne un contrejour au rêve. Je ne sais pas ce que je vois, si le rêve même n’est pas altéré par la main qui caresse. Est-ce ta peau que je caresse ? Dans le trouble des heures sans prise, dans un lent travelling, je crois sentir sous mes doigts un corps frémir. Un corps qui défie l’harmonie. Un corps que le rêve a oublié. Au fond du puits de lumière, je me lève. Cerné, je suis l’envers du rêve, l’ombre qui passe sur ta joue.
  3. On doit ouvrir la peau, savoir ce qui se cache à l’intérieur. Dans les entrailles, révéler la blessure secrète. A quoi bon continuer si les squames restent un rempart. A l’assaut des paupières, il faut découper nos regards en fines lamelles. Décanter quelque philtre d’amour à travers les persiennes – observer nos poussières flotter. 
  4. La rage roule dans le ventre, réceptacle de nos peurs inavouées. Quand tu brodes autour de vaines paroles, tu accélères la liesse de l’amertume. C’est au centre du brasier que nous devons émouvoir nos corps. A distance des mots qui perdent. Dans nos creux, nos lèvres prêtes à baiser la peau de l’inconnu. 
  5. Quelle est ta blessure, que tu ne saches même pas où se trouve le feu ? Un orgueil pousse dans ta gorge, dévale ta trachée comme une bombe. Tu ne sauras t’en défaire que si la blessure se donne à voir, sans vergogne. Tant que tu joues avec elle, à la déglutir ainsi sans une once d’humilité, elle restera sécrète, pour finir échouée au fond de ton ventre. Elle enfantera un germe mauvais, une incarnation de ton cœur souillé.
  6. Tout homme a sa bosse, sac à plaintes et souillures. Tout homme est rompu à sa disgrâce, voué à se courber sous le poids sans cesse plus important de la fange qu’elle contient. Lorsque toi tu caresses ma bosse, le vent que ta main soulève érode les opprobres montueuses, les rend légères au point de les oublier. Mais en aucun cas ne les efface, en aucun cas ne vide la bosse. Je ne saurai vivre sans ma besace remplie de la férocité du monde.
  7. Un éclair et tu grondes avec un orage dans la bouche. Tu l’accompagnes dans son désespoir de suie. Avant la lumière dans le nuage. Avant le ciel et ses griffures. Avant que ton courroux n’éclate, pénétré d’électriques coups de semonce. Avant que je me cale contre toi, comme un paratonnerre.
  • 15.2.17

7 variations sur le même thème #4

  1. Au bord de toi, je garde un pied sur la ligne, l’autre dans le vide. Un vertige me saisit dès que ton âme se désaxe. Je reste en rotation, pris dans l’attraction d’un désastre. Ta plainte est un pic, ta langue une corde lisse et je tombe dans un abîme de chair. Tu es la queue d’une comète, un corps céleste à bout de souffle. Je suis ton massage cardiaque.
  2. Dans la nuit saoule où titube une lune frelatée, tu engages ton corps à la vitesse de la lumière. Portée à incandescence, tu oublies la décence pour te donner comme s’offre la proie à son monstre. Mais lorsque le jour naît, le vertige meurt et laisse place au mirage. La lumière crue qui enflait ton cœur d’un fabuleux geyser s’éteint. Les heures tombent et disloquent le réel. Par trop d’étreintes à ton phantasme, l’apesanteur leste l’amour à une chimère.
  3. Fiévreuse, tu laisses le fardeau du monde s’engouffrer dans ton ventre. Le temps d’une large bande recouvre ton corps et creuse des failles, de petites plaies en forme de planètes. Une glèbe ocre dessine l’univers de ta peau, accueille son peuple de lait caillé. Chaque ride à ton visage est une nouvelle frontière qu’il te faut franchir à l’aide d’un chagrin. D’en haut, je te cartographie, je suis un ballon voyageur au-dessus de tes plaines, au sommet de tes montagnes –  un zeppelin qui masque la douleur.
  4. Ta respiration est une décharge. Un congé des mots. Quand plus rien ne peut se dire, un soupir crée une ponctuation. Un cadratin dans l’air prochain qui donne l’incise à nos souffles. Mon seul recours est de conjuguer un verbe à nos corps – à une impérative distance, allons !
  5. Je crois au silence qui ouvre. Propulsé dans le vide où l’écho ne souille plus les mots, je crois à l’inspiration des non-dits, à ce qu’ils secouent en nous d’incertitude. Dans un univers sans écrits, sans cris, ni langues pour les pendre, tu deviens la parole de mes silences – mon fidèle doute.
  6. Six pieds sous terre, nous n’aurons de cesse de croire au ciel. Corps réunis dans un monde de murmures, nous serons des poussières à souffler pour oublier la perte. Âmes parmi les âmes, chaque cendre sera une étoile à embraser. Sous la stèle, tu seras le feu, je serai le tison. Feux follets pour tous ceux qui croient aimer.
  7. Au plus loin des lignes, l’horizon se confond avec la mer. La limite est sans cesse repoussée à une mémoire perdue. La rupture du ciel est un mensonge et l’absoudre nous plonge dans le creux d’un univers sans frontière. Alors plus rien ne pèse que tes yeux dans mes yeux, que ta main dans ma main, que ce châle infini recouvrant nos tourments. Il n’y a d’autre corps sensible que le nôtre.

  • 7.2.17

On cause de Morning à la fenêtre #Morning

Ci-dessous des extraits de deux nouvelles notes de lecture sur « Morning à la fenêtre » paru en septembre 2016 chez Tarmac éditions : http://bit.ly/morning_tarmac
Un grand merci à Marilyne Bertoncini et Marilyse Leroux.


Marilyne Bertoncini, dans Recours au pème
.../...  Tout surprend dans ces poèmes, et d'abord le rythme syncopé de la syntaxe - rejets interne aux mots, coupe des vers... liés aux allitérations et inversions sonores, donnant à la lecture ce balancement musical qu'évoque le titre, cette impression de skat improvisé ( toutes les allitérations gutturales du perco (qui) crie son marc et casse/du sucre sur le dos du jour épris/ D'une aigrette rabougrie et bécas-/ Sonne pendue à l'heur où un geai/ La prendra"), ou cette finale de note bleue que connaissent les amoureux du jazz .../...
Lire l'article complet : http://www.recoursaupoeme.fr/critiques/feuilletons-rome-deguergue-marie-ange-sebasti-chantal-ravel-christophe-sanchez-g%C3%A9rard


Marilyse Leroux, dans la revue Texture
.../... On remarquera les coupes finales, riches, ouvertes, qui donnent à voir en décroché d’autres sens possibles, parfois contraires. Christophe Sanchez, dans la masse de gris silencieux qu’il sonde, aime faire ricocher les mots, les laisser libres de dire autre chose, en jouant sur leurs césures inattendues (« La fenêtre s’ouvre à l’ani- / Mal félidé aux beaux yeux »), leur homophonie (« sternes / cernes, s’étale / létal, mordu / Morgue… »), leur polysémie. Les mots bougent et changent comme le ciel à la fenêtre.
La forme contrainte, en ce sens, ne fige pas, ne caille pas, elle brille parfois en éclats singuliers jusqu’au calembour même, tel ce « piaf sot et étourdi » qui « Se prend l’aile / À la cuistre »… Ou ce temps à se faire / Des vœux brouillés ». Le gris, au bout du compte, doit bien contenir d’autres lumières comme les mots d’autres mots.  .../...
Lire l'article complet : http://revue-texture.fr/d-un-livre-l-autre-2017.html#morning




  • 7.2.17