L'odeur

9.9.17

La cheminée couve des cendres encore chaudes de la veille. Dans la pièce, l’odeur de fumée est vive. Elle se mélange à la poussière qui danse autour des gros rideaux en velours. C’est une odeur lourde, de bois calciné, de petites branches de frêne que tu as fait brûler en premier pour attiser le rondin de chêne un peu vert. Une odeur de forêt après un incendie qui aurait tout décimé, ne laissant plus flotter que des relents de lichens et de champignons moisis. Elle est non seulement incrustée dans les murs devenus jaunes, dans les tapisseries dont les motifs de fleurs ont fané, dans les meubles qui l’accueillent dans leurs interstices vermoulus et dans le sol en tomettes rouges patiné de suie, mais aussi dans ton corps flasque et fatigué, étendu sur ton lit de fortune.
Aujourd’hui, alors que le jour peine à percer les rideaux, il règne une atmosphère de trop-plein comme si cette pièce – ce salon qui est aussi ta salle à manger, ta cuisine et ta chambre – n’en pouvait plus d’être ce réduit de cendres, ce vieux cendrier froid.
Tu te lèves et ouvres la fenêtre. L’air frais du matin s’engouffre dans la pièce. Tu respires à grands poumons. La brume est basse. La campagne encore endormie te fait sentir son haleine fraîche. L’hiver lâche un grand rot dans la forêt qui te fait frémir et refermer la fenêtre.
Le courant d’air a ranimé la cheminée. De fines flammes lèchent l’âtre et embrasent le reste du rondin de chêne. L’odeur est maître de l’espace. Cette odeur, ton odeur que tu ne sens plus.

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