Ligne de fuite

19.6.21

13h20

Tu remarques le bruit lancinant de la climatisation qui revient comme un marronnier de saison. Cette ligne de fuite dans nos oreilles, ligne de basse qui accompagne nos doigts sur les claviers. 
Hier encore, elle n’existait pas. Hier encore, premier jour de grosse chaleur et au démarrage la machine a eu des ratés. Un petit chaos comme chaque année, la climatisation ne fonctionne pas. Grosse chaleur dans nos dos. Et réunion au sommet au milieu des bureaux. Dix personnes, dix cadres qui discutent pendant une heure de la chaleur, des solutions à échafauder pour rafraîchir la pièce. Sinon la grève, sinon on dévisse. Ça menace. Ça va être chaud. La température sociale suit la montée du mercure. 
Alors est appelée à la rescousse une armée de techniciens en blouse blanche. Clim de fortune à bout de bras avec gros tuyaux d’évacuation à poster devant les fenêtres. Faire sortir leur nez dans l’entrebâillement qu’il faudra ensuite bâillonner de bâches plastiques afin que l’air chaud ne remonte pas vers nous.
Nous, nos figures défaites, peaux allongées et flasques de sueur, regardons stupéfaits le ballet des exécutants et le monde des penseurs qui s’agglutinent ajoutant du bavardage à la chaleur. 
Mais aujourd’hui 13h20, tu remarques le bruit lancinant de la climatisation qui revient, ligne de fuite, ligne de basse. On est bien.
Ailleurs, les cadres remplissent leur déclaration d’incident. 

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