De l’enfance, je retiens le ciel qui se mascare

13.11.21

De l’enfance, je retiens le ciel qui se mascare. J’aimais ce verbe qui pourtant annonçait l’arrivée d’un orage ou pour le moins la pluie dense comme le sont les gros nuages qui s’emparent du ciel. Et par extension, mascarer s’appliquait dans la bouche de mes parents à tout ce qui dans la vie pouvait se couvrir de sombre ou donnait signe avant coureur de défaites voire d’échecs cuisants. Dès lors, « ça se mascare » était un refrain assez régulier. Mes bulletins scolaires de trimestre en trimestre se mascaraient. Lorsqu’il m’arrivait d’esquiver la vérité pour ne pas dire de mentir éhontément, j’avais devant ma mère le visage qui se mascarait. Et quand la mort approchait de trop près un parent, un ami, une connaissance, le meilleur euphémisme ne pouvait être autre chose qu’un ciel de vie qui se mascare.  
Mais ce verbe, utilisé à tort et à travers, trouvait surtout en moi l’écho artistique qui faisait tant défaut à mes parents. Mascarer était peindre, certes pas de la meilleure couleur qui soit mais l’employant, je les imaginais toujours en train d’esquisser dans le ciel ou sur des visages un joli barbouillage de mots qu’eux seuls savaient réaliser.

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