Équilibre précaire

26.9.25

De l’enfance, je retiens cet équilibre précaire dans lequel le monde se tenait. Le monde des adultes et celui des enfants étaient si dissemblables que j’avais l’impression qu’un vent violent les séparait toujours. Le ciel était ce carré de marelle qu’il fallait gagner à coups de caillou, alors qu’il était acquis que seuls les morts pouvaient l’atteindre. Être dans les jupes de sa mère relevait d’une irrémédiable timidité, alors que c’était le seul endroit paisible où les deux mondes s’accommodaient. L’oisiveté était ce vilain défaut qui faisait, le jour, de nos lits les pires lieux de débauche, tandis que, le soir venu, il fallait s’y réfugier le plus tôt possible pour bien s’y reposer.
À quoi bon tenir la rampe pour passer d’un monde à l’autre et y devenir un de ces grands abîmés absurdes : le jour, donneur de leçons, long corps courbé menaçant de son index d’exclure l’enfant du jeu, et, la nuit venue, dans un vain espoir de rétablir l’équilibre, conteur d’histoires merveilleuses au visage badigeonné de tendresse.

2020

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