Gérard doute

16.11.09

image J'avais laissé mon Gérard en fâcheuse posture. Cinquante années d'insouciance affective sont passées sans qu'un accroc ait déstabilisé son couple. Et voilà que l'amour ou l'attirance physique de la jeunesse le tiraille désormais jusqu'au plus profond de son cœur voire plus bas, vers l'entrejambes.

Quelques semaines se sont écoulées et j'ai cru l'incartade sauvage avec son employée, la belle Barbara, terminée et reléguée aux oubliettes des sentiments défunts. Que nenni ! Hier soir, vers 21h30, le téléphone sonne... Habituellement, à cette heure là, je ne réponds jamais. Passé 20h30, je considère toute intrusion dans ma bulle crépusculaire comme inopportune et presque indécente. Bref, je ne sais pas pourquoi, ce soir, je vois s'afficher son nom et je réponds.

Un peu gêné par cet appel tardif, Gérard hésite, balbutie quelques mots inaudibles avec une voix ronflante visiblement fatiguée. Je le rassure et lui garantis que son appel nocturne ne me dérange pas du tout, mais alors vraiment pas du tout. Il se décontracte en soufflant sur son combiné quelques bouffées de fumée. Il est dehors et arpente la rue avec son chien. Il profite de cet instant de haute solitude pour s'interroger et me donner des nouvelles de son idylle décevante.

Je le remercie et reste tout ouïe pour la suite que je pressens savoureuse et haletante. Il commence à flatter mon acuité innée s'agissant de difficultés amoureuses et poursuit en me demandant si j'avais perçu un changement de comportement chez Barbara. Je suis surpris par cette question sachant que je côtoie peu la demoiselle. Son désarroi est perceptible et en guise de réponse, je le questionne à mon tour sur l'évolution de leur relation. Platonique et ambigu sont les premiers adjectifs qu'ils me lancent dans un soupir exaspéré. Je demande alors s'il perçoit, lui, une modification de comportement qui pourrait laisser entrevoir une nouvelle ouverture, un retour en grâce de son attrait sexuel vieux d'un demi-siècle. Il sourit, rit même, mais cette euphorie soudaine sonne faux. J'imagine son rictus crispé, sa tête de chien battu au pied de son fidèle compagnon le regardant avec la même gueule d'homme abattu...

Je n'en saurais pas plus ce soir. Je lui propose de me rapprocher de Barbara et discrètement d'évaluer son état d'esprit, de cœur et de libido du moment. Il me remercie dépité du peu d'éléments que je lui ai fourni. Il accepte néanmoins mon approche de sioux des cœurs et m'invite à venir dés demain matin boire le café avec sa douce et, décidément, bien espiègle Barbara.

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