L'ennui

31.1.16

L’ennui est une traine sur la mer, un feu docile qui ondule puis s'étouffe. Cinq minutes et il disparaît. Ce matin, je descends capter sa langueur dans ma boussole. Entre deux ruines de nuit, je traverse la route qui me sépare de la plage. La bascule, pli du temps où le jour mord le ciel à pleines dents, me pousse jusqu’à la grève. Je me laisse envahir par l’éclosion entre deux voiles de brume qui s’éclatent sur le fil de la digue. Je rêve un peu. Mais si je traîne trop, je manquerais l’ennui. Alors je dégaine, règle, tapote et capture l’abattement entre miel et mer, sombre et feutré, rapide et las. Deux ou trois prises et la traine se change, quitte sa robe de spleen et s’élargit pour prendre l’horizon dans son lit. Elle lorgne un nuage noir, lui souffle une dentelle de cuivre ; se retourne et tire les manches du ciel pour le découvrir du bleu sale qui macule encore son visage. Un goéland repasse l’ennui d’un vol plat et efface les plis du large. De l’autre côté, le port s’éveille et l’ennui s’éteint comme les réverbères qui, un à un, saluent le tableau et balancent leur révérence à la mer.

Plage de Palavas - 31/01 7h50

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