Ingrid, Marion, Serge, Paul et Myriam

8.7.16

Qui se souvient du théâtre passé de nos ombres ?  Sommes-nous le reflet parfait de nos traces ?

Il a longtemps plu sur la terre ocre de nos années perdues. Longtemps, les ombres ont flotté, réverbération lointaine de ce que nous fûmes. Quelques flaques venues d’un passé qui ne nous absout plus. Qu’on l’accepte ou non, dans le cortège des fumées, dans l’excroissance de nos pensées lointaines, se cache un souvenir qui sonne comme des casseroles à la traîne de nos mélancolies. 

Cet après-midi-là,  il n’y eût pas plus d’ombres que de manège. La terre se disputait le temps avec un vent léger qui soulevait juste assez de poussières pour piquer nos yeux. Ce jour-là, ce fut le grand manège pour Ingrid, Marion, Serge, Paul et Myriam. Les nommer ne suffit pas à croire à l’instant et pourtant dans le ciel, le soleil a figé les silhouettes comme preuve irréfutable et irréfuté de notre présence au monde. 
Nous étions cinq à former le club des inséparables. Nous avions le temps de croire aux absences, nos corps étaient aussi légers que les chaînes qui balançaient nos espoirs blottis dans des mouchoirs. Dans les roulottes, derrière les rideaux de coton grège, ourdissaient déjà les lendemains fragiles. Emportés par la rotation de la terre, l’ocre nous seyait comme l’ombre nous blottissait dans un infini de temps. Ici, aux vrilles des casseroles, nous ne savions pas encore qui nous étions, lesquelles des ombres ou des peaux reflétaient la vérité. Nous vivions dans un théâtre sans conscience d’aucune mort.

Shadows of children on swing, Munich, 1963, © Jon Naar, Gelatin silver

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