7 variations sur le même thème #7

10.3.17

  1. Il nous faut de la fatigue. Dans le geste qui nous dit, dans le plein qui nous lie. De la fatigue et de la solitude, notes vitales à notre récit. On se plait comme on se désire, dans la métamorphose de nos corps mouillés. Mais dans l’étreinte la fatigue s’oublie, nous devons la rappeler en deux cœurs libres. L’éprouver dans un maelström blanc, dans un vertige d’humilité, au plus étroit de la faille – au plus proche de nos exils.
  2. Nos mots ne savent pas la trace qu’ils laissent. Le malaise qu’ils imposent à nos chairs. Ils sont les atomes superflus. Dans l’air flotte le risque des paroles vaines, celles qui coupent de la lucidité. On doit tirer une ligne tangente à la courbe de nos émotions. C’est elle qui nous relie à la terre en un unique point d’abandon.
  3. Ta charité est mince au regard de la grande plainte. Pour qui te prends-tu à te croire ainsi saisie de ma peine ? Mes sanglots passent sur ton ego comme un baume sur la peau d’un espoir. Ils sont le déversement nécessaire avant le nouveau plein. Ils donnent de l’audace au jour, à l’aube l’éblouissement des tourments résolus. La plainte a la certitude qu’elle pourra, vidée de son poids, voler dans les plumes du monde.
  4. On aime ces instants comme on aime des friandises. Des poignées d’heures sucrées qu’on croit engager pour l’éternité. Il n’y a aucun naufrage à s’y abandonner. Mais au cœur de la lumière, quand le vent vient secouer la fatigue et que la lucidité nous colle des caries entre les dents, il est heureux de se débarrasser de nous. Simplement. Dans le souvenir et le brassage des moments partagés – sans asservir nos âmes à l’orgueil de l’enfant.
  5. Je vois le vert prendre ton visage lorsque ta main touche l’espérance usée. Ce vert qui tire vers le gris. Un vert de gris sur ta peau cuivrée comme de vieilles brûlures d’effroi séchées par le temps. La prophétie a tendrement eu lieu du bout de tes doigts sur ma peau ; nous restons émus par la pulpe charnue de tes peurs sur mes peurs.
  6. Sur ton épaule de la sueur lourde et chaude. Elle en dit long sur les suffocations de la fatigue, celle qui porte nos corps à l’éviction du monde. Nos âmes sont mortes de trop vouloir aimer. Nous subsistent des gouttes de rancœur qui roulent sur ton cou. Je les porte à ma langue pour sentir ta dernière pluie.
  7. Nous ne savions rien de ce qui était et encore moins ce qui allait advenir. Entre ces deux riens nous étions l’objet fallacieux de notre désir. Il n’y eut que l’instant qui comptât ; subreptice moment planqué entre la fatigue et le grand soir. Maintenant nos corps sont si ignorants que nos mains ne s’attrapent plus.

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