Vieux chewing-gum

1.9.18

Une femme et son fils dans la rue. Ils marchent lentement. La mère traîne l’enfant à bout de bras. Elle voudrait accélérer le pas. Lui, il s’en fiche malgré l’angoisse blottie au fond du regard. Tous les deux ou trois mètres, il tape le sol avec la pointe de ses souliers. Il veut freiner l’allure imposée. Il se penche, ramasse un caillou, le porte à la bouche. La mère agacée tire sur son bras comme sur une corde. Ce qui a pour effet de faire basculer son petit corps mal assuré vers l’avant. Immanquablement, il tombe, crie, et cette fois, saisit un vieux chewing-gum dur comme une pierre et se met à le lécher. Une dizaine de minutes d’un tel manège et excédée, la femme lâche la main de son fils et le gifle.
Les visages échangent un long silence avant l’éclatement des pleurs.
La rue semble mal digérer l’agression. Le ciel se noie dans de longs draps d’ombres, le trottoir vacille, les voitures passent sans un bruit. L’enfant gémit. La mère reste figée à proximité d’un arbre, se laisse tomber finalement contre le tronc, baisse la tête. Le garçon se roule parterre, tape des pieds, hurle tandis que la rue souffre d’un léger tremblement. Les lumières aux fenêtres frémissent puis s’éteignent, le vent se tait, le ciel est désormais planqué derrière la honte. Rien ne sera plus pareil. Le souvenir de l’enfant gravé contre un tronc d’arbre. Chaque fois qu’il sera convoqué, il aura le goût poussiéreux d’un vieux chewing-gum. 

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