Une journée d’errance #after #TFV #LesVisages

19.9.15

19/09, il est 16h45, et je n’ai vu aucun visage. Mise à part celui de mon fils au réveil, à midi. Il avait les traits oscillant entre émerveillement et fatigue de vivre. Un visage qui me ressemble, paraît-il.  En début d’après-midi, je l’ai ramené chez sa mère, tourné au tour du pâté de maison sans avoir envie de retourner chez moi. J’ai garé Fafnerito (http://www.fut-il.net/search/label/TFV) sous la terre, place de la Comédie. Pris mon sac de voyage dans le coffre, une trousse de toilette, mon ordinateur et deux livres à l’intérieur. Le mini-voyage était prémédité.
Je suis sorti du parking et suis tombé sur l’arrêt de tramway. Une multitude de visages se presse autour d’un distributeur de billets. D’autres rodent autour de la place, à la recherche d’âmes charitables. Peut-être eux aussi en quête de visages à croiser, de corps à toucher, de paroles à échanger. J’ai tourné, moi aussi, un instant, ne sachant pas vraiment où aller. Au fronton de l’opéra, un restaurant affiche ses menus sur deux ardoises accrochées à un poteau. Les ardoises se balancent au vent et joue une musique pareille à un tempo afrobeat. Ça m’interpelle, je calme la première ardoise de la main et lis les plats proposés. Pas de barbaque mais une salade de chèvre chaud sur son lit de salade à la sauce blablablabla me fait de l’oeil. Je m’installe.
Seul sur le parvis, assis à une table posée sur un parquet flottant, je commande et interroge l’instant en prenant une photo des bâtiments avoisinants. Le centre de Montpellier est beau, cette place est aussi belle qu’usuelle. Je n’y prête pas assez attention. C’est ce que je me dis quand je m’aperçois que le parquet flottant n’est en fait qu’une vulgaire palette posée sur le sol et que le va-et-vient de la serveuse provoque des soubresauts sous ma chaise donc dans mon corps. Ça passe rapidement de cocasse à très désagréable et je gobe ma salade en laissant le trop plein de vert dans l’assiette.
Je remonte la rue de la Loge bondée comme un jour de solde. Les visages s’entremêlent sous mes yeux. Je goutte à la mixité montpelliéraine et je suis ravi de vivre près de cette ville dans laquelle, sous mon vernis clair et certainement naïf, toutes races et religions semblent converger vers le même appétit de consommation.
Ce n’est pas un jour de solde mais au milieu de la rue, je remarque la vitrine d’une échoppe affichant à grands renforts d’affichettes rouges une foire aux vins exceptionnelle. Je prends en photo un grand cru St Emilion à 13,45 euros et l’envoie à un ami féru de bons vins et de prix sacrifiés. 
Je continue ma route vers la promenade du Peyrou décidé à perdre un livre sur un banc (http://j.mp/partagelitt). Le vent se lève soudain et dégage une fine poussière qui forme un nuage ocre en suspension sur les visages. La température jusqu’ici très agréable baisse et vient me rafraîchir l’échine. J’éternue et affole une passante par le cri aigu poussé sous la violence de mon éructation. Voilà un visage dégouté à qui je n’adresserai pas la parole, même pour demander un mouchoir. Je m’excuse et elle sourit. C’est étonnant ce que convoque dans le corps un éternuement ; chaque muscle se tétanise sous la force et la vitesse du déploiement. Eternuer est un volcan intérieur que je ne suis jamais arrivé à maîtriser. 
J’arrive près du Peyrou face à l’arc de triomphe. Je prends conscience que ce week-end ce sont les journées du patrimoine dès que j'aperçoie la file d’attente au pied du monument. Anglais, belges, australiens, américains et autres nationalités imprécises s’agglutinent là en serpentin autour du pied droit de l’édifice. Deux gendarmes en gilets jaunes font la circulation des voitures et des gens. Et malgré ce, c’est une pagaille sans nom. Je trace mon chemin pour rejoindre le parc, lieu plus calme et propice à ma journée de rêverie post-visages.  
Le vent redouble et l’air se charge de particules allergènes propices à l’éternuement que je retiens tant bien que mal. Je m’assois un instant et ouvre « se taire ou pas » d’Isabelle Flaten, éditions Le réalgar (http://www.tulisquoi.net/se-taire-ou-pas-isabelle-flaten). Isabelle est un visage rencontré lors de mon tour cet été. Une belle rencontre dont je garde un souvenir émouvant. Je poste ma lecture sur Instagram et aussitôt Isabelle réagit sur Messenger. Nous bavardons quelques minutes et je reprends le fil du livre. Il s'agit de relater les pérégrinations d’un couple en prise à des difficultés, sujet ô combien rabattu mais qui ici est pris dans une poésie sombre et intérieure très intéressante. L’écriture d’Isabelle est pleine et belle, acérée et douce à la fois. Lire Flaten est un plaisir. J’oublie un livre de Jean-Jacques Marimbert (autre visage d’été http://jjmarimbert.blogspot.fr/) sur le banc avec un petit mot à l’intérieur invitant la personne qui le trouvera à faire de même et sort du parc pour rejoindre la place Candolle. Quelques SMS pleins d'alacrité échangés avec mon oursine nouvelle et je continue Flaten avec dans la tête l'image des visages rencontrés cet été et de la liberté de vivre éprouvée pendant ces deux semaines.
Je pose le livre et me souviens, le regard balayant la terrasse du Black Cat, bar où je me suis installé. Comme un automate, je me saisis de l’ordinateur pour raconter cette journée d'errance belle avec une excitation d’écrire retrouvée et avec dans les yeux Julio Cortázar et dans le cœur Carol, Dunlop.

Il est 18h08. Je n’ai vu aucun visage. Je vais finir ma bière et aller à un vernissage ou rentrer chez moi. Je ne sais pas. Dans tous les cas, personne ne m’attend. C’est à la fois nostalgique et réjouissant. Nostalgique parce que cet été en pente douce fut merveilleux et que l’automne risque de me rendre atone. Réjouissant parce que je me sens agréablement vivant et heureux. Un peu comme le morceau de Sade qu’un groupe de musiciens jazzy vient d’entonner sur la terrasse du Black Cat. 


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