Les odeurs de tabac brun

14.4.11

image Les odeurs de tabac brun me reviennent, toujours les mêmes sensations quand je croise un tireur de mégot sans filtre. Le même faciès ridé et tanné de soleil, le visage marqué et de belles valises sous les yeux. A croire que les goldos sont toutes attachées aux commissures des mêmes gueules cassées. Des années qu’elles se fument, qu’elles dégagent le même parfum saumâtre, qu’elles enflent les vêtements de leur tanin et collent du jaune aux murs et aux doigts. Et les mêmes gestes et comportements perpétuels qui accompagnent le fumeur de tabac brun. La tape sur le dos de la main pour tasser la tige. Collé à la langue, le filet rebelle de tabac craché dans un plissement bref des lèvres. Et souvent, coincée derrière l’oreille, la suivante en attente du cérémonial.

Toujours une silhouette similaire, la voix ronflante et la gouaille altière. Le fumeur de tabac brun apparaît daté d’une autre époque révolue, il appartient à la génération de mon géniteur, de mon clopeur de goldos. C’est lui la référence qui perpétue l’odeur, qui la rend aussi tenace, aussi reconnaissable et de souvenir aussi caricatural : la fumée fixée aux mailles de ses nippes qui faisait fragrance de sa personnalité, son index jauni à l’ongle rongé, les quatre murs de sa chambre aux fleurs caramel et sa manie de rassembler avec son petit doigt le tabac perdu sur la table de nuit .

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